Guerre en Ukraine : quelles incidences sur les prix de l’énergie ?

Par Yves Jegourel

Phénomène inédit depuis 2014, le prix du baril de Brent a dépassé le 24 février 2022 le seuil de 100 USD/bbl, à la suite de la déclaration par la Russie de la guerre contre l’Ukraine. Il atteignait même 105 USD/bbl en séance, avant de se répondre légèrement. Nul ne pouvait en être surpris, et ce pour deux raisons principales. 

En premier lieu, le pétrole est, à l’instar de l’or, l’un des baromètres des tensions géopolitiques mondiales et il ne devait peut-être être devin pour savoir que son cours allait fortement progresser à la suite de l’offensive russe. Les marchés de matières premières étant largement financiarisés, il est d’ailleurs très probable que d’importantes positions spéculatives haussières aient été prises. En second lieu, force est de rappeler que cette hausse s’inscrit dans un contexte pétrolier tendu,

Des divergences d’impact entre le gaz et le pétrole

On pourrait d’ailleurs s’étonner, compte tenu du choc que représente l’invasion de l’Ukraine – une situation sans précédent en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – que la hausse des cours du Brent ne fût pas plus importante . Il faut dire que la perspective de l’invasion était d’ores et déjà largement intégrée dans des cours dont la composante anticipative demeure matérielle. Des facteurs baissiers sont par ailleurs présents, au premier rang la perspective proche d’un accord sur le nucléaire iranien, pouvant augurer d’un retour progressif du brut en provenance de ce pays sur les marchés internationaux. Selon les statistiques du groupe BP[1], la production iranienne de pétrole s’est établie à 3 millions de barils par jour (Mb/j) en 2020 contre 4,85 Mb/j en 2017 : le potentiel d’un accroissement de l’offre est donc bien présent, d ‘autant qu’une quantité importante de pétrole léger demeure stockée et pourrait, en conséquence, être relativement rapidement délivrée[2]. Le second facteur à prendre en compte est lié à la production américaine, elle-même, souvent très réactive en période de hausse des cours. Si celle-ci a baissé en 2021, en raison d’un sous-investissement chez les producteurs américains et de l’ouragan Ida, elle devrait progresser en 2022 et 2023 selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (US IEA ), pour atteindre le niveau record de 12,6 Mb/j en 2023.

→ Lire aussi : Ukraine: restrictions à l’exportation de certains produits agricoles pour 2022

Sur la scène gazière, le constat est tout autre avec la référence de prix européenne du Title Transfer Facility(TTF) passant d’environ 71 EUR/MWh (pour l’échéance mars), le 22 février, à plus de 123 EUR/MWh, le 25 février. 40 % des importations européennes de gaz naturel sont russes et les stocks sont bas, sans que le gaz naturel liquéfié ne puisse compenser à très court terme une suspension éventuelle des livraisons en provenance de ce pays : alors que l’hiver n’est pas achevée et que les températures, douces jusqu’à présent, peuvent encore chuter, il y a, de toute évidence, matière à s’inquiéter. Il en va de même sur nombre de produits agricoles, notamment les céréales, où la Russie et l’Ukraine figurent parmi les grands exportateurs mondiaux. Le cours du blé tendre a ainsi flambé sur l’Euronext, passant de 278,5 EUR/t le 22 février à 316,5 EUR/t deux jours plus tard,

Un exercice prospectif particulièrement complexe

Sur toutes les lèvres, deux questions restent en suspens : jusqu’où le prix peut-ils monter et pendant combien de temps ? Face à l’instabilité géopolitique majeure qui représente la difficulté de la guerre en Ukraine et à la grande de prévoir le périmètre et les effets précis des sanctions qui sont (ou seront) prises à l’encontre de la Russie, il est particulièrement difficile d’y apportez dès aujourd’hui des réponses claires. À court terme, une nouvelle flambée des cours ne peut bien évidemment pas être exclue, la Russie ayant probablement les moyens de « tenir », à cette échéance, face aux sanctions de la communauté internationale portant notamment sur son accès aux marchés financiers internationaux ou aux technologies nécessaires à son industrie. Ne touchant a priori pas directement le secteur des matières premières (à l’exception de la suspension de la certification du gazoduc Nord Stream 2), ces sanctions « préservent » cependant quelque peu les marchés.

 Toute modification dans ces stratégies punitives pourrait naturellement avoir des incidences majeures, mais il n’est pas certain que l’Europe puisse s’engager dans cette voie, ni même les États-Unis, sans également perdre beaucoup. Le risque d’escalade est par ailleurs bien présent : la Russie pourrait notamment utiliser l’arme gazière en réponse aux durcissements des sanctions occidentales. L’augmentation de ses réserves de change et de la diversification, bien que relative, de ses exportations gazières vers la Chine lui donne des degrés de liberté dans ce sens, à court terme à tout le moins. 

À plus longue échéance et à situation géopolitique défavorable, les déterminants macroéconomiques jouent un rôle essentiel. L’augmentation durable des prix de l’énergie poserait de sérieux défis dans un contexte où l’inflation est à des niveaux élevés. Atteignant 7,5% en janvier 2022 en rythme annualisé aux Etats-Unis, elle constitue notamment un problème de taille pour le président Biden, tant sur le plan économique que politique. Il ne serait pas étonnant qu’au-delà de la hausse des taux d’intérêt par la Fed, des mesures prises pour y répondre. elle constitue notamment un problème de taille pour le président Biden, tant sur le plan économique que politique. Il ne serait pas étonnant qu’au-delà de la hausse des taux d’intérêt par la Fed, des mesures prises pour y répondre. elle constitue notamment un problème de taille pour le président Biden, tant sur le plan économique que politique. Il ne serait pas étonnant qu’au-delà de la hausse des taux d’intérêt par la Fed, des mesures prises pour y répondre.

Texte extrait du site de Policy Center for the New South

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