Un nouvel élan pour l’industrie aéronautique
Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue
Après une phase difficile, les fournisseurs marocains de technologie aéronautique retrouvent le goût de la montagne, après que le Maroc a fait preuve d’une bonne résilience pendant la pandémie.
Au cours des deux années qui ont précédé la pandémie, le secteur a atteint des taux de croissance d’environ 20 %. De grandes entreprises internationales telles que Safran, Airbus, Boeing, Bombardier et Thales ont déjà investi dans le Royaume. De cette nouvelle dynamique, M. Karim Cheikh, Président du Groupement des Industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS) rappelle que « L’industrie aérospatiale marocaine veut revenir au développement d’avant la pandémie. »
l Où en est le secteur de l’aéronautique au Maroc ?
– Le Maroc a fait preuve d’une bonne résilience pendant la pandémie. L’élément le plus visible de cette résilience a été notre capacité à nous adapter, à nous diversifier et à innover dans des conditions très complexes, en apportant des solutions immédiates.
Nous avons continué à travailler pendant toute la période de confinement et ceci n’a pas été le cas pour les plateformes aéronautiques concurrentes.
Nous avons une base industrielle solide, fortement intégrée dans les programmes des principaux avionneurs tels qu’AIRBUS, BOEING ainsi que chez les motoristes. Il ne faut pas nier que la crise du Covid a amené des opportunités pour le Maroc où la quête de fournisseurs plus compétitifs était vitale. La crise n’a pas empêché la confirmation de plusieurs projets d’inaugurations. Ces investissements sont non seulement le signe que nous sortons de la crise, mais ils révèlent le tournant majeur que prend notre industrie dans des filières à plus haute valeur ajoutée. La crise a aussi changé notre façon d’appréhender les marchés. Par notre expertise, dans un domaine complexe à très haute valeur ajoutée, nous sommes bien outillés pour aller vers de nouveaux marchés et vers de nouvelles filières industrielles, notamment le spatial et la défense, et de développer des solutions innovantes pour le marché national.
Le Maroc est reconnu aujourd’hui comme une base aéronautique performante et compétitive où le niveau de qualité et de délai de livraisons sont au standard international.
Cet ancrage solide nous positionne favorablement sur des activités plus complexes et une montée en gamme importante.
En effet, plus aucun avion au monde ne vole sans qu’il n’y ait une pièce / équipement fabriqué au Maroc. Nous sommes fiers de confirmer que le Maroc de par sa supply chain diversifiée mais aussi à travers l’intégration locale sur laquelle le GIMAS travaille main dans la main avec ses membres et avec le ministère de l’Industrie, est une plateforme crédible en laquelle tous nos partenaires mondiaux ont choisi de croire et investir.
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l Quels sont les défis qui se dressent devant le secteur ?
– Notre secteur se prépare aux normes climatiques imposées aux industries. La production compatible REACH et les industries décarbonées sont des conditions pour être toujours sur la carte de l’industrie aérospatiale mondiale. Cette nouvelle façon de produire va fortement influencer nos entreprises. L’innovation sera essentielle pour trouver des substituts aux procédés ou produits non compatibles. La technologie verte est encore coûteuse aujourd’hui. Comment optimiser le coût d’une industrie décarbonée est une question importante.
l On parle beaucoup d’avions à propulsion à l’hydrogène comme étant le futur de l’aviation. Quelle place pour la R&D dans ce secteur, et au Maroc en particulier ?
– Nous avons depuis le début abordé la relance avec l’idée que toute crise est synonyme d’opportunité à saisir. Pour ce faire, nous orientons plus fortement nos activités et notre stratégie vers de nouveaux métiers en mettant un accent particulier sur les technologies avancées de l’Industrie 4.0, sur l’innovation, la R&D, et surtout nous nous ouvrons sur de nouveaux marchés en travaillant à attirer les capacités excentrées pour une relocalisation au Maroc au plus près des constructeurs et équipementiers. Cela est un enjeu majeur de la transition écologique et de la décarbonation de la production qui fait partie de l’un des défis auquel notre industrie fait face.
Pour nous, l’industrie marocaine étant pleinement intégrée dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, il est important d’entrer dans l’évolution mondiale de l’usine intelligente et décarbonée. La décarbonation est aujourd’hui plus qu’une exigence, elle est vitale pour nous. Enjeu majeur devant être pris en main d’urgence pour que nous puissions rester, demain, dans la course. Encore une fois, nous sommes une industrie globale dans un monde global. Si nous ne respectons pas l’ensemble des exigences de cette filière, nous perdrons des points de position. C’est pour cela qu’en partenariat avec l’État, nous œuvrons au quotidien à ce chantier afin de maintenir et d’améliorer notre positionnement. Doter des entreprises de capacités à se fournir en énergie verte et les accompagner dans le processus de décarbonation, via des bilans carbone et des plans zéro carbone, est la clé pour réussir ce défi. Le plan Industrie 4.0 est pour nous un ensemble complet d’actions qui visent à placer nos entreprises au niveau d’intégration technologique le plus avancé à l’ère du smart factor. Le programme de décarbonation est une action dissociée que nous entendons lancer en même temps que le plan Industrie 4.0.
l Le Capital humain est-il important pour le secteur ?
– L’un des facteurs de croissance du secteur de l’aéronautique au Maroc est bien le facteur humain.
Notre capital humain et nos centres de formation ont été le levier de réponse à tous les industriels ayant choisi le Maroc comme pays pour leur filiales.
Le GIMAS s’est impliqué dans la formation des jeunes, il y a plus de 10 ans, en créant l’IMA (Institut des Métiers de l’Aéronautique) qui est l’un des premiers instituts du partenariat public- privé, piloté par les industriels. D’une capacité de 400 stagiaires par an, il est passé à 800 pour arriver aujourd’hui à 2000 jeunes par an avec un taux d’insertion de 97%.
l Qu’en est-il de la formation ?
– Le secteur dispose également de l’ISMALA ( institut de l’OFPPT) pour la formation en maintenance et réparation aéronautique. Ce dernier a pour objectif de dédier l’ISMALA à la formation dans les métiers du MRO afin de répondre aux besoins évolutifs des opérateurs de la filière. L’ISMALA opère bien évidemment en complémentarité avec l’Institut des Métiers de l’Aéronautique (IMA), qui dispose d’une carte de formation qualifiante et continue, adaptée aux besoins de tous les autres écosystèmes hors MRO.
De même et en vue de répondre aux besoins des entreprises en profil d’ingénieurs et de middle management et de renforcer les compétences du secteur, nous avons signé, il y a quelques mois, avec les ministres de l’Industrie et de l’Enseignement supérieur une convention importante, d’ailleurs une première au Maroc, portant sur la formation de plus de 100.000 ingénieurs et techniciens supérieurs (niveau bac+3). Cela viendra bien évidemment en complément de la formation professionnelle. L’objectif étant de transformer les écosystèmes en allant vers plus de valeur ajoutée.
Aujourd’hui, le secteur compte plus de 20.000 emplois directs qualifiés