Le multilatéralisme de demain, plus global, inclusif et juste ou ne le sera pas
« Le multilatéralisme de demain sera plus global, plus inclusif et plus juste ou ne le sera pas« , a souligné, mercredi à Marrakech, M. Youssef Amrani, ambassadeur du Royaume en Afrique du Sud, qui prenait part aux travaux de la 11è édition de la Conférence internationale « Atlantic Dialogues« .
Dans ce sens, M. Amrani a mis en avant l’exigence d’un « multilatéralisme renouvelé de ses portées, reconfiguré dans ses modes opératoires et recalibré dans ses ambitions ».
C’est d’ailleurs, cette approche pertinente qui a été déclinée par le diplomate marocain, aux côtés d’imminents panélistes et personnalités européennes, africaines et outre-Atlantique participant à ce conclave, initié sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, par de Policy Center for the New South, autour du thème « coopération dans un monde en mutation : Opportunités pour l’Atlantique élargi ». Répondant à une série de questions sur les perspectives du multilatéralisme, notamment dans ses dimensions transatlantiques, M. Amrani s’est voulu univoque « le multilatéralisme à deux vitesses, deux mesures n’a rien de multilatéral dans son essence ».
Dans ce sens, il a estimé qu’aujourd’hui, au regard des contextes, des ambitions et des menaces, il est devenu impératif de « repenser l’interaction monde sur la base de lectures géopolitiques autrement moins focalisées sur le pouvoir et la force que sur l’interdépendance et la vulnérabilité ».
« Le multilatéralisme est le moteur qui anime et conditionne la cohérence même de l’exercice diplomatique. Rien ne s’impose tout se négocie. Le Monde globalisé ne peut et ne doit se permettre de retomber dans les travers du repli », a expliqué le diplomate pour qui, « seule des solutions collectives peuvent apporter la paix et la sécurité collectives ».
M. Amrani, a indiqué que « la façon dont nous mettons le multilatéralisme en perspective démontre d’une chose d’intrinsèquement erronée dans notre perception de la diplomatie ».
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De son avis, le diplomate n’est pas et n’a jamais été un agent qui colmate les brèches mais bien celui qui construit des ponts, faisant savoir que « les logiques qui veulent qu’il y ait d’un côté un monde occidental riche qui fixe le tempo multilatéral, de l’autre une Afrique pauvre qui s’attend à bénéficier du multilatéralisme, n’ont aucune pertinence dans les schémas d’aujourd’hui ».
Abondant dans ce sens, il a défendu le fait que nous évoluons « dans un monde si profondément interconnecté, où les défis n’ont pas de frontière, les crises n’ont pas de fins et les menaces n’ont pas de limites ».
Interrogé, par ailleurs, au sujet des écarts de postions et des postures entre le Nord et le Sud, M. Amrani a souligné que « l’ordre mondial repose sur une compréhension très simple mais fondamentale. La paix mondiale exige une action concertée qui elle-même, exige des compromis continus ».
A ses yeux, plus les pays s’éloignent des compromis, plus le multilatéralisme est mis sous pression. « Trouver un terrain d’entente et des équilibres parrains, n’est pas une tâche facile, mais c’est bien là exactement le rôle de la diplomatie », a-t-il estimé.
Et de poursuivre que « le défi, aujourd’hui, est d’élargir la compréhension de ce que représente réellement nos intérêts respectifs. Je n’ai aucun doute, que plus nous essayerons de le faire, plus il sera facile de trouver des terrains d’entente. Pour la simple raison que notre intérêt respectif en tant que civilisation humaine est intrinsèquement le même sur l’ensemble des Continents ».
Dans la foulée, il a soulevé la question de savoir si « nous avons la pleine capacité d’évaluer correctement les situations en cours », notant que la réponse est non, ou du moins pas toujours.
« Notre monde est en permanente mutation. C’est alors presque naturel que les oppositions croissantes façonnent et cristallisent la diplomatie et ses interactions », a-t-il dit, estimant qu’il est donc important de maintenir un recul, car la diplomatie c’est parfois de l’urgence mais surtout, de la vision. Le temp diplomatique n’est pas celui de la presse et des médias, c’est celui de la raison et des décisions murement réfléchies ».
A la question de savoir si l’Atlantique est un espace viable de coopération et de dialogue entre les États, l’ambassadeur s’est voulu affirmatif, mettant en avant la forte contribution de la diplomatie marocaine pour renforcer l’intégration atlantique, notamment à l’échelle africaine.
« Les pays africains ont toujours eu intérêt à développer une coopération pertinente dans l’Atlantique, mais jusqu’à très récemment nous manquions d’instruments pour agir sur cet intérêt », a fait savoir M. Amrani.
Dans ce sens, il a rappelé que « la Conférence des États africains atlantiques, qui s’est tenue en début d’année au Maroc, tente de répondre à ce besoin, avec la cohérence au cœur de cette initiative ». L’objectif, explique M. Amrani, est de générer des synergies et de produire des réponses efficaces et proactives aux enjeux de cet espace partagé et d’agir collectivement en coordonnant nos actions sur un ensemble de secteurs stratégiques.
Combinant les dimensions politique, sécuritaire, sociale, scientifique et économique, ce groupement a été conçu pour optimiser la gestion concertée de l’espace atlantique africain, a expliqué le diplomate.
En outre, il a été conçu comme un espace ouvert désireux de renforcer la coopération Sud-Sud en promouvant les valeurs d’unité et de solidarité africaines tout en restant ouvert à la coopération et à la collaboration avec d’autres régions et organisations, a poursuivi M. Amrani, notant que le travail de ce processus, ne devrait pas être limité ou exclusif à un espace géographique mais bien au contraire, s’ouvrir sur un espace d’ambitions partagées.
Et l’ambassadeur d’affirmer que « la première nécessité est de renforcer les mécanismes et les procédures des institutions multilatérales afin qu’elles puissent s’acquitter des missions cruciales qui leur incombent. Il est maintenant impératif de restructurer et d’accélérer les processus de réforme engagés il y a des années. « Nous devons commencer par identifier les forces et engager un dialogue authentique sur ce qui doit être changé pour correspondre aux réalités d’aujourd’hui », a préconisé M. Amrani.
Tout en soulignant la nécessité de la réforme de l’ONU pour assurer un système multilatéral plus cohérent, équilibré et efficace, qui tienne compte des appels constants à plus d’équité et d’ouverture dans la prise de décision internationale, M. Amrani a conclu en soulignant que « la gouvernance mondiale doit gagner en flexibilité sans perdre en crédibilité. La coexistence prospère et une coopération véritable doivent être nos convictions fondamentales dans cette entreprise ».
Avec MAP