Les transactions vont passer au scanner

Les agents immobiliers doivent mettre en place des mécanismes de contrôle, documenter les transactions et les déclarer si nécessaire. La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est étendue au secteur immobilier.

Le Maroc tente depuis des années d’être retiré de la liste grise de l’UE, qui répertorie les pays qui ne seraient pas suffisamment bien positionnés dans la lutte contre le blanchiment d’argent, l’évasion ou la fraude fiscale et le financement du terrorisme. Au Maroc, le cash joue un rôle majeur dans la vie quotidienne des affaires et toujours dans le secteur immobilier. Dans certains cas, d’importantes sommes d’argent sont transférées en espèces lors de l’achat ou de la vente de biens immobiliers, ce qui favorise également les transactions d’argent noir et le blanchiment d’argent. Le gouvernement essaie de réguler les métiers connexes à l’immobilier depuis plusieurs années et tente de modérer et de rendre vérifiable les flux d’argent.

Le gouvernement ratisse large

Après les avocats, les notaires et les adouls, les courtiers doivent désormais aussi participer à la lutte contre le blanchiment d’argent. Un arrêté de la ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Politique de la ville, Mme Fatima Zahra Mansouri, en janvier 2023 a fixé les règles et les mesures que les agents immobiliers doivent mettre en œuvre pour contribuer à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La nouvelle règle du 19 janvier 2023 définit désormais clairement le métier d’agent immobilier. Selon celle-ci, un courtier est « une personne physique ou morale qui fournit régulièrement ou professionnellement des services à d’autres personnes dans le cadre de l’achat ou de la vente d’un bien immobilier ».

Le texte du ministère du logement est lié à la loi 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent. Avec cette loi, les « courtiers et courtiers immobiliers » ont été inclus dans la liste des professions dotées de pouvoirs et de devoirs particuliers

Les agents immobiliers invités à un rôle de whistleblower

Les courtiers agréés doivent mettre en place un dispositif de contrôle interne et permanent afin de pouvoir détecter le blanchiment d’argent et le financement éventuel du terrorisme. Ce mécanisme doit être utilisé aussi bien pour les entreprises clientes que pour les clients réguliers et occasionnels.

Le système de contrôle devrait être basé sur une analyse interne continue ou actualisée des risques. Des mesures sont nécessaires pour identifier les clients et toutes les parties impliquées dans les transactions. Les cas suspects doivent être signalés au régulateur financier national.

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Les agents immobiliers doivent répondre à de nouvelles exigences en matière de documentation.

À l’avenir, le courtier devra créer un formulaire d’information avant d’entrer en relation d’affaires ou d’effectuer une transaction avec un client potentiel. Il devra se référer aux pièces d’identité délivrées par l’administration ou une autorité étrangère équivalente.

Ces documents doivent être légaux et inclure une photo du client. Le règlement précise quelles informations doivent figurer sur le formulaire. Cela dépend si le client est une personne physique ou morale.

Encadré

Un courtier averti en vaut deux

Les clients susceptibles de présenter un « risque élevé » doivent être traités avec une prudence particulière. Cela inclut les personnes qui ont identifié le courtier en tant que tel sur la base d’informations. Typiquement, il s’agit d’étrangers non-résidents, d’associations à haut risque, de ressortissants et d’entreprises de pays pour lesquels le GAFI recommande une « vigilance accrue ».

Dans ces cas, le courtier doit obtenir des informations supplémentaires sur le client, notamment les raisons des transactions effectuées ou proposées et la source de l’argent ou des actifs de la personne.

La définition des transactions inhabituelles doit être élaborée. Les agents immobiliers sont tenus de soumettre des rapports aux autorités.

Le courtier doit fixer des seuils pour les transactions à effectuer pour chaque catégorie de clients. Si ceux-ci sont dépassés, les transactions sont considérées comme inhabituelles.

