Nicolas Coudurier: « Nos patients ne méritent pas qu’on ait sur leur dos, des excuses de crise, du pétrole….C’est à nous de les protéger »
Nicolas Coudurier , directeur général de « Biocodex », une société pharmaceutique qui opère dans plusieurs pays dont le Maroc, et Malika Skali-Odelin, directrice générale de la filière Biocodex Maroc se penchent dans cet entretien sur un secteur vital qui constitue un maillon essentiel de la souveraineté sanitaire du Royaume. Il s’agit du secteur de l’industrie pharmaceutique, auquel le souverain porte un intérêt particulier.
Les deux interviewés mettent en avant les avancés de leur laboratoire pharmaceutique notamment dans le domaine de la microbiote tout en portant un regard critique sur la manière de la gestion crise sanitaire.
- Maroc diplomatique : Quel regard portez-vous sur le secteur de la pharmacie au Maroc et dans le monde ?
Nicolas Coudurier : Les secteurs liés à la santé sont en perpétuelle évolution. Les États, les organismes de soins et les laboratoires pharmaceutiques doivent donc progresser en permanence. Dans ce sens, la crise due au COVID-19 nous a enseigné qu’au moment où tous ces acteurs se donnent la main, on parvient à atteindre des progrès extrêmement rapides, en parlant de vaccins par exemple. Il y a donc une dichotomie entre les difficultés de la santé, au Maroc ou dans le monde, et la capacité de ces acteurs étatiques, hôpitaux, industriels et centres de recherche, qui dés qu’ils se mettent tous d’accord, des réalisations exceptionnelles font apparition. C’est ce qu’à notre humble niveau on essaye justement de faire chez Biocodex. Certes, on a un médicament leader vendu dans 100 pays dans le monde, à savoir ultra levure, dont on fête les 50 ans au Maroc. Néanmoins, on ne s’est pas arrêté à ce niveau là, puisqu’on on s’est dit qu’on avait une autre responsabilité, celle de partager la connaissance du microbiote. Ainsi, on a créé un institut du Microbiote pour le partage d’informations auprès des leaders d’opinion et des médecins du monde entier.
Comme il existe une bourse pour la recherche octroyée par la fondation biocodex pour les microbiotes, avec sa déclinaison au Maroc . Il s’agit, en fait, d’une fondation financée par biocodex mais qui est totalement indépendante sur le choix des vainqueurs de la bourse.
- Quand on parle de produits pharmaceutiques, généralement, les gens s’attendent à des résultats, à des performances… Aujourd’hui, alors que vous avez du recul grâce à votre présence aussi bien Maroc que dans le monde, quels sont les retours que vous avez , en termes d’efficacité et de résultats?
– C’est une bonne question. Tout d’abord, je tiens à préciser que notre groupe fait cinq milliards de dirhams à peu près, répartis comme suit: 450 millions d’euros dans le monde et 110 millions Dirham au Maroc. On est donc performant d’autant plus que l’Ultra-levure est le médicament probiotique mondial numéro un.
Ajoutons à cela, qu’on a 1600 collaborateurs, mais qui, au-delà de la performance, travaillent, se lèvent le matin, que ce soit au Maroc, en France, …ou ailleurs, avec la vocation d’être performant, mais aussi de contribuer à leur humble niveau à l’amélioration de la santé et le bien-être des femmes et des hommes du monde entier.
- Pourriez-vous nous parler un peu de vos perspectives notamment celles liées au Maroc ?
-Au niveau professionnel, on croie beaucoup au Maroc, sinon je ne serai pas là. J’aimerais vous dire que je crois en la population marocaine et en la volonté de votre pays de faire progresser la santé publique. Raison pour laquelle on continue toujours et on continuera à investir au Maroc.
Malika Skali-Odelin : En termes de performances marocaines, on a enregistré une croissance importante depuis quelques années .S’agissant de nos perspectives, il y’aura de nouveaux lancements qui vont se faire sur les prochaines années en termes de produis et d’extension de portefeuille.
De même, Biocodex poursuit son développement autour de trois piliers majeurs à savoir le pilier microbiote dans lequel, nous sommes déjà présents avec l’Ultralevure et dans lequel Il y’a d’autres produits probiotiques qui existent déjà ou qui seront lancés sur le marché prochainement. Le 2e pilier se rapporte à la santé de la femme que Biocodex Maroc va démarrer en 2023 pour l’extension de gamme. Et enfin, il y a le pilier médicaments orphelins, plus géré au niveau global.
