Le Maroc, la France et l’Europe
Tribune
Par Omar Hasnaoui (*)
Oui les relations entre le Maroc et la France sont singulières. Autrefois, avant le second mandat d’ Emmanuel Macron, elles étaient qualifiées d’ « exceptionnelles et d’ « uniques ». Certes ces relations n’ont pas toujours été sereines et amicales. Elles ont été souvent ballotées, par les vicissitudes d’une histoire partagée qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.
Ces relations ont connu des périodes d’euphorie, unanimement saluées, notamment lorsqu’une unité de la Garde Royale ouvrait le défilé du 14 juillet 1999 aux Champs Élysées, inspirée de deux hymnes nationaux français et marocain, aux sons d’une musique qui se voulait symbole de fraternité d’armes, par delà le temps . Ce fait marquant que nous avons en mémoire a pris autant de dimensions parce que deux grands hommes l’imprimèrent de leur volonté, de leur amitié, de leur sceau et d’une immense et légitime considération.
Depuis, ces relations étaient considérées de part et d’autre comme arrivées à maturité. Le Maroc de Mohamed VI , sans tomber dans l’apologie extatique, avait bien pour volonté ferme de mettre à profit leurs excellences pour leur faire franchir un nouveau palier « stratégique » au plus grand bénéfice des peuples français et marocains. Si les mots ont un sens, et nous étions tous bien inspirés, nos deux nations considéraient comme acquis que chacune d’elle se trouve dans l’arc des considérations stratégiques de l’autre. Au centre de nombreuses relations de coopération bilatérale, nous parlions : développement, croissance, innovation, compétitivité, localisation et nous nous attelions à faire preuve d’imagination et d’intelligence collective pour donner un contenu nouveau, ambitieux que le suffixe « co » accolé à chacun des concepts précédemment cités suggère.
Ainsi, avons nous dessiné les contours de leur résonance pratique dans des domaines aussi divers et variés que les politiques publiques, le transport, l’énergie, l’hybridation technologique et tant d’autres. Les appréciations convergentes en matière géopolitique et géostratégique, devaient nous permettre de contribuer en bonne intelligence à l’apaisement des situations de conflit qui agitent la rive sud et son hinterland sahélo-saharien mais aussi ceux qui déchirent le Moyen-Orient ; je pense notamment au conflit palestino-israélien à la solution duquel le Royaume du Maroc et ses Souverains ont constamment œuvrer au rapprochement des vues des parties concernées.
Oui, Le Maroc et la France entretiennent avec le continent Africain notamment ses sous-régions occidentales, sahélo-saharienne et centrale des relations multiséculaires. Nous avions espoir et nous le pouvions, faire beaucoup ensemble pour le continent, dans le respect bien entendu des intérêts de chacun. Car une politique de co-développement triangulaire n’est pas que possible, elle est souhaitable. En effet, Le Maroc souhaitait mettre en synergie les expertises et le savoir-faire développés dans le cadre des coopérations respectives par les entreprises publiques privées sur le continent. Mais les choses ne sont pas allées dans la bonne direction, en cause, sur le plan géopolitique, les positions françaises sont en difficulté et commencent à s’effriter dans nombre de pays partenaires de la France-Afrique. La France de plus en plus isolée dans les grandes ambitions qu’elle a . Les crises successives et le rejet par les plus démunis et les plus faibles pays de l’Afrique sonne le glas à un maintien futur de la France. En cause le paternalisme l’arrogance. Ce phénomène du déclin nous l’observons également en Europe avec les divergences sur les enjeux de fond, et une Allemagne qui plus que jamais affiche sa volonté d’être le pivot central de l’Europe.
Nous observons et c’est un phénomène qu’on pensait derrière nous, que la France de Macron se comporte avec ses partenaires africains avec un réflexe comme au temps des mandats, avec un sentiment de supériorité maladive, difficilement dissimulable. Nous avons assisté à des scènes surréalistes face à des présidents africains. Quand on regarde de haut quelqu’un pour lequel on n’a pas la considération d’un égal, on génère de l’humiliation. Surtout si on a pour option que le choix unique des mauvaises ressources de nature coercitive pour agir. Dans un monde où les logiques de l’interdépendance prédominent, on ne plus diriger le monde par le gros bâton. Tout le monde s’y est employé et ça n’a pas fonctionné. Cette politique d’intimidation est vouée à l’échec. S’agissant du Maroc, on le voit au travers des mesures qui pénalisent la libre circulation des personnes, l’adoption de résolutions défavorables, ou toutes mesures de nature à nuire ou des tentatives à remettre en cause son intégrité territoriale.
