Qu’en est-il de la coopération en l’Europe et l’Afrique ?
Par Fakhr-Eddine Es-Saaidi (*)
De manière globale, la stratégie d’ouverture économique de l’Afrique est appelée à évoluer dans le cadre du nouveau contexte mondial. Dans cette perspective, les acquis cumulés avec les partenaires traditionnels sont-ils pertinents pour construire un partenariat renouvelé ? Une interrogation en lien avec l’objectif d’un positionnement cohérent du continent africain par rapport aux nouvelles donnes du contexte économique régional et international. En effet, le partenariat Afrique-Europe interpelle plusieurs dimensions.
Les modèles de développement des pays du continent
De prime abord, le renouveau du partenariat euro-africain met en évidence la capacité des modèles de développement à répondre à la transformation économique et sociale durable de l’Afrique. Il plaiderait en premier lieu à s’adapter aux exigences d’une Afrique désormais en capacité de prendre son destin en main. Mais force est de constater que hormis les niveaux de croissance atteints lors des deux dernières décennies, la transformation de l’Afrique en une puissance mondiale doit requérir des politiques plus audacieuses. Par exemple, l’engagement du continent à s’engager dans la mise en place d’une zone de libre-échange continentale à l’horizon 2063 peut-on être une illustration. Mais il faut aller plus loin dans la modernisation de l’économie, son industrialisation et assurer les conditions de sécurité et de paix dans le continent.
Rétablir la confiance mutuelle, un gage de réussite pour tout partenariat durable
Une seconde dimension fondamentale serait de rétablir la confiance dans un contexte de fractures croissantes qui entraîneront sans doute un frein à la coopération mondiale et intercontinentale. Dans le cadre de sa stratégie africaine, il est noté par exemple dans les pourparlers sur le renouveau du partenariat, des inquiétudes européennes sur l’interférence des autres puissances dont les motivations ne sont pas toujours très claires.
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Le climat d’incompréhension et la persistance des crises diplomatiques dans les relations entre les membres de l’UE et les pays africains risquent de saper les acquis cumulés au fil de plusieurs décennies de coopération fructueuse entre les membres de l’UE et ses partenaires africains. Dans cette vision, le rétablissement de la confiance passe par l’aboutissement de nouveaux cadres de dialogue à entreprendre sur la base d’une approche plus globale répondant au nouveau contexte et aux agendas réciproques.
La dimension des diasporas
Bien que les mécanismes adoptés tiennent compte des aspirations des modèles de développement des pays récipiendaires et des populations bénéficiaires, le principe d’inclusivité appelle à intégrer les diasporas en tant que forces vives du co-développement. Néanmoins, malgré l’importance de la dimension migratoire dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’inclusion de cette dimension se heurte, encore de manière générale à l’absence d’un système global de gouvernance des migrations d’une part, et d’autre part, au manque d’une connaissance suffisante pour concevoir « des politiques éclairées » destinée à valoriser la dimension « diaspora » dans le cadre du partenariat euro-africain.
La mise en place d’un tel système passe par la cohérence des objectifs migratoires aux niveaux multilatéral, régional, bilatéral, national et local pour tirer profit de l’apport des diasporas dans le processus de développement des pays d’origine. Il y a lieu de citer dans cette optique le Pacte Mondial sur les migrations (ou pacte de Marrakech) qui a eu le mérite de placer la question migratoire dans le cadre d’une stratégie internationale innovante. Il évoque la volonté de la communauté internationale d’en faire un moteur du développement et d’organiser la mobilité selon des formes ordonnées, sûres et régulières. Dans la continuité de cette volonté, la diaspora pourrait consolider les perspectives de ce partenariat, eu égard à toutes les compétences qu’elle réunit au service du co-développement.
Pour conclure, soulignons que la compréhension mutuelle, l’entente et la coopération passent par l’humanisation des relations internationales, le rétablissement de la confiance et l’adhésion aux grandes valeurs de l’humanité. A cet égard, la création de l’Association Nord-Sud, en tant que partie prenante de la société civile, entend contribuer à ces objectifs.
(*) Ancien consultant auprès de l’OCDE , Président du Forum de la diplomatie parallèle (Maroc) et membre fondateur de l’Association Nord-Sud (France)