Reconnaissance espagnole de la marocanité du Sahara : De l’accord de Madrid (1975) à la Déclaration du 18 mars 2022
Par Hubert Seillan*
Il a fallu près d’un demi-siècle à l’ancien colonisateur pour accepter la prééminence de l’histoire et de la géographie dans le statut juridique du Sahara. Administrée par l’Espagne, comme une province, la colonie n’avait pas été restituée au Maroc en 1956, comme le furent celles qui relevaient des protectorats espagnols et français.
Vingt ans plus tard, impatient d’en finir, le roi Hassan II avait organisé la fameuse Marche verte, démarche pacifique qui devait conduire au départ des Espagnols. Dans les jours qui suivirent L’Espagne convint de son retrait, dans l’accord de Madrid.
Cependant la solution du rattachement au Maroc n’a pas été accepté par l’Algérie qui s’y est opposée avec violence. Elle a instrumenté un mouvement de libération, créé au temps des Espagnols pour le présenter comme le représentant d’un Etat indépendant. Comme il ne pouvait s’agir que d’un Etat fantoche ou croupion en raison de son absence d’identité historique, l’Algérie n’a pu cacher qu’il s’agissait pour elle d’avoir une porte sur l’Atlantique et d’étendre sa puissance.
Pendant toute ce temps, l’Espagne se maintint dans une position favorable à la thèse algérienne. Un épisode récent, en donna la mesure. En avril 2021, le dirigeant du « polisario » Brahim Ghali, faisant par ailleurs l’objet de plusieurs plaintes pénales en Espagne, fut, sous un nom d’emprunt et grâce aux forces aériennes algériennes, transporté dans un hôpital espagnol. L’insulte fut très vivement ressentie au Maroc. Des explications furent demandées au gouvernement espagnol. Celui-ci ne cacha alors pas son embarras, montrant en cette occasion son peu d’unité sur la question saharienne. La faute de l’Espagne n’a alors pas échappé à la communauté internationale.
Le président du gouvernement Pedro Sanchez eut sans doute conscience de la gravité de la situation et de l’impasse politique dans laquelle son pays se trouvait engagé. Il procéda alors, en juillet 2021 et à la surprise générale, à un important remaniement ministériel, analysé par tous les commentateurs comme un recentrage politique. La très activiste ministre des Affaires étrangères, Arancha González, qui avait jeté de l’huile sur le feu dans le traitement de cette affaire Ghali, a dû céder ses fonctions à l’ambassadeur d’Espagne en France José Manuel Albères, connu pour ses qualités diplomatiques. Dès lors, d’aucuns y ont vu les prémices d’un changement.
Ainsi, quand le vendredi 18 mars, le président Pedro Sanchez a déclaré reconnaître « l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend », les observateurs attentifs du sujet n’ont pu être tout à fait surpris.
Le gouvernement algérien, le seul au monde à critiquer cette décision, a cependant cru possible de faire part de sa surprise et de son irritation. Il a rappelé son ambassadeur à Madrid pour consultation immédiate.
Ce qui constitue un véritable renversement d’alliance et un acte de réconciliation avec Rabat n’a pu que déplaire à un régime qui, depuis son indépendance en 1962, n’a eu de cesse d’engager des actions belliqueuses contre le Maroc sur le sujet des territoires. Souvenons-nous de la Guerre des sables de 1963. Dans le contexte des prétentions russes en Ukraine, il n’est pas inutile de rappeler ce parallèle de la menace continue qu’affronte le Maroc depuis des décennies.
L’information eut un retentissement mondial qui peut étonner en raison de la prééminence donnée à la guerre en Ukraine.
Que l’Espagne qui depuis 1975, a soutenu la thèse algérienne de l’indépendance et de la représentativité du « polisario », reconnaisse en des termes définitifs l’option marocaine validée par les Nations Unies a en effet fait la Une des grands médias. L’approbation vint alors de tous les continents. Des Etats-Unis évidemment et immédiatement, des nombreux pays d’Afrique ayant ouvert des Consulats au Sahara, d’Europe et de l’Union européenne, d’Amérique du Sud, des pays du Golf et d’Asie.
Quant à la France si frileuse sur ce sujet, dans sa crainte historique des réactions de l’Algérie et qui n’a toujours pas installé un Consulat à Laayoune ou à Dakhla, elle voit s’offrir à elle a une belle opportunité de retrouver sa position amicale particulière avec le Maroc.
*Avocat au Barreau de Paris,
Président de la Fondation France Maroc
Auteur de l’ouvrage « Le Sahara marocain, l’espace et le temps », éd. La Croisée des Chemins, 2ème éd. 2021