Bataille pour ou contre le wokisme
POLITIQUEMENT INCORRECT
Par Gabriel BANON
Le « wokisme » importé des États-Unis, a fait irruption dans le débat public et fait florès à l’ère du buzz et des clashs. Sur la scène politique et intellectuelle, le « wokisme » a provoqué, enfin, la formation d’un véritable « front républicain » en France et ailleurs en Europe.
Le wokisme est une forme d’obscurantisme. Mais de quels chaudrons de sorcière sort cette idéologie américaine dont les plus sots des universitaires français enfourchent le dada ?
A l’origine, les racines du wokisme renvoient à l’idée d’« éveil » aux injustices, aux inégalités et autres discriminations subies par les minorités, qu’elles soient sexuelles, ethniques ou religieuses. Mais cet « éveil » a mué en une sorte de menace pour la société, par la radicalisation du propos et une exagération outrancière provoquées par le jusqu’au-boutisme des campus universitaires américains.
Des idées iconoclastes, qui aujourd’hui reviennent en boomerang des États-Unis où elles se sont implantées jadis, ont émergé des cervelles surchauffées par 1968 de quelques penseurs. Ils veulent déboulonner les vieilles icônes, comme De Gaulle, ou encore Abraham Lincoln ! Ils veulent retirer les statues de l’ex-roi Léopold II à Anvers en Belgique, Colbert à Paris, mais aussi Gallieni. Il semble, en la matière, qu’on est beaucoup trop tendre, trop patient, trop enclin à écouter, trop tenté de donner raison aux gens déraisonnables…
Si le terme « woke » est historiquement lié à la lutte des Afro-Américains pour les droits civiques, il se trouve désormais au cœur de mobilisations d’une jeunesse militante animée par les causes féministes et antiracistes. Ces mobilisations par certains procédés ou techniques, par leur radicalité, deviennent une atteinte à la liberté d’expression. Ce sont des appels à la censure d’une œuvre, à l’annulation d’une exposition ou d’une représentation, au déboulonnage d’une statue, etc. Ils vont jusqu’à restreindre l’accès à des manifestations à certaines catégories de personnes ne partageant pas leurs idées. En voulant se révolter contre les discriminations, ils pratiquent eux-mêmes, par leurs procédés, la discrimination. Ce faisant, les « woks » reproduisent les pires préjugés racistes et sexistes, avec la bonne conscience des néo-convertis. Le débat autour de ces pratiques est complexe, mais est-il légitime ?
Rien n’arrête les militants du wokisme. Après la sociologie et les lettres, c’est au tour des sciences dures d’être leur cible. Ils visent à relativiser des savoirs « imposés par l’homme blanc » !
L’Observatoire du décolonialisme et le Collège de philosophie en France se mobilisent pour s’élever contre l’emprise grandissante du wokisme, appelé « cancel culture », et dénoncent « l’ordre moral » que ses partisans feraient régner dans le monde éducatif.
Le « politiquement correct », qui sévit depuis bientôt quarante ans, est la section émergée de cet iceberg de nouvelles certitudes.
Dans un colloque tenu récemment à la Sorbonne, à Paris, le Ministre français de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, en introduction, a défendu « l’universalisme » contre « les personnes à qui les idées des Lumières font peur ». Il répondait ainsi aux manifestants qui, devant l’université, dénonçaient une « chasse aux sorcières ».
Si l’on veut comprendre le wokisme, il faut remonter à la source américaine : il s’agit en fait, de l’une de ces innombrables sectes qui pullulent depuis quatre siècles dans un pays colonisé à l’origine par des quakers — secte dissidente de l’église anglicane — chassés d’Angleterre avec William Penn en 1681.
Ce vaste colloque, ouvert par Jean-Michel Blanquer, veut déconstruire le wokisme et lance une contre-offensive. Ces bons esprits ont été immédiatement classés à l’extrême-droite par les spécialistes de l’anathème bien-pensant, les islamo-gauchistes professionnels et autres collabos de la pensée unique.
L’irruption du wokisme dans les sciences dures en France est l’une des préoccupations exprimées lors de ce colloque sur la « déconstruction dans le milieu éducatif ». Quelques exemples venus d’outre-Atlantique illustrent le propos.
Au Canada, un groupe de recherche baptisé Decolonizing light (« décoloniser la lumière ») entend « repérer et contrer le colonialisme en physique contemporaine » et dénonce un champ d’études dominé par les hommes blancs. Le projet prétend s’intéresser « aux ontologies et épistémologies autochtones en termes de création de connaissances » et étudier « les points d’ancrage coloniaux dans l’histoire de la physique ». Il est financé à hauteur de 163 000 dollars par l’État canadien. De son côté, la Fondation Bill Gates soutient un programme destiné à « déconstruire » l’enseignement des mathématiques.
Il serait peut-être temps que s’élèvent des voix autorisées contre cette nouvelle lubie venue d’outre-Atlantique.