Mohamed MBARKI, DG de l’Agence de l’Oriental « Nos provinces du Sud sont un cas d’école pour nous-mêmes et pour le continent »
« le modèle de développement des provinces du Sud », Dakhla prend une valeur d’exemple. C’est là un juste retour à l’Histoire millénaire du Royaume.
Mon propos sera une réflexion sur la Région, à partir de l’exemple spécifique de Dakhla, de ses données naturelles exceptionnelles, de son programme d’infrastructures futuriste, ses ambitions continentales… ! Un programme de développement audacieux qui s’accompagne de « grandes ouvertures diplomatiques » autant pour la défense prioritaire de notre intégrité territoriale, que pour la réalisation de grands projets de développement stratégiques, aux niveaux national et continental…
Lier systématiquement les grandes options diplomatiques aux stratégies de développement régionales constitue une approche novatrice, et participe d’un paradigme à enrichir. Il nous faut maintenant penser vite pour aller à la vitesse des exigences du monde. Nous sommes capables collectivement et individuellement de le faire. La crise sanitaire mondiale l’a montré…Et elle a dévoilé à quelle vitesse il a fallu nous adapter et à quel point nous l’avons fait en toute créativité.
Les Régions ont une mémoire
Les territoires sont des marqueurs d’identité, de spécificité et d’attractivité des régions. Les États ont souvent sous-estimé cette donnée. Aujourd’hui, l’apport des Régions est un avantage compétitif, intégré dans les indicateurs de performances de nos politiques de développement. Parce qu’elle accumule les richesses du passé, la Région est une source de progrès, elle est une mine d’opportunités dont on mesure mieux les atouts. Écouter les territoires c’est créer des espaces de priorité nouvelles qui renforcent l’identité culturelle et le sentiment national.
La Régionalisation avancée a été ainsi conçue sur cette base. Elle a ouvert un nouveau champ de réflexions et de recherches qui a conduit progressivement au « Nouveau Modèle de développement ». Nos provinces du Sud sont sur ce point un cas d’école pour nous-mêmes et pour le continent.
En regardant ses Régions, l’Afrique enrichit son Agenda de solutions concrètes. C’est pourquoi je pense que l’Agenda « Africa 2063 » de l’Union Africaine pour les États, doit s’accompagner d’un « Agenda 2063 » pour les collectivités territoriales, audacieux, créatif, élaboré en cohérence bien sûr, mais surtout en toute indépendance.
L’Afrique des Régions :
une source de développement nouvelle pour l’Afrique
Faire confiance à l’Afrique, à son génie, est un appel à l’action, par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. C’est aussi une volonté de mettre en valeur les territoires et leurs Régions et particulièrement les Régions frontalières.
Ces régions voisines puisent dans le même bassin culturel. Elles conçoivent des solidarités nouvelles, inventent des ressources différentes à partir des mêmes produits. Elles se meuvent dans un continuum familial, tribal, un tissu de relations complexes, souvent mis à mal par le fameux principe de « l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme », appliqué aveuglément, sans discernement ou bien au service d’intérêts funestes.
On sait que ce principe a été le prolongement du dépeçage colonial des grandes nations africaines, conçu à la règle et à l’équerre, puis accompagné par des justifications d’historiens en totalité venus du Nord. Ce découpage brutal a engendré de nouvelles Régions, légitimées par des « approches historiques » fallacieuses et accompagnées d’une véritable école de diplomatie coloniale. C’est Napoléon qui disait : « l’Histoire c’est ce sur quoi tout le monde s’est mis d’accord », formule excessive, mais parfaitement adaptée aux décisions nuisibles de la conférence de Berlin de 1885. Pour corriger ces agressions coloniales, l’Afrique doit encourager la naissance d’une école d’historiens africains, compétente et professionnelle, pour réhabiliter la place du continent aux yeux de ses enfants.
Les Régions frontalières aux liens multiples vont faire bouger les choses. La proximité culturelle par la force des identités voisines et complémentaires, souvent même familiales, rapprochent quand la politique des États éloigne. Je veux les regarder comme une source d’apaisement des conflits.
Le Royaume du Maroc a été particulièrement convoité et dépecé par les puissances coloniales. Pourtant nos Régions frontalières se sont reconstruites et ont bénéficié, pour cela, d’une attention particulière de la part des Souverains marocains.
Au Nord, aux limites de la méditerranée avec ses enclaves et ses îles occupées, à l’Est, le long des zones sensibles des frontières actuelles avec l’Algérie, qui sont l’objet de provocations quotidiennes de la part des autorités militaires algériennes, et dans nos provinces du Sud, les préoccupations sont proches politiquement, et différentes techniquement.
Les « Agences de développement Régionales » issues également de ces préoccupations, apportent en soutien des institutions régionales, idées, propositions et projets susceptibles de contribuer à la prospérité de ces espaces sensibles.
