Gouvernance : Gouvernement Akhannouch agrippé dans les startings blocks ?

Le 10 septembre 2021, M. Aziz Akhannouch est nommé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI Chef du gouvernement. Président du parti du Rassemblement national des Indépendants (RNI), sa nomination intervient dans un contexte post pandémie du Covid-19 où l’économie mondiale est à genou. Grand homme d’affaire, le nouveau Chef de gouvernement se devait de s’atteler à une équipe de choc pour redresser l’économie du pays, mais aussi exécuter les différents programmes définis sous l’impulsion de SM le Roi Mohammed VI.  Aussitôt en fonction, le gouvernement doit faire face à une autre crise, celle liée à la guerre russo-ukraine, qui vient retarder le plan de relance. Face à cette situation, l’urgence est de rigueur pour le gouvernement. En attendant, il cherche un consensus avec les acteurs économiques, notamment les professions libérales pour boucler le projet de loi 2023 et engager la nouvelle année.  Rétrospective d’une année 2022 de l’activité gouvernementale.

Malgré les grandes promesses de campagne, les signes d’équilibre, hormis quelques initiatives, tardent à convaincre, même si le discours reste de rigueur. Comme dans la plupart de ses sorties, M. Akhannouch ne manque pas de saluer le succès de son gouvernement à maintenir une certaine normalité au Maroc, dans un contexte international exceptionnel. « Le peuple marocain doit être conscient que cela seul est un succès. », a déclaré le Premier ministre, le 18 avril à la Chambre des représentants où il était interpellé sur la situation économique du Maroc, en relation avec les récentes évolutions sur la scène internationale. Lors de cette séance, il a évoqué le train de mesures d’urgence que son gouvernement a adopté, en réponse au bouleversement régional et international pour maintenir la stabilité dans le royaume.

Ces déclarations du Chef de gouvernement contredisent la rhétorique de campagne de son parti, qui commençait par le slogan : « Vous méritez mieux. » En fait, le parti économiquement libéral n’a pas tenu ses promesses électorales à ce jour.

Face à une situation économique des plus sévères, « Akhannouch dégage » a été la réponse d’une partie de la population qui scandait ce slogan lors des manifestations en juillet. La hausse des prix avait déclenché des réactions de colère pendant trois semaines. Les prix de l’essence, en particulier, ont atteint des niveaux record et sont restés élevés, même s’ils ont chuté à l’international. C’est particulièrement explosif car M. Akhannouch -non seulement chef de gouvernement-, profite aussi des prix élevés du carburant en tant que propriétaire d’Afriquia. Ce double rôle moralement discutable cristallise l’opinion.

Les revendications du parti ont été intégrées à l’agenda politique officiel du gouvernement. Mais le RNI avait promis aux Marocains un nouveau Maroc démocratique – contrairement au Parti de la justice et du développement (PJD). La construction d’un État pour tous les citoyens, l’essor économique et social, une politique cohérente et, last but not least, un gouvernement efficace était annoncé.

Un regard sur le programme gouvernemental, approuvé par l’Assemblée législative le 13 octobre 2021, montre que le gouvernement n’a même pas dépassé le premier point de mise en œuvre.

Des prestations sociales encore plus modestes ne sont jusqu’à présent restées qu’une promesse, comme le « revenu dans la dignité » prévu de 400 dirhams par mois pour les personnes âgées, 300 dirhams pour chacun jusqu’à trois enfants dans une famille nécessiteuse pour soutenir la scolarité. Mieux, les promesses étaient surtout l’accompagnement tout au long de la vie des personnes handicapées. L’engagement du gouvernement était d’introduire ces nouvelles prestations dès sa première année de mandat, proclamant que le dispositif serait simple et facile à mettre en œuvre.

Objectifs en attente de réalisation

Rétrospectivement, les autres objectifs majeurs annoncés par le gouvernement apparaissent davantage comme des relations d’effet d’annonce où il faut communiquer pour communiquer, la faisabilité, on verra après. Le gouvernement se fixe apparemment des objectifs irréalistes contre son meilleur jugement, comme le montre les statistiques du HCP sur la politique sociale, hormis les initiatives royales, et là aussi leur mise en œuvre traîne toujours. Les chiffres bruts montrent à quel point il est difficile, voire impossible, de tenir de telles promesses d’avantages sociaux.

Dans son programme gouvernemental, par exemple, le gouvernement a promis de sortir un million de familles de la pauvreté et de la précarité, sans expliquer comment il compte y parvenir. Il a également pris fait et cause pour la création d’un million d’emplois et la lutte contre le chômage.