Transactions qui ne semblent pas avoir un objectif légitime clair qui entraînent des coûts Les questions qui diffèrent des transactions normales ou qui se déroulent dans des circonstances inhabituellement complexes doivent retenir l’attention du courtier. Toute transaction jugée «inhabituelle», «complexe» ou «suspecte» doit être signalée aux autorités.

Au plus tard trois mois après la clôture de l’exercice, l’agent immobilier doit remettre aux autorités un rapport annuel sur le système de contrôle interne et les activités de contrôle réalisées.

Ce concept prévoit des sanctions en cas de non-conformité, par lesquelles le courtier peut être emprisonné ou condamné à une amende pouvant aller jusqu’à 1 million de dirhams. Il existe également de graves sanctions pénales.

Le service de l’administration du logement est chargé de la surveillance ou du contrôle, dont les décisions peuvent être contestées devant le tribunal administratif si nécessaire.

Les OPCI pour améliorer la transparence dans les transactions immobilières

Alors que le secteur immobilier du Royaume a chuté après un boom qui a culminé en 2007 et 2008, ces dernières années ont montré des signes de reprise modeste. Bien que le segment de limmobilier de luxe soit resté déprimé en raison du ralentissement économique mondial en 2008-09, les incitations financières du gouvernement visant à attirer les promoteurs et les constructeurs vers le secteur du logement moyen et abordable, qui est marqué par un déficit persistant, ont stimulé l’industrie.

Dans ce contexte plusieurs questions se posent pour renforcer les OPCI (Organisme de Placement Collectif Immobilier), notamment l’état des lieux du marché marocain dans un contexte dominé par l’inflation et relance de l’économie nationale. Mais aussi du régime juridique des OPCI instauré par la loi 70-14 qui, selon Noreddine Tahiri, Directeur général de AjarInvest, reste « perfectible ».

Tahiri, ancien Directeur Général délégué de Foncière Chellah, filiale de la CDG, spécialisée dans l’immobilier locatif, note que « l’intérêt des OPCI réside dans sa souplesse, dans sa sécurité juridique, dans la transparence qu’ils offrent aux investisseurs, dans le potentiel de développement, dans la transparence de l’immobilier et de démocratisation de l‘accès à l’immobilier locatif. »

l Maroc Diplomatique : Quel est l’état des lieux du marché des OPCI au Maroc dans un contexte dominé par l’inflation et la relance de l’économie nationale ?

– Noreddine Tahiri : Je souhaiterais, dans un premier temps, retracer la courte histoire de l’activité des OPCI au Maroc. En effet, la réflexion autour de la loi sur les OPCI a débuté en 2013. Elle a été menée par le mMinistère de Finances en s’appuyant sur une commission composée d’opérateurs experts et motivés. Le fruit du travail de cette commission a été le vote, en 2016, de la loi 70-14 portant sur les OPCI. De l’avis de l’ensemble des acteurs concernés, cette loi est l’une des plus équilibrées même si, comme tout texte juridique, elle reste perfectible.

C’est en 2019 que les deux circulaires de l’AMMC, régissant les agréments et le fonctionnement des sociétés de gestion et des OPCI eux-mêmes, ont été publiées. C’est à partir de cette date que les OPCI pouvaient être créés et devenir opérationnels.

Ainsi et c’est au mois de juillet 2019 que la première société de gestion d’OPCI a été agréée. Il s’agit de AjarInvest, filiale de la CDG et du CIH Bank.

Vers la fin de la même année (2019), deux OPCI ont été agréés et créés par AjarInvest. Deux autres OPCI ont également été agréés et créés par AjarInvest vers le mois de juin 2020. Ainsi au bout de 6 mois, quatre OPCI ont été opérationnels.

Je souhaite préciser ici que la Caisse de Dépôt et de Gestion, à travers sa société de gestion d‘OPCI, AjarInvest, tout en étant pionnière, a grandement contribué à l’émergence de cette nouvelle activité, et ce, conformément à sa vocation d’accompagnateur des pouvoirs publics dans le développement de nouveaux véhicules d’investissement.