Au niveau de ses relations internationales, la Région agit dans le cadre de la « coopération décentralisée », dont la tutelle est assurée par le Ministère de l’Intérieur. Elles entrent dans le domaine de la « diplomatie parallèle ». Cette diplomatie n’est pas une « sous diplomatie ». Les nouvelles prérogatives attribuées aux Régions par la nouvelle constitution du Royaume donnent à l’action diplomatique régionale de nouvelles ambitions, de nouvelles responsabilités et ouvrent de nouveaux horizons.
Bien entendu, la diplomatie parallèle doit être prise au sens de « l’esprit de géométrie » et non de la simple géométrie. C’est pourquoi un système de coordination approprié avec la diplomatie nationale doit créer les synergies permettant à ces deux missions de mieux se compléter.
Le cas de la Région de l’Oriental marocain
Je voudrais conclure par un bref regard sur la Région de l’Oriental. Disons d’emblée que l’Oriental marocain était au début de ce siècle, à l’arrivée sur le trône de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en situation de décrochage économique. Comment alors rattraper un déficit aussi lourd, héritage de la politique coloniale et de son prolongement par les mesures antiéconomiques du pouvoir militaire algérien ?
Sereinement, Sa Majesté le Roi a lancé le 18 Mars 2003 une «initiative Royale pour le développement de la Région de l’Oriental ». C’est une feuille de route, une plateforme d’action pour le Développement économique, un ensemble de grands projets emblématiques, un appel au dynamisme de la coopération décentralisée, une valorisation de nouvelles ressources humaines, un développement de règles de bon voisinage… tout un programme qui s’exécute méthodiquement et qui s’apparente, au niveau de la méthode et dans bien des aspects, à ce que nous débattons dans le cadre du modèle de développement des provinces du Sud. Je vous laisse apprécier l’intelligence de l’anticipation de l’Initiative Royale. Elle concerne les gisements les plus porteurs de développement, qui prennent en considération le potentiel logistique de notre pays, les secteurs du Maroc gagnant, la qualité des ressources humaines, le positionnement de la Région au cœur du grand Maghreb …
– Des projets phares
L’aménagement de la Lagune de Marchica est un projet fondateur d’une pratique nouvelle d’éco-tourisme, un projet qui s’exporte ! Une filiale africaine de l’Agence de Marchica -Med a été créée pour intervenir dans un certain nombre de pays, par des projets d’aménagement emblématiques. C’est le cas de l’aménagement de la baie de Cocody à Abidjan (côte d’Ivoire), et dans d’autres pays africains. Ces succès montrent combien sont précieux l’implication et le soutien de SM le Roi.
Le Grand port de NWM qui sera de la dimension de celui de Tanger-Med. Ces expériences permettent au Royaume, aujourd’hui, de programmer, sereinement, la réalisation du nouveau grand port de Dakhla atlantique sur la base d’un savoir-faire et d’une expertise marocains de grande qualité.
– La coopération décentralisée
Elle est très ancienne avec le Nord, les pays arabes, plus récente mais plus intense avec les pays africains. Pour renforcer cette dernière, nous développons, en coordination avec les institutions régionales concernées, et le CGLUA (Conseil des Gouvernements Locaux Unis d’Afrique) une formation africaine dans le domaine du « coaching territorial », pour une gouvernance locale humaine et novatrice de règlement des conflits.
– La diaspora issue de l’Oriental
Elle est la plus nombreuse parmi les Régions marocaines. Sa participation au développement des territoires est suivie ici et dans les pays d’accueil. L’initiative Royale invite au renforcement de cette contribution par la mobilisation de ses compétences en relation avec leurs territoires d’origine.
– Le renforcement de l’identité des territoires
Elle passe par le développement des cultures locales, du patrimoine matériel et immatériel, des expressions culturelles populaires, des traditions … de tout ce qui cimente le lien social. Nous avons développé une stratégie éditoriale, depuis Figuig vers le Nord, jusqu’à la Côte méditerranéenne. Elle est destinée à montrer la richesse et le potentiel des divers territoires et villes de la Région, et renforcer son attractivité. Nous entamerons bientôt un périple de Figuig vers le Sud
En ce sens, je pense que l’Initiative Royale de Développement est un ascendant intéressant du Nouveau Modèle de développement.
Ingénieur, architecte, docteur en Urbanisme, ex-wali de Tétouan, Mohamed Mbarki était Directeur général de la Société nationale d’équipement et de construction (SNEC) avant d’être nommé Directeur général de la Compagnie générale immobilière (CGI), principale filiale immobilière du groupe de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), poste qu’il occupera jusqu’à sa nomination en tant que Secrétaire d’État chargé de l’Habitat.
Aujourd’hui, Mohamed MBARKI est à la tête de l’Agence pour la promotion et le développement de l’Oriental, depuis sa création en avril 2005.