Le fisc aux trousses des influenceurs
Par Mouhamet NDIONGUE
Le Maroc vise à augmenter les recettes fiscales pour mieux financer les politiques publiques et réduire le déficit budgétaire après que la pandémie de COVID-19 a provoqué une forte augmentation des dépenses. Pour ce faire, l’administration fiscale se lance à la trousse des influenceurs.
Pour 2022, le Parlement a approuvé une nouvelle Loi de finance qui vise à augmenter l’assiette fiscale, garantir l’équité, lutter contre la fraude, introduire une taxe carbone et imposer un système de TVA plus juste pour les entreprises.
La nouvelle législation vise à renforcer l’efficacité du système fiscal en tant que moyen de financement des politiques publiques. En effet, le Maroc a enregistré un déficit budgétaire de 6,3 % en 2021 contre 7,6% en 2020.
Pour rappel, les recettes nettes des droits de douane réalisées à fin janvier 2021 ont atteint 796 MDH contre 793 MDH un an auparavant, soit une hausse de 0,4% ou +3 MDH, compte tenu des remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux de 1 MDH contre 2 MDH à fin janvier 2020.
Par ailleurs, près de 50 % de l’impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et TVA combinés sont payés par seulement 140 entreprises, selon les chiffres officiels. Seulement 1% des entreprises représentent 80% des recettes de l’impôt sur les sociétés.
Ainsi, le Maroc perd jusqu’à 2,45 milliards de dollars en raison de l’évasion fiscale et de la fraude des multinationales, a déclaré Oxfam dans un rapport publié en 2019.
De nouvelles niches fiscales
Après le digital, de nouvelles niches d’emplois se créent. L’entreprenariat sur internet avec différents supports comme les réseaux sociaux devient une entreprise qui génère de plus en plus de capitaux. Et dans sa politique d’élargissement de l’assiette fiscale, la Direction générale des Impôts (DGI) a interrogé des entrepreneurs Internet sur leurs revenus, ces dernières années.
Il faut dire que le nombre d’influenceurs en ligne augmente au Maroc, mais l’administration fiscale éprouve des difficultés à recenser ces nouveaux entrepreneurs faute d’une traçabilité et transparence de leur activité. Le fisc souhaite désormais avoir accès à tous les revenus, y compris les virements internationaux et les éventuels paiements en espèces.
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L’année dernière, les autorités fiscales avaient annoncé qu’elles enquêtaient sur l’évasion fiscale massive des influenceurs et autres entrepreneurs internet. Désormais, la DGI passe à l’acte en mettant une équipe de contrôleurs fiscaux pour enquêter sur les revenus probables des influenceurs, en examinant le nombre de followers et d’abonnés sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram et le service vidéo YouTube.
En avril 2021, la DGI a donné à ces « nouveaux entrepreneurs » le temps de régulariser leur situation financière. Ainsi, les influenceurs bien connus devraient, rétroactivement, indiquer le nombre de transactions qu’ils ont reçues de clients ou de prêteurs étrangers.
Fuites des capitaux
De nombreux vloggers, blogueurs et autres influenceurs marocains ont ouvert des comptes dans des paradis fiscaux pour cacher leurs gains réels. Les influenceurs seraient aidés par des intermédiaires internationaux spécialisés.
Dans certains cas, les revenus s’élèvent à environ 100 000 dirhams par mois. La gestion et l’ouverture de comptes offshore sont assurées par des cabinets d’avocats internationaux spécialisés dans l’évasion fiscale, en contrepartie d’une commission importante. Les entreprises clandestines garantissent l’anonymat de leurs clients, car la réglementation des paradis fiscaux permet de garder secrète l’identité des titulaires de comptes, sauf si l’affaire est liée à des enquêtes judiciaires et à des soupçons de blanchiment d’argent, de fraude ou de financement du terrorisme.
Pour la codification de leur activité, la DGI a expliqué que les transactions peuvent être assimilées à l’exportation de services ou de produits à l’étranger, qui sont soumis à un régime fiscal spécifique.
(Avec MAP)