Banque mondiale: la politique budgétaire, un outil pour favoriser la réduction de la pauvreté
La politique budgétaire joue un rôle important pour relancer la dynamique de réduction de la pauvreté, indique la Banque mondiale dans un nouveau rapport publié à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la pauvreté (17 octobre).
L’édition 2022 du Rapport sur la pauvreté et la prospérité partagée, rendu public par l’institution internationale, note que la pandémie de COVID-19 est à l’origine de la pire régression dans la réduction de la pauvreté depuis des décennies et propose une analyse approfondie de l’impact de cette pandémie sur la pauvreté dans les pays en développement ainsi que le rôle de la politique budgétaire dans la protection des populations vulnérables.
La réduction de la pauvreté dans le monde est au point mort, selon la Banque mondiale qui appelle les responsables politiques à corriger le tir de toute urgence.
Le document préconise ainsi trois grandes actions prioritaires dans ce domaine pour les prochaines années, à savoir axer les aides sur les citoyens pauvres et vulnérables, et éviter les subventions.
Or, souligne l’institution financière internationale, plus de 90 % des pays qui ont pris des mesures budgétaires rapides en réponse aux récentes crises des prix alimentaires et énergétiques, ont recouru à des subventions.
Pourtant, outre la distorsion des prix qui en résulte avec un impact négatif à long terme, les subventions profitent souvent aux ménages les plus aisés, fait remarquer la même source, notant que la moitié des dépenses consacrées aux subventions à l’énergie dans les économies à revenu faible et intermédiaire bénéficient aux 20 % les plus riches de la population, qui consomment le plus d’énergie.
En revanche, les programmes tels que les allocations monétaires ciblées ont beaucoup plus de chances d’atteindre les ménages pauvres et vulnérables.
Plus de 60 % des dépenses consacrées à ces transferts vont aux 40 % les plus pauvres et il est de plus en plus évident que cette mesure est avantageuse à long terme, en permettant par exemple aux familles de faire des investissements essentiels comme l’éducation de leurs enfants, indique le rapport.
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Le document recommande également d’investir pour favoriser le développement à long terme, soulignant que certaines des dépenses publiques les plus fructueuses — telles que les investissements dans l’éducation des jeunes ou dans les infrastructures et la recherche et développement — auront un effet bénéfique sur la croissance, les inégalités ou la pauvreté des dizaines d’années plus tard.
En période de crise, il est difficile de préserver ces investissements, mais c’est pourtant essentiel, affirme le rapport, ajoutant que la pandémie du COVID-19 a montré que les progrès durement acquis au fil des décennies peuvent être balayés brutalement.
« Concevoir aujourd’hui des politiques budgétaires tournées vers l’avenir peut aider les pays à être mieux préparés et protégés contre les crises futures, » indique la Banque Mondiale.
Le rapport appelle aussi à augmenter les recettes fiscales sans pénaliser les pauvres.
Les impôts fonciers, les taxes sur le carbone ou encore les droits d’accise sur les produits nocifs pour la santé peuvent permettre aux États d’accroître leurs recettes sans nécessairement faire peser la charge sur les pauvres, souligne le document, notant que le fait de rendre l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés plus progressif est un autre levier.
« En outre, les progrès de la technologie numérique rendent souvent la mise en œuvre de ces réformes plus facile et moins coûteuse qu’auparavant, » indique la Banque Mondiale.
« Si les impôts indirects doivent néanmoins être augmentés, les pays devraient simultanément recourir à des transferts monétaires afin de compenser leurs effets sur les ménages les plus vulnérables, » relève le rapport.
Entre 1990 et 2019, le taux de pauvreté mondial avait chuté d’environ 40 % à 8 %, et plus d’un milliard de personnes avaient échappé à l’extrême pauvreté au cours de cette période.
Mais les progrès soutenus accomplis entre 1990 et 2014 ont fortement marqué le pas dans les années suivantes, avant de tomber au point mort aujourd’hui, note la Banque Mondiale, ajoutant que le ralentissement de la croissance économique, les conflits, les effets du changement climatique et le fait que la pauvreté se soit concentrée dans des zones plus difficiles à atteindre sont autant de facteurs qui ont contribué à ce coup d’arrêt.
Puis la pandémie est survenue, et avec elle des conséquences dévastatrices, rappelle l’institution financière, ajoutant qu’à la fin de 2020, le nombre de personnes vivant avec moins de 2,15 dollars par jour (ce qui correspond au seuil d’extrême pauvreté) a augmenté de près de 70 millions, soit la plus forte hausse annuelle depuis le début du suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde, en 1990.
Au total, 720 millions de personnes vivaient dans l’extrême pauvreté à la fin de l’année.
Les inégalités ont également progressé après plusieurs décennies de convergence. Ce sont les personnes les plus pauvres qui ont payé le plus lourd tribut à la COVID-19, en raison des pertes de revenus, des hausses de prix et des interruptions des services de santé et d’éducation, indique la même source.
« Qui plus est, depuis, la reprise économique a été inégale, les pays riches se redressant beaucoup plus vite que les économies à revenu faible et intermédiaire. »
La guerre en Ukraine et l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie ont aggravé la situation, indique la Banque Mondiale, ajoutant qu’au total, 685 millions de personnes pourraient vivre dans l’extrême pauvreté à la fin de cette année, soit près de 90 millions de plus par rapport à ce que l’on aurait pu espérer si le rythme de réduction de la pauvreté d’avant la pandémie s’était poursuivi.
« Si cette prévision se concrétise, il s’agira de la deuxième pire année depuis 2000 sur le front de la lutte contre la pauvreté dans le monde, » met en garde l’institution basée à Washington.
En conséquence, l’objectif d’élimination de l’extrême pauvreté d’ici à 2030 apparaît de plus en plus inatteignable.
Près de 7 % de la population mondiale, c’est-à-dire environ 574 millions de personnes, continueront probablement à vivre dans l’extrême pauvreté en 2030, estime la Banque Mondiale.
Avec MAP