Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique célèbre la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afro-descendante
Par Monceyf Fadili (*)
La célébration de la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afro-descendante (JMCA) s’est tenue le 24 janvier 2022, à l’initiative de Cités et Gouvernements Locaux Unisd’Afrique (CGLU Afrique). L’occasion de commémorer, par de nombreux pays, un évènement phare de la culture en Afrique, et de rendre hommage à la Charte de la renaissance culturelle africaine adoptée par l’Union africaine, dont le thème de 2021 était « Arts, culture et patrimoine: leviers pour construire l’Afrique que nous voulons ».
Organisée sur le thème La Culture, élément d’expression de l’Identité Africaine, la JMCA 2022 a regroupé les intervenants suivants :Mme Asmaa Rhlalou, Présidente du Conseil de la Ville de Rabat – M. Jean-Pierre Elong Mbassi, Secrétaire général de CGLU Afrique – M. John Ayité Dossavi, Président du Réseau Africain des Promoteurs et Entrepreneurs Culturels–M. Abdel-Ilah Afifi, Secrétaire général du ministère de laJeunesse, de la Culture et de la Communication–M. Alain Bidjeck, Directeur de Movement of Creative Africa-MOCA – M. Raoul Rugamba, fondateur deAfrica in Colors–M. Monceyf Fadili, Expert en planification urbaine, auteur de Rabat, un printemps confiné– Sa Majesté Ness Essombé, Secrétaire général de l’Union des Autorités Traditionnelles d’Afrique.
Modérateur du panel : M. Khalil Gueye, journaliste.
Contribution de l’Afrique à la culture universelle
La célébration de cette journée revient à l’UNESCO et à l’effort de responsables africains pour faire reconnaître la contribution africaine à la civilisation mondiale. La profondeur historique de l’Afrique comme berceau de l’Humanité donne à la culture un relief particulier, dans un environnement où l’espèce humaine s’est trouvée très tôt confrontée à l’adaptation des écosystèmes changeants, et à se donner des règles communes pour y faire face.
Par un retour de l’Histoire, dans un monde qui s’est éloigné des règles de la cohabitation harmonieuse, l’Afrique est mise en demeure d’apporter du sens dans un « monde insensé », où la survie de la planète se trouve en cause. Retrouver la voie de la sagesse et le respect de tous à travers l’égale dignité, la solidarité et le partage, la compréhension et la convivialité, sont des enjeux auxquels l’Afrique doit prendre part, notamment à travers la culture, qui aura permis au continent de « rester debout », envers et contre tout, et tous.
Au moment où la compétition conduit à l’accoutumance des injustices, l’appel à un monde plus juste doit constituer un défi pour l’Afrique, par un appel à une humanité plus équitable et solidaire, pour adopter l’identité culturelle africaine comme modalité pour une communauté mondiale appelée à se réinventer.
Dans cette démarche, l’intégration au développement économique en Afrique doit ériger la dimension culturelle en quatrième pilier du développement durable, notamment dans les villes, où l’émergence d’une culture urbaine s’accommode de nouvelles formes d’organisation de l’espace. Une reconquête de la ville est en voie de s’opérer à travers la culture, par des formes originales d’appropriation de l’espace urbain.
La jeunesse joue un rôle de premier plan dans cette nouvelle configuration spatiale – du fait de son poids numérique – pour réinventer la sphère urbaine à travers la culture et ses différents modes d’expression.
Patrimoine commun et coopération Sud-Sud
Le patrimoine culturel de l’Afrique, dont l’UNESCO est l’une des principales instances de valorisation, est fortement présent à l’échelle du Royaume du Maroc, un pays à la fois porté par une identité culturelle africaine, arabe et méditerranéenne, qui prône des valeurs d’ouverture, de dialogue et de tolérance.
La ville de Rabat représente l’une des expressions marquantes de cette identité culturelle. Inscrite sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2012, à l’instar des villes impériales figurant au patrimoine de l’UNESCO, la capitale du Royaume complète les huit sites classés à l’échelle mondiale. La dimension patrimoniale et architecturale de la ville est articulée à la promotion de projets de développement structurants inscrits dans le cadre du projet Rabat ville lumière capitale de la culture marocaine, initié en 2014 sur orientations royales. Une dimension renforcée depuis 2018 par la promotion de la ville de Rabat au rang de « Capitale africaine de la Culture »par le sommet Africités 8 (Marrakech, novembre 2018), qui consacre chacun de ses sommets par la désignation d’une ville africaine comme capitale culturelle du continent.
Une consécration qui devrait donner lieu à l’organisation de manifestations et de rencontres culturelles à l’échelle de la ville au cours de l’année 2022. Il est également à rappeler la dimension culturelle présente dans les cadres de coopération bilatérale entre le Maroc et les nombreux Etats africains, que relaient les multiples festivals, manifestations et évènements d’envergure internationale, véritables plateformes d’échanges et de partenariats autour d’un bien commun et de la valorisation d’un fonds culturel en partage. Le festival Mawazine, première plateforme musicale au monde, constituant une vitrine artistique de premier plan pour le continent.
La coopération Sud-Sud, dont la tendance est au renforcement par le Maroc à l’échelle de l’Afrique, est appelée à intégrer de manière croissante la dimension culturelle, pour la promotion d’un patrimoine collectif et de l’Afrique que nous voulons, dont le texte fédérateur est la Charte de la renaissance culturelle africaine (2006).
