Zemmour ou le nouveau « mal français » identitaire instrumentalisé
Amine Ryad
Il y a bien sûr « l’Arabe de service », le « nègre de service » et j’en passe de ces noms d’oiseaux attribués à ceux qui sont manipulés en « faire valoir » pour justifier des actes ou propos politiquement incorrects, mais voilà que le candidat « Zemmour » assume pleinement son rôle de « juif de service » pour servir ses théories nauséabondes sur le « grand remplacement ». Interpellé récemment sur l’existence de membres nazis dans son sillage, il aurait répondu feignant la surprise que cela ne pouvait être vrai car il est un français « juif et d’origine algérienne », ce qui selon la logique de son raisonnement, rendrait impossible que des individus se réclamant du nazisme puissent le soutenir.
Or, ce candidat par effraction à l’élection présidentielle française, est perçu de ce côté-ci de la Méditerranée, comme « le faire valoir » et une « aubaine », à l’extrême droite française, voire européenne, pour promouvoir le racisme et la xénophobie sous-jacents aux discours politiciens que polarisent la présidentielle française. Qu’il y ait des nazis qui le soutiendraient, qui vraiment en serait surpris. La lutte contre « l’islamisme », aussi justifiée soit elle, ne saurait expliquer le déversement de manipulations de l’histoire et de fausses idées véhiculées par M. Zemmour. La France qui éclairait le monde par ces beaux esprits que sont Zola , Rousseau , Sartre et Foucault semble succomber dans les bras du radicalisme et de l’extrémisme droitier qui se nourrit du préjugé facile, de l’amalgame et d’un « essentialisme européocentriste ».
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Ces idées extrémistes autrefois circonscrites à des cercles de pensées qui n’ont jamais accepté, ni digéré les défaites coloniales, saisissent l’opportunité historique du « chaos civilisationnel mondial » pour prétendre que le salut de l’Occident viendrait d’un « nouvel ordre civilisationnel » fondé sur le rejet de la diversité et du métissage culturel autrefois glorifié pour justifier la prédation coloniale et néocoloniale.
Qui de mieux comme porte étendard qu’un orateur plus médiatisé que talentueux, juif d’origine, venant de l’autre côté de la Méditerranée, pour supprimer tout soupçon de racisme et faire de sorte que la « libération de la parole » stigmatisante, haineuse et raciste soit érigée en projet de société et programme politique ? La manipulation est certes de haute voltige mais l’objectif est si sordide. La place occupée dans le débat présidentiel du candidat Zemmour dénote un malaise identitaire français mais il s’agit de le resituer dans un contexte de perte de sens plus global. Le malaise identitaire et civilisationnel est mondial que la crise sanitaire a certainement renforcé. Il n’est pas exclusif à la France, dont il est attendu des réponses conformes à ses traditions de lumières et d’humanisme. Il est étonnant de voir le débat présidentiel centré sur les questions de sécurité eux mêmes rattachés à une affaire identitaire ( banlieues, Islam, immigration…).
Serait ce parce que les candidats en opposition à la majorité sont démunies des sujets économiques et sociaux, vu le redressement remarquable du pays : croissance économique record, chômage en baisse, sortie de crise sanitaire en douceur, prestations sociales relevées…? Il y a lieu en effet de s’interroger et la question est d’autant plus importante que les discours de rejet des populations immigrées resteraient les seules à servir à l’électeur. A chaque élection en France l’immigré est victime d’un débat existentiel sur son sort. Après, il ne faudrait peut-être pas être surpris que les deuxième et troisième générations d’enfants d’immigrés évoluant en milieu quasiment hostile développent à leur tour des symptômes de malaise identitaire et de mal intégration. Le candidat Zemmour à court d’arguments est le parfait candidat pour cela. Il est pris à son jeu, lui, le français juif algérien d’origine, pour être le porte parole de l’extrémisme français nouvelle version. Il est condamné à aller au bout de son rôle.