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- Est-ce que vous comptez vous servir du progrès technologiques et intégrer d’autres produits intelligents à votre gamme?
– Tout d’abord, j’aimerais préciser qu’au cours de la décennie à venir, nos concurrents seront aussi Google et Apple, que je considère, à la fois comme une grosse menace mais aussi une opportunité. Nous devons être prêts à répondre aux patients du monde entier non seulement avec des produits ultra levure, mais aussi avec des solutions. Ça peut être une application pour mieux mesurer son microbiote. Ou une autre qui vous montre si vous mangez correctement… De même, on réfléchit aussi sur la blockchain… et ce pour être effectivement innovants et à la pointe.
- Qu’en est-il des recherches pharmaceutiques ? Est-ce qu’elles se feront ici au Maroc, ou en France ou ailleurs?
Je pense qu’il ne doit pas y avoir de frontières. Il faut essayer de se garder des intérêts géopolitiques,car ce qui prime le plus, ce sont les patients. Il faut qu’ils aient une bonne réponse.
Dans la recherche dans la maladie orpheline, il s’avère qu’un de nos produits est ultra niche sur une indication : il y’ a un patient sur cinquante mille. C’est une problématique très rare. Comme il s’avère qu’il peut y avoir encore une plus petite indication pour le même produit où la population maghrébine a une prévalence un peu plus importante. Si ce cas se confirme, alors on fera de la recherche au Maroc avec un bras d’une étude clinique importante qui aura lieu dans les mois à venir. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas le pays où on investie mais c’est plutôt pouvoir répondre au mieux aux problématiques des patients.
- Vous avez des partenariats avec des entreprises marocaines. De quel type d’entreprises et de partenariats s’agit-il?
Oui, nous avons effectivement un partenariat avec Cooper Pharma pour qui on façonne un médicament principalement. En termes de partenariat plus globaux, on a des contrats de distribution avec des laboratoires étrangers, typiquement Church and White pour la marque Sterimar que nous représentons au Maroc par exemple.
- Au cours de la pandémie de Covid-19, vos chiffres ont-ils varié ? Qu’en est-il de la situation aujourd’hui ?
En 2019, on avait une base cent, et ce avant le COVID. Mais en fin 2020, cette valeur a baissé de 40% pour atteindre une base de soixante. Et depuis, on a bien remonté. Maintenant on est à 110, et ce parce qu’on a pu montrer aux professionnels de santé et aux patients que nos solutions et tout ce qu’on faisait avait du sens. D’autre part, c’est dû aussi à la façon dont on a géré la crise. Contrairement aux autres sociétés qui ont profité de l’effet COVID pour licencier beaucoup de gens, nous, on n’a licencié personne. On a tenu jusqu’au bout, que ce soit au Maroc, en France, au Mexique ou ailleurs et après on s’est redressé.
Nos équipes ainsi que les professionnels de santé ont vu qu’on n’était pas des profiteurs de crise ou des abuseurs. Au contraire, on garde notre dynamique et notre forme d’éthique qui est très importante pour la société.
- Le marché marocain est un marché qui attire aujourd’hui beaucoup d’investisseurs, comme les Chinois, les Américains, les Espagnols…Comment vous comptez, en fait, vous démarquer des autres concurrents?
Contrairement à d’autres pays , il n’y a pas cet effet d’aubaine. Nous sommes cohérents depuis 50 ans. Nos relations dépassent beaucoup plus le business. Ils sont fondés sur des valeurs et une vision commune…Deuxièmement, quand on a une entreprise familiale qui n’est pas cotée en bourse comme le cas de Biocodex, on a plus de latitude.
Moi je ne suis pas soumis à un investisseur qui est au Texas et qui me demande de licencier des gens parce que le carton augmente de 25%. J’ai de la sérénité et je me projette surtout dans la décennie à venir et je pense que c’est ce qu’on doit faire en vers nos patients qui ne méritent pas qu’on aie sur leur dos, des excuses de crise, du pétrole, de problèmes et autres. C’est à nous aussi de les protéger à ce niveau-là. Je tiens à souligner que Biocodex a une éthique qui fait qu’on essaie d’être amortisseur pour se projeter sur du très long terme.
Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue.