L’intelligence artificielle ( IA) de confiance à l’honneur à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Rabat
Taoufiq Boudchiche(*)
L’intelligence artificielle a transformé notre quotidien. Fondée sur le développement algorithmique, elle est devenue l’outil et le langage informatique qui investit progressivement l’ensemble des champs technologiques. D’abord, celles de l’information et de la communication (Twitter, Tik Tok, Wattsapp, Facebook…) pour ne citer que les plus emblématiques car elles ont révolutionné notre façon de communiquer, d’échanger des biens et services, de travailler, … voire de penser le monde moderne. Des pans entiers de la vie politique, sociale et culturelle en sont impactés (démocratie et citoyenneté, lien social, accès à l’information et la connaissance…).
L’IA est aussi présente dans l’informatique embarquée qui automatise et facilite les usages en matière de production, de consommation et des services (transport aérien et véhicules autonomes, santé, robotique industrielle, sécurité et défense…). Le représentant du groupe français Thalès, leader mondial dans ce domaine, en a exposé quelques éléments de compréhension. Historiquement, on peut faire remonter l’intelligence artificielle aux années 50. Mais elle n’était pas désignée à ses débuts comme telle. On parlait de traitement automatisé de la voix, de traitement de l’image, de traitement des données… et cela de manière relativement « sectorialisée ».
L’accélération s’est produite lors des trois dernières décennies du fait de la convergence entre la puissance de calcul des nouvelles machines, celle de la profusion des données disponibles (big data) et du niveau d’investissement atteint dans la recherche§développement. Une convergence qui a permis, notamment, de réunir technologiquement « la voix, l’image et le son » comme cela est illustré dans l’exemple simple de nos « smartphones ».
Cette convergence technologique laisse supposer, dans la littérature consacrée à ce sujet, la substitution et le prolongement de tous nos actes du quotidien par les découvertes technologiques qui s’appuieront sur le développement de l’IA. Il est évoqué à ce propos, les notions « d’homme augmenté », de « transhumanisme »… comme pouvant constituer les orientations futures permises par l’intelligence artificielle. Certains n’y voient pas de limites d’où la question de l’éthique et des biais technologiques susceptibles de poser des problématiques à la fois sociétales (protection de la vie privée), politiques (souveraineté technologique, intrusion et manipulation des votes) et culturelles (complotisme). La question de la cybersécurité et de l’encadrement juridique est vitale pour atteindre une intelligence artificielle de confiance. L’Union Européenne a pris à bras le corps cette question. Plusieurs lois, règlements et textes fondamentaux ont été énoncés récemment pour accompagner le développement de l’intelligence artificielle.
Une géopolitique de l’intelligence artificielle se dessine en outre. Pour des pays comme le Maroc, l’intelligence artificielle, est source de saut technologique (leap frog) comme cela a été rappelé lors de la rencontre. Le représentant de l’Unesco a mis en exergue, en effet, l’importance pour les pays africains d’investir et de s’approprier l’intelligence artificielle comme source de progrès et de développement. L’IA est en mesure d’offrir, notamment, pour les populations les plus démunies, des opportunités individuelles et collectives d’éducation à distance, d’accès à l’information et à la connaissance, par exemple dans l’agriculture, le transport, la santé et le combat contre les effets négatifs du changement climatique. Du point de vue institutionnel, les applications de l’IA peuvent être facilement disponibles si elles sont développées de manière locale pour lutter contre les inégalités et les vulnérabilités.
Pour cela, la formation est la clé. L’intelligence artificielle, selon les experts présents, est un domaine d’avenir dans le continent africain. D’autres pays émergents comme la Chine, les pays du Golfe, la Corée du Sud… investissement en milliards de dollars dans le secteur de l’IA. Par exemple, les niveaux d’investissement atteints dans l’IA sont de 12 à 18,6 milliards de dollars aux Etats-Unis, de 6,5 à 9,9 milliards en Asie et seulement 2,4 à 3,2 en Europe. Les investissements prévus quant à eux seraient des 1863 milliards pour les USA, 1085 en Chine et 1075 milliards en Europe. Le nombre d’emplois estimés dans les années à venir dans l’intelligence artificielle serait de 60 millions.
Par exemple, en matière de formation, de jeunes étudiants marocains en majorité étudiantes, ont présenté des applications développées dans le cadre de leurs travaux de recherche au Maroc. Parmi celles-ci, une application destinée aux femmes enceintes pour prévenir la mortalité infantile.
Il y a donc lieu d’encourager, selon ces mêmes experts, la formation, la recherche et le développement dans ces domaines d’avenir au sein du continent africain. Un hommage particulier a été rendu au Professeur et Chercheur Amal Fellah Serghouchni, éminente experte dans cette discipline. Elle est enseignante-chercheure au Maroc et en France. Elle milite dans le cadre de réseaux d’experts internationaux pour introduire l’IA dans les universités africaines. Elle a notamment supervisé la création d’un centre d’intelligence artificielle à l’Université Polytechnique Mohammed VI qui a été inauguré le 9 novembre à l’occasion de cette rencontre.
(*) Economiste et essayiste
Vice Président Association Diplomatie Sud-Nord