Ftour Pluriel des trois religions : Essaouira chante la tolérance et la fraternité comme un vecteur du vivre-ensemble
Par Hassan Alaoui
On pourrait sans hésiter faire d’Essaouira le symbole de l’humanité apaisée, de l’humanité tout entière, tranquille et vertueuse. Caressée par ses vents, protégée par ses remparts qui en avaient vu tant, adoucie par sa sonorité porteuse et sur laquelle veille cette complicité des mouettes depuis des siècles. Un poids particulier pèse sur la ville, et d’abord celui de l’histoire et de la mémoire. L’histoire en continu, qui s’enracine dans la mémoire, certes, ou l’inverse. Mais une histoire vivante qui se refait chaque jour et tous les instants, en somme comme dirait André Azoulay, Conseiller de Sa Majesté le Roi, un des fils de la ville, « l’avenir »…
Et c’est dans cette perspective que se place la 11ème édition du « Ftour Pluriels » que l’Association Marocains Pluriels a organisé ce samedi 15 avril à Essaouira, en recevant près de 250 personnes venues du Maroc et de plusieurs pays étrangers, musulmans, juifs et chrétiens. L’illustration parfaite et admirable des trois religions monothéistes, l’incarnation de la convivialité et de la tolérance qui sont à Essaouira ce que l’universalisme est à sa vocation millénaire. On doit, en effet, le succès de toutes les éditions organisées depuis toutes ces années à la pertinence et au combat sans relâche que mène Ahmed Ghayet, président de Maroc Pluriels. A la fois pour une sensibilisation intergénérationnelle en faveur de la cohabitation intelligente, de la tolérance et de la fraternité.
Le Ftour pluriels, comme son nom l’indique, constitue donc un palier essentiel de son combat pour le rapprochement et la communion dont on peut, à coup sûr, souligner qu’il dépasse même les frontières. A Essaouira, illustration de cette dimension a été faite, livrée dans une ambiance qui a concentré en un seul moment intense l’idéal unitaire, les nationalités, les religions, les cultures, les professions de foi et je dirais les rêves mêmes. Des convives et un auditoire attentifs, une convergence spirituelle certes mais également géopolitique, le miroir d’un Maroc aussi, mais surtout en effet une ville, Essaouira, sur laquelle souffle l’écho immémorial de l’universalisme, gardienne de la mémoire mais jamais aussi ouverte comme elle l’est à présent sur son avenir, sa jeunesse et son exigence de cité moderne. D’autres diront « smart-city », connectée – notamment avec les artistes du monde entier – comme elle l’avait été des décennies durant. Cette Mogador-là qui redouble de nostalgie ancestrale, terre de créativité, d’art et espace d’ouverture sur le monde lance aujourd’hui sa modernité avec exigence. Cette cité emblématique du Maroc séculaire, œuvre en partie du Sultan Mohammed Ben Abdallah avait donné un député juif à la jeune République des Etats-Unis en son temps, des personnalités politiques, des écrivains, des musiciens et puis les Gnaouas qui sont chaque année depuis vingt-quatre ans maintenant célébrés à travers le Festival qui porte leur nom.
Ahmed Ghayet, organisateur et au cœur de l’événement, a souhaité naturellement la bienvenue aux nombreux hôtes incarnant une diversité d’âges, de nationalités, d’origines, de confessions, de cultures. Avec des mots simples, de tous les jours et profonds, il retracé le parcours de cet événement qui connaît d’année en année un splendide succès, une adhésion dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle gagne les cœurs. André Azoulay, enfant de la cité pour ainsi dire a trouvé les mots et la pédagogie nécessaires pour en appeler les uns et les autres à adhérer au credo d’une ville qui, chaque année, presque chaque jour se transforme pour intégrer l’avenir tout en demeurant attachée à sa mémoire.
