« Génération Green » 2020-2030 face aux défis du stress hydrique
Le secteur agricole constitue un pilier essentiel de l’économie du Maroc. Il est le premier contributeur de PIB devant le tourisme et l’industrie. Néanmoins, ce secteur requiert encore davantage d’efforts pour pouvoir se développer. La stratégie agricole “Génération Green 2020-2030” vient, dans ce sens, donner un souffle nouveau au secteur. Mais sera-t-elle capable de tenir le coup face aux contraintes du stress hydrique ?
Lancée par le Roi Mohammed VI en février 2020, «Génération Green 2020-2030 » se veut un projet d’envergure dont la vocation principale est de promouvoir le secteur agricole et partant le milieu rural.
Il s’agit d’une nouvelle vision stratégique portée sur le secteur agricole considéré comme un pourvoyeur d’emplois.
Bénéficiant d’un appui financier de la Banque mondiale et de l’AFD, le programme vise à créer de nouvelles opportunités génératrices d’emploi et de revenus en faveur des jeunes en milieu rural, à optimiser l’efficacité des systèmes de commercialisation des produits agricoles et agroalimentaires. Mais aussi de renforcer la digitalisation de l’agriculture pour faire émerger de nouvelles pratiques « intelligentes » basées essentiellement sur l’essor technologique.
D’autre part, la stratégie «Génération Green 2020-2030» place l’élément humain au centre de ses préoccupations. Elle vise d’ailleurs à inclure les jeunes dans les activités agricoles entrepreneuriales ainsi qu’à faire émerger une nouvelle génération de classe moyenne agricole composée de 350.000 à 400.000 ménages d’ici 2030.
→ Lire aussi: Stress hydrique : après l’eau sanitaire, l’eau potable se raréfie
Dans l’optique d’atteindre ses objectifs, le département de l’Agriculture engagera bientôt la mise en œuvre du Prêt programme pour les résultats (PPR). Ce dernier bénéficiera principalement aux jeunes du milieu rural ainsi qu’aux petits et moyens producteurs et entreprises du secteur agricole et agroalimentaire.
Rappelons que son opérationnalisation couvrira un périmètre de dix régions du Royaume dont Casablanca-Settat, Drâa-Tafilalet, Fès-Meknès, Marrakech-Safi, l’Oriental et Rabat-Salé-Kénitra.
Des projections ambitieuses
Selon El Mahdi Arrifi, directeur général de l’ADA, la stratégie Génération Green 2020-2030 cherche à permettre à trois millions d’agriculteurs de bénéficier, d’ici 2030, des services de protection sociale et de réduire la différence entre le revenu agricole et celui des autres secteurs de l’économie nationale.
Comme elle vise à faire doubler le PIB agricole et les exportations agricoles au cours de cette période.
A noter qu’une une assistance technique sera recrutée le 21 septembre prochain, pour plus de 20 millions de DH, dans l’optique d’accompagner la mise en œuvre du programme.
Une stratégie uniforme
Certes, la stratégie “Génération Green 2020-2030” apporte un souffle de renouveau au secteur agricole en se penchant sur la digitalisation de l’agriculture. Néanmoins, elle s’inscrit dans un contexte difficile marqué par des saisons de sécheresse inédites, de plus en plus récurrentes.
En effet, le stress hydrique structurel, le réchauffement climatique…sont autant de défis et d’obstacles qui se heurtent à la concrétisation du projet, et face auxquels une question de fond s’impose.
La stratégie “Génération Green” tiendra-t-elle toujours la route? Ces défis ne sont-ils pas susceptibles d’enrayer l’exécution des objectifs escomptés ?
Sur ce sujet, le professeur Mohamed Taher Sraïri, estime qu’une révision globale de la politique agricole au Maroc, s’annonce nécessaire et urgente. Pour étayer sa thèse, le professeur s’est appuyé sur le cas du Plan Maroc Vert dont les ambitions, selon lui, ne tenaient compte ni de la disponibilité des ressources en eau ni de leurs disparités.
En effet, si on essaye de scruter la situation des ressources hydriques tout en projetant l’exemple cité auparavant sur le contexte actuel, nous allons nous rendre compte que les politiques agricoles mises en place sont uniformes. Ces dernières s’appliquent à tout le territoire sans tenir compte des disparités territoriales, notant bien que les régions Maroc se différencient les unes des autres. Autrement dit, si certaines sont désertiques, d’autres sont plus favorables, d’où la nécessité d’adopter des politiques qui répondent aux grandes spécificités de chaque région.
Dans le cas échéant, toute stratégie quelle qu’elle soit, restera vaine.
Mohamed Taher Sraïri a par ailleurs affirmé, dans un entretien accordé à Médias 24, que la stratégie “Génération Green 2020-2030” continue sur la voie du Plan Maroc Vert, celle “d’implanter plus d’arbres avec plus de goutte à goutte”, ce qu’il qualifie “d’erreur absolue”.
“J’ai l’impression que nos politiques continuent à avoir le même discours et pensent que le goutte à goutte est la solution est la solution pour gérer la rareté d’eau. Or, le goutte à goutte n’est qu’un tuyau; encore faut-il de l’eau pour l’alimenter. Or, cette eau n’existe plus aujourd’hui.”, a-t-il déploré.
Ainsi, l’élaboration de toute stratégie ou politique nécessite d’adopter une vision globale et claire qui tient compte des différents défis et contraintes émergeant d’un environnement en perpétuelle mouvement marqué par un stress hydrique accru et une sécheresse inédite.