Au Liberia, les femmes jeûnent pour des élections sans violences
Vêtues de tuniques identiques proclamant « Souvenez-vous du passé« , une centaine de Libériennes prient, agenouillées, au terme d’une nouvelle journée de jeûne entamé il y a trois semaines pour exhorter leurs compatriotes à éviter toute violence lors des élections générales de mardi.
Ces femmes de tous âges se réunissent de l’aube au coucher du soleil en bord de route dans la capitale Monrovia, devant les quartiers généraux de plusieurs candidats à la présidentielle, rappelant les manifestations pacifistes qui avaient aidé à en finir avec les guerres civiles (1989-2003). « Nous avions mené le processus en 2002 et 2003 pour le mouvement de masse des femmes en faveur de la paix. Nous voulons poursuivre cette action en participant au maintien de cette paix obtenue« , explique Delphine Morris, coordinatrice nationale du Réseau des femmes pour la paix (Women in Peacebuilding Network, WIPNET).
« Pendant cette période électorale, nous pensons qu’il est sage de se rassembler à nouveau, pour unir nos fois et nous assurer que les élections seront bien libres et transparentes« , ajoute-t-elle. Dans leur petit campement, les militantes de WIPNET terminent la journée en chantant, et, mercredi, elles ont même enregistré un clip vidéo musical, pour le plus grand plaisir des passants et des automobilistes. Les femmes aux tuniques proclamant « Souvenez-vous du passé » et « Le viol est un crime » dansent au passage de convois appelant à voter pour les différents candidats, qui klaxonnent à plein volume.
Au cours de la guerre civile particulièrement cruelle dans ce pays, le mouvement des femmes pour la paix a mené des sit-in et des prières publiques pour obtenir la fin des violences et la réconciliation, et l’une de ses fondatrices, Leymah Gbowee, a obtenu, en 2011, le prix Nobel de la Paix. « Pendant la guerre, nous priions, et nous jeûnions, et la guerre a cessé », se souvient Jassah Ganyan, une vieille dame qui se repose à l’abri d’une bâche. « Nous ne voulons plus de guerre« , lance-t-elle.
Mais beaucoup de participantes pensent que le spectre d’un conflit rôde toujours, dans la mesure où la présidente, Ellen Johnson Sirleaf, se retire après 12 années de pouvoir. « Nous craignons des violences électorales« , confie Delphine Morris, tout en regardant un véhicule blindé de la police passer sur la route. « En 2011, une fois le résultat annoncé, il y a eu des scènes de violence, et une ou deux personnes sont mortes. Nous ne voulons plus voir ça« . En 2011, Winston Tubman – le candidat devancé par Ellen Johnson Sirleaf – avait appelé ses partisans à boycotter le second tour. Deux personnes avaient été tuées devant son quartier général la veille du scrutin.
Delphine Morris craint surtout que certains candidats n’enveniment la situation en proclamant prématurément leur victoire, dans la mesure où le scrutin semble cette année très ouvert. Ils sont vingt candidats à se présenter. « Tous les partis à qui vous parlez vous disent qu’ils doivent gagner et ils pensent déjà avoir gagné!« , s’inquiète-t-elle. Le mouvement des femmes a rédigé un memorandum contre la violence et l’a présenté aux candidats, mais Mme Morris n’a pas été en mesure de préciser si tous les partis avaient signé cet engagement. « Si vous ne gagnez pas, c’est peut-être que ce n’est pas votre moment, ou que vous devez mieux faire votre travail« , lance-t-elle d’ores et déjà à l’adresse des candidats.