Pourtant, les premiers signaux montrent que le gouvernement n’a pas atteint cet objectif, cette année, notamment avec ce taux de croissance actuel. La révolution du secteur de l’Éducation tant annoncée par le gouvernement risque également d’être provisoirement annulée voire reportée, ce qui signifie que l’objectif affiché de faire du Maroc l’un des 60 pays dotés du meilleur système éducatif au monde est loin d’être atteint.

Selon son porte-parole, le gouvernement a fait référence à deux contraintes qui lui rendraient difficile le respect de certains engagements : Premièrement, le budget de la première année de gouvernement n’a pas été préparé par le gouvernement actuel et contient donc des éléments et des problèmes d’héritage du gouvernement précédent. De plus, la guerre-russo ukrainienne a chamboulé les budgets dans le monde entier et bouleversé la planification économique.

Cependant les deux raisons peuvent être discutées, car le gouvernement a toujours eu un fonds de secours pour faire face aux crises et aux chocs exogènes.

L’inflation et les prix élevés  entraînent un ressentiment croissant

Indépendamment du nombre de points du programme gouvernemental mis en œuvre jusqu’à présent, il est important de noter qu’un délai de cinq ans (de 2021 à 2026) a été donné pour la mise en œuvre des engagements. Le Chef de gouvernement a donc encore le temps de rattraper son départ hésitant et de tenir ses promesses de campagne.

Revenant sur la question de la stabilité, le porte-parole du gouvernement, M. Mustapha Baïtas, a déclaré le 8 septembre, que le gouvernement « Akhannouch assure la stabilité des prix » en évoquant la question des manuels scolaires. La question est cependant de savoir ce que l’on entend par stabilité. Dans son rapport récemment publié, Bank Al-Maghrib (BAM) prévoit un ralentissement de la croissance économique. La banque centrale table actuellement sur une croissance inférieure à 0,8 % cette année. La prévision du gouvernement était de 3,2 %.

Le marasme économique s’accompagne d’une augmentation du taux d’inflation à 7,7% au premier semestre de cette année. Même les prix des marchandises, qui ont toujours déterminé la stabilité des prix au Maroc, connaissent des hausses record. En fin de compte, tous les produits sont concernés.

En juillet, ces hausses de prix ont suscité trois semaines de réactions de colère sur les réseaux sociaux . Bien que les prix des carburants aient désormais chuté à l’échelle internationale, ils restent à des niveaux record au Maroc.

La colère populaire a désormais atteint des proportions telles que les Marocains ne se parlent qu’avec sarcasme du slogan électoral du RNI. Au lieu d’espérer la promesse « Vous méritez mieux ». Certains seraient déjà heureux aujourd’hui si les choses étaient restées comme elles étaient avant.

Encadré

Une chose est désormais claire, le Chef du gouvernement se focalise

Surtout sur la rhétorique et la communication  -pour lui, il s’agit de gagner  la bataillede l’opinion- les résultats suivront.

Face à des décisions jugées « fortes», des protestations généralisées se sont alors formées, chez des groupes professionnels entiers. Par exemple, il y a eu une résistance parmi les avocats et autres. Le gouvernement d’Akhannouch a été le premier gouvernement marocain à être confronté à des manifestations de rue après seulement quelques semaines au pouvoir.

La décision du ministre de l’Éducation d’abaisser à 30 ans l’âge limite pour débuter une carrière d’enseignant a également été accueillie avec mécontentement. Auparavant, c’était de 40 à 45 ans. C’est une décision historiquement sans précédent dans l’histoire du Maroc. Néanmoins, le ministre n’a fait aucune tentative pour justifier sa décision, qui était au cœur de l’éducation. Le système éducatif, en particulier, a toujours été la porte d’accès à la promotion sociale pour de nombreuses personnes socialement défavorisées – dans presque aucun autre domaine les décisions gouvernementales n’ont des effets aussi importants. Cette décision montre que des secteurs clés de l’État souffrent d’une mauvaise gestion, sans compter que le parti du Premier ministre a rompu un certain nombre de ses promesses préélectorales, comme l’augmentation des salaires des enseignants.

L’un des sujets particulièrement explosifs est le débat sur la relation d’emploi des enseignants salariés qui ne sont pas fonctionnaires mais qui sont employés sur une base contractuelle. Ils sont financièrement moins bien lotis que les enseignants fonctionnaires. La promesse électorale irréaliste d’une augmentation des salaires de ces personnels éducatifs à 7.500 dirhams par mois, soit d’un tiers, est partie en fumée.

Les Marocains ont eu de grandes promesses, mais rien ne se passe Tout cela explique le silence dans le discours public et l’attentisme sur la scène politique.

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