Actuellement, et après seulement 3 ans d’activité, l’écosystème des OPCI s’est largement développé. Ainsi, outre AjarInvest, huit autres sociétés de gestion ont été agréées par l’AMMC, traduisant ainsi les grandes ambitions placées par plusieurs acteurs dans l’industrie. Les OPCI à fin 2022 sont au nombre de 51, soit en moyenne 3 OPCI créés tous les deux mois. Ces OPCI représentent un volume global qui s’élève à environ 58 milliards de dirhams, dont 72 % sont gérés par AjarInvest.

Il est à préciser qu’entre fin 2020 et fin 2022, le nombre d’OPCI créés a été multiplié par 7,3. Quant à l’actif sous gestion, il a été multiplié par 9,7 en l‘espace de deux ans. Ceci dénote d’au moins deux choses, i) la loi et les circulaires portant sur les OPCI sont largement satisfaisantes en termes opérationnel, ii) les acteurs économiques sont grandement intéressés par ce nouveau véhicule d’investissement.

l Est-ce que le régime juridique des OPCI instauré par la loi 70-14 n’est pas désuet afin de faciliter les investissements d’un secteur lourdement impacté par la pandémie du Covid-19 ? Et où vient s’ajouter la guerre en Ukraine ?

– La loi sur les OPCI au Maroc est relativement récente. L’activité des OPCI n’a débuté qu’il y’a 3 ans, de ce fait, elle n’est pas désuète. Elle reste perfectible certes, mais pas désuète. La preuve en est le nombre d’OPCI créés en 2022 qui s’élève à 30 OPCI, soit 50 % de plus que le nombre d’OPCI créés sur toute la période début 2020- fin 2021. Par ailleurs, l’actif sous gestion supplémentaire en 2022 s’élève à plus de 37 Milliards de dirhams, soit également 72 % de plus que l’actif sous gestion sur toute la période début 2020- fin 2021.

En outre, comme indiqué précédemment, l’activité des OPCI n’a réellement débuté qu’en début 2020, c’est-à-dire qu’elle a débuté en pleine crise Covid -19. Malgré cela, l’activité des OPCI a connu une importante progression, que ce soit en termes de nombre d’OPCI créés ou d’évolution de l’actif sous gestion qui, je dois le rappeler, a atteint 58 Milliards de dirhams à fin 2022. Ainsi la crise Covid n’a eu aucun impact sur l’évolution de l’industrie des OPCI. Mais elle a eu un impact variés sur l’activité de la location notamment la location des actifs tertiaires (Bureaux, Commerces, Logistique…).

Quant à la guerre en Ukraine, elle a eu comme principale conséquence  le renchérissement des prix des matières premières, notamment les intrants de l’activité de la promotion immobilière. Actuellement, la majorité des OPCI existants détiennent des actifs existants et déjà loués sur des moyen et long termes. De ce fait, l’inflation n’aura qu’un impact limité quant aux revenus des OPCI, puisque les loyers sont prédéterminés dans les contrats de baux déjà signés. Par contre, l’inflation subie du fait de la guerre en Uklaine et la hausse du taux directeur pourront avoir un impact sur la valeur des biens détenus par les OPCI et par conséquent sur la valeur des actions détenues par les investisseurs.

l Y a-t-il risque de frein dans l’évolution des OPCI suite aux dispositions de la loi de Finances 2023 ?

– Je tiens tout d’abord à préciser que l’OPCI n’est pas un outil dont l’intérêt se résume à sa fiscalité. L’intérêt des OPCI réside également dans sa souplesse, dans sa sécurité juridique, dans la transparence qu’ils offrent aux investisseurs, dans le potentiel de développement, dans la transparence de l’immobilier et de démocratisation de l‘accès à l’immobilier locatif. Il n’en demeure pas moins que la fiscalité des OPCI est une partie intégrante et importante de ce véhicule, et ce, à l’instar des pratiques à l’international.