Une renaissance culturelle où la reconnaissance patrimoniale – matérielle et immatérielle – demande à gagner en visibilité, si l’on considère que l’Afrique est le continent le moins représenté en termes de classements et d’inscriptions sur les listes du patrimoine culturel mondial.
Dans cet esprit, l’ouvrage Rabat un printemps confiné se veut une contribution à la culture africaine. Écrit pendant la période du confinement consécutive à la crise sanitaire, il a été édité par CGLU Afrique et préfacé par son Secrétaire général, une manière de fondre l’esprit d’une déambulation urbaine dans celui des nombreuses métropoles du continent et de la culture urbaine africaine. Parcourir la ville par une itinérance dans ses quartiers était une manière de célébrer l’histoire et la culture de la capitale, tout en rendant hommage à ses habitants et à sa jeunesse avec, au-delà de la pandémie, le narratif d’une ville ouverte sur l’avenir.
Industries créatives et culturelles
La culture comme expression de l’identité africaine et l’influence croissante des arts posent la question cruciale de la structuration de la production artistique, face aux marchés des industries culturelles qui régissent les échanges culturels à travers le monde. A cet égard, il est utile de mentionner les initiatives qui émergent en vue d’impulser et d’encourager les passerelles entre le continent et les diasporas africaines en matière de production artistique, dans le cadre de dynamiques participant du développement économique.
Alors que les industries culturelles et créatives africaines représentent à peine 1% des marchés à l’échelle mondiale, la démarche initiée par Movement of Creative Africa (MOCA) est à relever, comme approche fédératrice des potentialitésartistiques entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, par un plaidoyer en faveur de la sensibilisation au nécessaire positionnement des acteurs africains et des diasporas africaines.
Conçue comme une plateforme autour de 350 experts issus de 40 nationalités – africaines en majorité –, l’objectif est d’accompagner les acteurs d’un secteur émergent dans le développement économique en Afrique, tout en donnant à la culture sa nécessaire dimension au développement humain. Une démarche étayée par les nombreux accords de partenariat, dans lesquels prend place la mise en lumière de l’innovation culturelle à travers les arts visuels, les médias et les technologies de l’information, le numérique et les jeux vidéo, la musique et le cinéma. Autant d’instruments dont la finalité est de valoriser les identités culturelles tout en donnant à la jeunesse l’ouverture sur de nouveaux modes d’expression artistique et visuelle.
L’intégration de l’Afrique à l’environnement des industries culturelles et créatives passe par des actions fédératrices et mutualisées telles que l’initiative panafricaine Africa in colors qui regroupe 37 pays dont 27 en Afrique. Trois axes guident cette entreprise : l’éducation et la formation ;la création de plateformes mieux connectées aux marchés ; l’accès aux financements, publics et privés. L’une des clefs d’entrée de ce secteur innovant est l’éducation et la formation, pour une meilleure connaissance des métiers du futur qui caractérisent ce secteur – notamment le numérique –, pour l’émergence de talents au sein de la jeunesse et pour favoriser la création d’emplois à travers l’art.
Il est également nécessaire de mettre au cœur de cette innovation les gouvernements africains, appelés à se positionner comme des entrepreneurs à travers le secteur public, à même d’apporter les garanties et la confiance nécessaires aux investisseurs, tout en étudiant la demande, pour favoriser un marché commun africain et des échanges en monnaie locale.
Trouver des solutions à l’échelle de l’Afrique suppose que l’on réfléchisse aussi au-delà du continent, pour créer une plateforme qui exporte les nombreux talents africains et la consommation de leurs produits.
Expression culturelle et jeunesse
L’identité et la culture africaine passent par un investissement en direction de la jeunesse. Dans un environnement où la culture est souvent associée au folklore et au divertissement, et où les budgets alloués sont marginaux, « parler aux jeunes » représente une démarche première, en termes de sensibilisation, de formation et de prise de conscience de l’importance de la culture et de son impact économique et social. Inscrit sur la durée, un tel processus nécessite l’intégration des valeurs africaines dans les cursus scolaires et le recours à des symboles forts comme référentiels de l’identité, tels que le fait de revêtir l’habit traditionnel pour entre autres célébrer la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afro-descendante.
Le fait d’avoir « tourné le dos à nos gestes » implique un travail sur l’identité, en premier lieu en direction de la jeunesse, pour la reconquête par la culture et l’estime de soi, et pour redonner la confiance dans les valeurs portées par la culture en Afrique. Ce processus, dont les établissements scolaires et les mairies sont des relais essentiels, peut notamment s’appuyer sur les rencontres, les échanges et les manifestations à caractère culturel et sportif, dont l’actuelle Coupe d’Afrique des Nations représente, à travers le football, un moment fort pour tout le continent africain et sa jeunesse.
(*) Monceyf Fadili
Expert international en planification urbaine et développement territorial Ancien Conseiller ONU-Habitat
Agenda de CGLU Afrique
Africités 9 – Kisumu, Kenya, 17 au 21 mai 2022
Thème du 9ème Sommet Africités :
« Le rôle des villes intermédiaires d’Afrique dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 des Nations Unies et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine ».
www.uclga.org