Migrations africaines, vers une autre gouvernance ?

Par Abdelhak ZEGRARI (*)

Il s’est tenu à Lisbonne les 26 & 27 janvier la deuxième rencontre de l’Alliance Migrations, une plateforme internationale regroupant ONG humanitaires, élus locaux et représentants de l’Etat en charge de la question migratoire. Il s’agissait de coconstruire un agenda commun autour de la défense d’une autre gouvernance, avec des acteurs venus parfois de très loin ; l’Afrique y était largement représentée, dans un contexte sécuritaire et environnemental tendu.

Le Maroc, champion de la migration de l’UA, se devait d’y participer et le CCME a même délégué une chargée de mission afin d’exposer les positions du royaume, partenaire incontournable dans la gestion de la migration eurafricaine.

 En fait, le Portugal a été choisi pour accueillir la réunion parce qu’il  a été le premier pays à adopter un plan national pour mettre en œuvre les objectifs du Pacte de Marrakech, et sa capitale réaffirme son interculturalité et concrétise cet engagement par la mise en œuvre d’un plan municipal pour l’intégration des migrants. Le constat est fait  que le processus de dialogue entre villes et associations permet d’adapter et de repenser la politique locale en fonction des réalités vécues par les personnes migrantes, loin des crispations identitaires. Le changement de cap en matière de politique migratoire  passe par une remise en question du modèle migratoire. L’Alliance doit permettre de faire front commun pour l’émergence d’un dialogue multilatéral incluant les voix du Sud. Plusieurs maires subsahariens dont ceux de Gao au Mali ou Agadez au Niger, situés sur la route migratoire Sud-Nord, ont exposé leurs difficultés ; ces villes connaissent une double migration intra-africaine, celle passagère vers le Maghreb et un déplacement de populations fuyant la sécheresse et l’insécurité alimentaire. Et pour eux, les organismes onusiens tels que l’OIM ou le HCR ont une approche faussée de la situation et ne s’intéressent qu’aux réfugiés des conflits armés. Or la population de leurs villes a doublé en dix ans et les difficultés économiques et sociales s’accumulent. Dans des Etats centralisés, on perçoit mal les retombées supposées des partenariats élaborés avec l’UE, dans le cadre du Fonds Européen pour l’Afrique, ou même dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV).

Aussi, afin de pouvoir faire face aux défis conjugués des flux migratoires, des conflits armés et du changement climatique, il est urgent de repenser la politique migratoire au niveau local, en y associant l’ensemble des acteurs, l’Etat,  les autorités locales, la société civile et même les entreprises du secteur privé. Il faut créer des réseaux de villes accueillantes au niveau des sous-régions, voire un réseau des réseaux, afin de faire se rencontrer les expériences et les bonnes pratiques,  et essaimer des politiques alternatives pragmatiques. L’exemple du Centre national d’appui à l’intégration des migrants de Lisbonne est éloquent ;  c’est un guichet unique pour les démarches administratives, conseils juridiques, orientation en santé, accompagnement vers l’emploi, espace culturel…

Le rôle des diasporas est important dans l’élaboration des politiques d’accueil et d’intégration, par le lien qu’elles gardent avec les pays d’origine ; à cet égard, il faut saluer l’initiative de la mairie de Rabat de célébrer la journée mondiale de la culture Africaine et Afro-descendante. Il est vrai que le Maroc est devenu un pays de destination, après avoir longtemps été un pays de transit, et a intégré la migration dans les stratégies de développement ; il fait face au défi croissant de la migration « désordonnée » et de la régularisation des migrants sans-papiers. La capitale du royaume est membre de la CGLU (Cités et Gouvernements Locaux Unis), une organisation qui chapeaute les gouvernements locaux et les municipalités à travers le monde et Mme Asmaa Rhlalou en est la trésorière. Et par les temps de crise que connait la planète, les liens entre élus locaux peut s’avérer crucial, jouant « les diplomates de proximité » dans une logique de plus en plus transnationale dans divers domaines.

(*) Abdelhak ZEGRARI Economiste, chercheur UN Network on Migration

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