Toutefois, la loi de Finances 2023 a apporté une modification importante dans la fiscalité des OPCI et plus particulièrement dans la fiscalité des dividendes distribués par les OPCI.

En effet, avant la loi de Finances 2023, les dividendes distribués par les OPCI étaient imposés entre les mains des actionnaires avec un abattement de 60 %. Cet abattement permettait d’instaurer un équilibre fiscal entre les foncières et les OPCI qui ne pratiquent pas d’amortissement et par conséquent présentent une base imposable plus importante.

La loi de finance 2023 a perturbé cet équilibre en instaurant un abattement limité à 40 % et assorti de conditions qui pourraient être difficiles à remplir. De ce fait, et en pratique, une bonne partie des OPCI ne dispose plus d’abattement sur les dividendes qu’ils distribuent à leurs actionnaires, ce qui est un handicap majeur pour lesdits OPCI.

Cette disposition, si les conditions évoquées ne sont pas assouplies notamment à travers une bonne rédaction de la circulaire de la DGI, va certainement freiner le développement, jusque-là important, des OPCI. Il se peut même que le nombre d’OPCI subisse une diminution durant l’année 2023. De ce fait, nous espérons que la circulaire de la DGI va aller dans le sens d‘encouragement de cette toute nouvelle industrie qui a montré qu’elle est très prometteuse.

l A quel niveau les OPCI ont contribué à la dynamisation du secteur de l’immobilier ?

– L’action des OPCI au niveau du secteur de l’immobilier peut être classée en deux catégories. Une première action dont on a déjà constaté les effets, et une deuxième dont onn va voir les impacts dans les prochaines années.

La première catégorie s’est traduite par la financiarisation des actifs immobiliers détenus par certains acteurs économiques, et ce, via le transfert de leurs actifs immobiliers à des OPCI et donc la constatation d’une plus-value qui était «dans les murs » et par la même, le renforcement des fonds propres de ces acteurs. Parmi ceux-ci figurent les banques qui, via le renforcement de leurs fonds propres, peuvent accorder davantage de crédits et ainsi contribuer encore plus, au financement de l’économie nationale.

Par ailleurs, la mise en place des OPCI au Maroc, s’est accompagnée par un processus d’agrément des évaluateurs immobiliers. En effet, les actifs immobiliers détenus par les OPCI sont valorisés, régulièrement, par deux évaluateurs immobiliers qui doivent obligatoirement être agréés par le ministère des Finances après avis d’une commission composée notamment de l’AMMC (le régulateur de la bourse), de Bank Al Maghrib, de l’ACAPS, du ministère de l’Habitat et bien sûr du ministère des Finances.

Avec la mise en place de l’agrément des évaluateurs immobiliers chargés de la valorisation des actifs immobiliers des OPCI, l’écosystème de l’immobilier au Maroc s’est doté d’un outil qui a contribué de façon significative à améliorer la transparence dans les transactions immobilières. En effet, nous constatons que, même en dehors des OPCI, les acteurs économiques qui souhaitent réaliser une transaction immobilière font appel à des évaluateurs agréés OPCI, et ce, dans un souci de transparence dans la fixation des prix. Une telle transparence aura pour effet d’améliorer le niveau de confiance entre les acteurs d’améliorer par conséquent le climat des affaires dans le secteur de l’immobilier et donc fluidifier les transactions.

La deuxième catégorie des résultantes de la mise en place des OPCI, au Maroc, dont on va sentir les effets dans les prochaines années, se matérialise par la libération des ressources financières pour les promoteurs immobiliers, notamment ceux opérant dans l’immobilier professionnel. En effet, le cycle de la promotion immobilière peut être long car, généralement la commercialisation prend du temps. Avec la force de frappe financière des OPCI, ce cycle de commercialisation peut être réduit et donc la rotation des ressources financières mises à la disposition des promoteurs immobiliers peut être accélérée.

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