Les Etats-Unis se retirent de l’Unesco
Les Etats-Unis ont annoncé jeudi leur retrait de l’Unesco au 31 décembre 2018, arguant de motifs financiers mais aussi des supposés « préjugés anti-israéliens » de l’organisation de l’Onu.
La directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, les sciences et la culture, Irina Bokova, a précisé dans un communiqué que le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, lui avait notifié cette décision par lettre. Une initiative qu’elle dit regretter, dans une quasi-supplique aux autorités américaines, « au moment où la lutte contre l’extrémisme violent appelle à un renouveau des efforts pour l’éducation et le dialogue des cultures« . « C’est une perte pour l’Unesco. C’est une perte pour la famille des Nations Unies. C’est une perte pour le multilatéralisme« , souligne-t-elle.
Le retrait américain porte un rude coup à une institution déjà affaiblie par des difficultés financières et des luttes intestines, alors même qu’elle procède à l’élection de son prochain directeur général. Il est une nouvelle traduction de l’unilatéralisme revendiqué de Donald Trump (« America First« , « l’Amérique d’abord« ), qui n’a jamais caché son scepticisme quant aux engagements multilatéraux de Washington. Depuis son élection, les Etats-Unis se sont retirés de l’accord de Paris sur le climat de 2015, désengagés du « Partenariat Trans-Pacifique« , un traité de libre-échange visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique, et ont entrepris de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain qui les lie au Canada et au Mexique.
Les Etats-Unis, alliés d’Israël, avaient cessé leur contribution financière à l’Unesco en 2011 à la suite de l’admission de la Palestine. « Cette décision n’a pas été prise à la légère« , justifie le département d’Etat américain dans un communiqué. « UNE TRISTE NOUVELLE«
Elle « reflète les préoccupations américaines quant aux arriérés croissants de l’Unesco, à la nécessité d’une réforme fondamentale de l’organisation et à des préjugés anti-israéliens persistants« , dit-il. En vertu du règlement de l’Unesco, le retrait américain sera effectif le 31 décembre 2018. Les Etats-Unis resteront pleinement membres de l’organisation jusqu’à cette date puis auront un statut d’observateur pour faire valoir leurs vues, « leur expertise » sur, notamment, « la protection du patrimoine mondial, la défense de la liberté de la presse, la promotion de la collaboration scientifique et de l’éducation », précise le département d’Etat.
Irina Bokova a rappelé la collaboration de l’Unesco avec l’écrivain américain Samuel Pisar, décédé en 2015, l’un des plus jeunes survivants de la Shoah, « afin de partager l’histoire de l’Holocauste pour lutter contre l’antisémitisme ». Le porte-parole du Kremlin, Dimitry Peskov, a déploré « une triste nouvelle ». Pour Eleanora Mitrofanova, ancienne ambassadrice russe à l’Unesco, « ce n’est pas un problème, il sera plus facile pour l’Unesco de travailler sans eux » (les Etats-Unis-NDLR). « Ils n’ont été d’aucune utilité pour l’organisation ces dernières années ».
Les 58 membres du conseil exécutif de l’Unesco votent depuis lundi à bulletin secret afin de désigner à la majorité des voix leur futur dirigeant pour un mandat de quatre ans. Les trois premiers tours de scrutin n’ont pas suffi à départager les huit candidats. Mercredi, la Française Audrey Azoulay et le Qatari Hamad bin Abdulaziz Al-Kaouari ont obtenu chacun 18 voix devant l’Egyptienne Mouchira Khattab (13). La candidature de la France « prend, dans ces circonstances, une signification nouvelle », déclare le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué. « L’Unesco a plus que jamais besoin d’un projet dans lequel tous les Etats membres puissent se retrouver ».
Si aucun d’eux ne parvient à la majorité de 30 voix jeudi, lors du quatrième tour, seuls les deux candidats ayant alors le plus de votes resteront en piste pour le dernier tour vendredi. Les 195 Etats membres devront ensuite entériner ce vote.
(Sophie Louet, avec Yara Bayoumy à Washington, John Irish et Cyril Camu à Paris, Dmitry Solovyov à Moscou, édité par Yves Clarisse) Reuters