Kuramitsu Hideaki : Au Maroc, tous les citoyens du monde y vivent en toute quiétude
L’ambassadeur du Japon a simplement dit l’impression forte que la ville et sa population ont produit sur lui, soulignant que c’est la première fois qu’il s’y rend. M.Kuramitsu Hideaki souligne que « ces rencontres pendant le mois saint de Ramadan étaient déjà devenues une bonne tradition dont les bases ont été entamées par les bonnes initiatives de votre Excellence ( André Azoulay) et des acteurs éclairés de la société de la société civile : « Marocains Pluriels » et Salam Lekoulam » Et d’ajouter : « Je profite de ces moments où les gens joignent forces en quête d’espoir, de tolérance et paix pour rendre hommage aux personnes qui défendent les valeurs universelles d’ouverture, de modération et de vivre ensemble auxquelles les Marocains et tous les citoyens du monde sont attachés ». L’ambassadeur du Japon a conclu par cette superbe profession de foi que « le Maroc est un lieu fondé sur la conviction que les citoyens de toutes les religions peuvent vivre ensemble en toute sécurité et en toute liberté ».
Mme Seyanbou Dial : Aux jeunes de faire leur la valeur du vivre-ensemble
Pour sa part, l’Ambassadeur de la République du Sénégal, Mme Seynabou Dial, après avoir exprimé sa joie et remercié vivement les organisateurs de ce Ftour Pluriel, s’est d’emblée inscrite dans l’esprit que « Sa Majesté Mohammed VI a présenté lors de son message au 9ème Forum de l’Alliance des Civilisations des Nations unies, tenu à Fès en novembre 2022 où le Maroc s’est résolument en promouvant l’ouverture comme une culture de la Paix…C’est à cela que nous exhorte Ftour Pluriel ». Et Mme Dial d’interpeller presque les jeunes présents et nombreux dans cette salle : « A la jeunesse de faire sienne cette noble mission de s’approprier, de faire germer et de diffuser les valeurs du vivre ensemble par un discours porteur de paix et d’espérance. Il s’agira d’investir tous les lieux où se forge la conscience humaine, y compris Internet et les réseaux sociaux, aux fins d’y porter un message de sagesse et du juste milieu, le sens du dialogue, l’esprit du vivre-ensemble, le rejet des stéréotypes, la conscience de la responsabilité individuelle et collective face aux enjeux de notre époque ».
De toute évidence, le message est fort, il a cette particularité d’être énoncé par une personnalité africaine, continentale et engagée dans une soft-diplomacy qui inscrit sur son fronton la devise du vivre-ensemble, exactement comme le promeut l’Association Maroc-Pluriels.
L’autre dimension séculaire de Bayt Dakira
Pourrait-on assister, prendre part avec passion à un Ftour Pluriel, si significatif et convivial, prendre attache avec le patrimoine culturel, historique et humaine de Mogador-Essaouira, sans se rendre, l’âme enchantée, à Bayt Dakira, de son nom original Synagogue Simon Attias qui l’a bâtie à la fin du XIXème siècle, rénovée en 2017, rebaptisée du nom de Bayt Dakira, maison de la mémoire des citoyens et populations juives de la ville d’Essaouira-Mogador. Un espace d’une grande et impressionnante beauté, architecturale d’abord, d’une sobriété magistrale ensuite, lieu de recueillement, mémoire vivante de la richesse à la fois de la ville, de sa médina et de son patrimoine mémoriel juif. C’est en effet la projection de tout le Maroc qui incarne la cohabitation et les valeurs du vivre ensemble inscrites sur son frontispice.
Les organisateurs du Ftour Pluriel ne se sont pas fait faute de convier leurs hôtes dimanche 16 avril pour une visite opportune à Bayt Dakira, au cours de laquelle André Azoulay, tout à son art de témoin et de conteur, a retracé l’histoire de ce lieu de culte, rénové en 2017 et honoré en janvier 2020 par la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Si la visite royale s’inscrit dans une volonté affirmée de préserver et mettre en valeur l’héritage judéo-marocain de notre pays, elle constitue également un renouveau pour la ville, pour le Maroc voire l’humanité tout entière. André Azoulay aura le mot juste en affirmant, devant les conviés du Ftour Pluriels, que lorsqu’on parle « d’histoire et de Musée, cela signifie hier, mais c’est fini. On vous montre hier et on ne vous montre pas demain. Nous, l’histoire dont cette maison, cet espace veut témoigner, c’est pour une histoire qui s’écrit au futur ». C’est donc à une concomitance radicale que l’événement du Ftour Pluriels nous a conviés.