D’ailleurs, le Roi Mohammed VI avait à l’occasion du 68è anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple dénoncé la campagne insensée et contre productive menée contre le Royaume, je cite le Souverain : « Le Maroc fait face à une agression délibérée et préméditée…Il est l’objet d’attaques méthodiques de la part de certains pays et d’organisations notoirement hostiles à notre nation . Quelques pays , notamment européens comptant, paradoxalement, parmi les partenaires traditionnels du Maroc, craignent pour leurs intérêts économiques, leurs marchés, et leurs sphères d’influence dans la région maghrébine. Ces pays ne veulent pas admettre que les règles du jeu ont changé, que désormais, nos pays sont totalement aptes à gérer leurs affaires…. Aussi, et dans l’intention de précipiter le Maroc dans une spirale de problèmes et de conflits avec certains pays, toutes sortes de ressources ont été mobilisées, avec une distribution des rôles et le déploiement d’impressionnants dispositifs d’influence ».
Que d’espoir, que d’énergie semblent s’évanouir après y avoir si longtemps cru. L’adoption par le Parlement Européen de résolutions défavorables au Maroc a fini par représenter l’exact opposé de ce qu’était le rêve européen, pour ne pas dire, le rêve marocain. Des instances sourdes et aveugles, comme autrefois, la Cour Européenne de justice et aujourd’hui le PE arrête des verdicts en excommunication, que le Maroc rejette avec véhémence et remet en cause leur légalité et leur légitimité. Ce tournant dans les relations Maroc Union Européenne ne présage rien de bon. Rien n’y fait ! Ni les enjeux, ni les menaces ni les facteurs de déstabilisation, ni l’immigration clandestine, ni le terrorisme, le trafic de drogue ni tant d’autres défis que connaît en ce moment l’ensemble euro-méditerranéen. Plutôt, il semble se dégager une apathie patente de la part de l’Europe des 28, à quelques exceptions près, pour ce qui nous concerne. Il ne faut pas se leurrer !
Il faut réfléchir à la nature des phénomènes nouveaux que nous rencontrons. Il faut une réponse au mépris dans lequel certaines des élites européennes tiennent aujourd’hui le Maroc, ses avancées, ses engagements, les efforts et les espérances qu’il fonde pour faire de nos provinces du sud, un modèle de développement dans le cadre d’une régionalisation avancée pour l’ensemble du Royaume. Il faut aussi, une réponse à tous les efforts financiers mobilisés et mis en œuvre pour assurer le bien être de nos populations du sud. Toute cette transformation ne nous vaudrait-elle pas quelque satisfecit ? Pas du tout. Le Parlement Européen, la Cour des mêmes instances, s’attendent à quoi ? Pourquoi n’ouvrent-ils pas les yeux face à la collusion d’intérêts entre les séparatistes du Polisario et les groupes extrémistes radicaux qui sévissent dans la région sahélo-saharienne qui n’est plus à démontrer.
Il faut se poser la question de savoir: que veut l’Europe? Faudra t-il croire à des erreurs d’analyse et d’appréciation des experts vaticinant des institutions européennes pour susciter un tel séisme? Il faut une certaine dose d’inconscience, pour créer plus de tensions, d’insécurité, en alimentant par des attitudes suicidaires davantage d’instabilité dans une sous région déjà aux prises avec les problèmes d’une ampleur sans précédent, notamment ceux du terrorisme et de la migration sauvage! Au lieu de rassembler par des décisions porteuses d’espoir et d’avenir, l’Europe joue une mauvaise série, se contente d’une situation larvée à ses portes, d’une situation de ni paix ni guerre, en s’alimentant de la devise: « diviser pour mieux régner ». Il n’y a qu’à voir la réaction de l’Algérie, pour s’en convaincre ! il ne faut pas le nier, l’Europe et certains de ses Etats membres se rendent complices objectifs de cette situation. N’a-t-on pas dit que : » l’Union Européenne est le pire adversaire de l’idéal Européen »? Son premier rôle n’est-il pas celui d’être un rassembleur, un conciliateur et un acteur qui travaille pour la paix, d’abord ?
Aujourd’hui nous avons à faire non pas à des bien pensants mais plutôt à des bien pensants. Si l’Europe ne réagit pas au mal qu’elle a fait, elle risque d’ajouter le mal qui lui reste à faire. L’Europe doit se déterminer, l’Europe doit choisir .
Désormais, Le monde émergent constitue une alternative stratégique majeure pour notre avenir et l’Afrique notre destin commun.
(*) Président- Fondateur . FONDATION HÉLIOS POUR LE DIALOGUE ET LE DÉVELOPPEMENT.