Augmentation du TD : Bank Al-Maghrib veut éviter le pire
Un changement de cap majeur que vient d’acter Bank Al-Maghrib (BAM). Après au moins 14 années, la Banque centrale a décidé de revoir à la hausse son taux directeur (TD), inaugurant une nouvelle page de resserrement de sa politique monétaire.
Face à une conjoncture internationale très particulière compromettant l’économie nationale, le temps est venu pour la Banque centrale de changer son mode opératoire afin de contrecarrer une inflation galopante, auparavant exogène, mais devenant, bel et bien, endogène. Si la décision est légitime, plusieurs questions se posent, toutefois, quant à son impact sur l’économie nationale de manière globale.
Un timing crucial
Plusieurs observateurs s’accordent à dire que cette hausse de 50 points de base (PBS) à 2% du TD a pour finalité principale de freiner la spirale inflationniste. De surcroit, cette décision vient à point nommé pour éviter des mesures encore plus draconiennes, dans le futur, à l’encontre des citoyens et des entreprises.
Pour Hajar Mouatassim Lahmini, Enseignante chercheur en finances à l’université Hassan II de Casablanca, le timing de cette décision est « plus que opportun » dans ce contexte où l’inflation a atteint 8% à fin août.
« BAM s’est donné le temps pour observer la conjoncture internationale. Finalement, à l’image des principales banques centrales notamment la BCE et la FED, BAM a décidé de relever son taux directeur de 50 pbs. Les paliers d’ajustement étant habituellement de 25 pbs à la hausse ou à la baisse », a-t-elle fait remarquer dans une déclaration à la MAP.
Le but étant d’essayer de freiner la hausse de l’inflation mais aussi d’ancrer ses anticipations et puis assurer un retour rapide à la cible, c’est -à -dire assurer la stabilité des prix, a souligné l’experte des marchés et instruments financiers, rappelant à cet effet que la mission de la banque centrale est de « maîtriser l’inflation et d’assurer la stabilité des prix et non pas de soutenir la croissance ».
Et de poursuivre que la Banque centrale a pris cette décision d’augmenter le TD de 50 bps d’un seul coup, parce qu’en parallèle le gouvernement a pris une batterie de mesures pour soutenir la croissance et le pouvoir d’achat.
Elle a cité notamment le paiement des arriérés de TVA de 13 milliards de dirhams (MMDH), les dépenses de la caisse de compensation qui se sont élevées à 32 MMDH, le plan de soutien de la sécheresse qui a atteint les 10 MMDH, le soutien aux transporteurs qui peut atteindre 5 MMDH d’ici la fin de l’année ou encore la hausse du SMIG et du SMAG. Toutes ces mesures ont conforté la banque centrale à prendre sa décision.
Cette politique monétaire restrictive qui vient d’être entamée a pour objectif de maîtriser l’inflation et c’est au gouvernement de soutenir la croissance et le pouvoir d’achat, a-t-elle dit.
Lire aussi : Crédits/Dépôts: le tableau de bord de BAM en 5 points clés
La dépréciation du dirham entrée en ligne de compte
Un autre facteur entrant dans l’équation et poussant BAM à relever le taux directeur est celui de la dépréciation du dirham observée ces dernières semaines. Signalons que cette dépréciation est essentiellement liée à la hausse des flux d’importations, notamment les produits énergétiques et céréaliers. Il est à noter que si la Banque centrale n’avait pas pris la décision de relever le TD, la dépréciation serait encore plus importante.
Selon les prévisions de BAM, le taux de change effectif réel (TCER) du dirham devrait se déprécier de 1,8% en 2022 résultat principalement d’une baisse de la valeur de la monnaie nationale en termes nominaux, en lien avec la forte appréciation du dollar vis-à-vis de l’euro ; et d’un niveau d’inflation domestique inférieur à celui des pays partenaires et concurrents.
En 2023, le TCER connaîtrait une légère appréciation de 0,4%, d’après les estimations de BAM.
Le Trésor : Un point d’inquiétude
S’attelant sur les conséquences de la décision de BAM sur l’économie et la croissance, Mme Mouatassim a dressé un effet sur le niveau de la demande globale en termes d’investissement et de consommation.
Néanmoins, a tempéré l’universitaire, “une augmentation de 50 pbs ne devrait pas avoir un effet très prononcé sur ces deux composantes”, rappelant à cet égard que 95% des crédits octroyés à date sont des crédits à taux fixe, la révision des taux ne se fera donc qu’à l’échéance.
Et de soutenir que cette hausse du TD va coûter entre 0,1% et 0,2% à la croissance du PIB au maximum.
Mais tout d’abord, l’économiste a fait état d’un impact sur les conditions de financement de l’économie notamment les taux débiteurs bancaires, ajoutant que l’impact devrait être immédiat et dans des proportions similaires sur le marché monétaire et les maturités à courte durée de la dette. Pour les maturités moyennes et longues, la transmission se ferait de manière graduelle.
Mais un point dérange. Mme Mouatassim a signalé toutefois un point d’inquiétude en termes d’impact de la décision de BAM, à savoir le Trésor qui trouve déjà quelques difficultés pour se financer aussi bien en interne qu’en externe.
“Au niveau national, la demande locale est relativement faible et les taux pratiqués étaient déjà orientés à la hausse depuis un moment. Les conditions à l’international ne sont pas non plus favorables à une sortie du trésor avec la hausse des taux”, a-t-elle précisé.
L’impact du relèvement du TD sur la croissance et l’économie serait ainsi « limité », a souligné Mme Mouatassim, rappelant que le wali de BAM a assuré de faire un suivi étroit en ce qui concerne l’application de cette hausse par les banques dans des marges raisonnables.
Avec MAP