Émancipation des femmes au Maroc : Peut mieux faire !

Par Meriem Idrissi

Il y a dix ans de cela, la plupart des pays africains étaient engagés dans une progression constante pour combler l’écart entre les genres dans tous ses aspects, notamment la santé, l’éducation, la participation économique, ainsi que la représentation politique. Néanmoins, depuis 2016, une série de défis a entraîné une diminution de la participation économique des femmes en Afrique plus marquée que dans de nombreuses autres contrées internationales.

En effet, entre 2010 et 2016, l’Afrique a su réduire les inégalités entre les hommes et les femmes plus rapidement que n’importe quelle autre région du monde. En 2016, ce rythme rapide a ralenti en raison d’une crise des matières premières, suivie d’un ralentissement mondial et du début de la pandémie. La participation économique des femmes, mesurée par les taux de participation à la population active et les niveaux de salaire, a commencé à diminuer en Afrique subsaharienne. Ainsi, l’écart entre les genres sur l’ensemble du continent est rapidement devenu l’un des moins progressifs à l’échelle mondiale. C’est ce qui ressort du dernier rapport du cabinet international de conseil en stratégie, le Boston Consulting Group (BCG). Intitulée « Recadrer le discours sur les rôles des femmes dans les sociétés africaines », cette étude a été réalisée auprès de 6.000 hommes et femmes au Maroc, en Afrique du Sud, en Égypte, en Éthiopie, au Kenya et au Nigéria. Ces derniers représentent 60% du PIB en Afrique.

Pour ce qui est de la parité entre les genres, certains pays, tels que l’Afrique du Sud et le Kenya, figurent parmi les plus avancés de l’Afrique. Plus encore, ils surpassent la moyenne africaine en ce qui concerne le taux de jeunes filles bénéficiant d’une éducation primaire et secondaire, ouvrant ainsi la voie à l’acquisition des compétences essentielles pour intégrer le monde professionnel. En effet, en 2021, les femmes représentent 49% de la population active totale du Kenya. De plus, en Afrique du Sud, 44% des personnes employées dans le secteur formel sont des femmes.

Quid de l’Afrique du Nord ?

Selon ladite enquête, les vingt dernières années ont beaucoup profité au Maroc et à l’Égypte qui ont su améliorer de façon considérable l’accès des filles à l’éducation primaire et secondaire. D’ailleurs, les deux pays se hissent aujourd’hui parmi les meilleurs en termes de niveau d’éducation sur le continent. Toutefois, le BCG rapporte que les femmes demeurent largement exclues du marché du travail. Au Maroc, à titre d’exemple, le taux d’emploi des femmes n’était que de 21% en 2022, le plaçant parmi les 20 pays les moins performants à l’échelle mondiale.
L’obstacle majeur serait, selon la même source, les perceptions sociales, selon lesquelles les femmes doivent rester à la maison. Il s’agit en effet d’une vision partagée à la fois par les hommes et les femmes.

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Dans les détails, environ la moitié des personnes interrogées au Maroc et en Égypte ont déclaré que les femmes ne devraient pas travailler si le mari ou le père gagne suffisamment d’argent pour couvrir les besoins du foyer. En revanche, en moyenne, seulement 12% des femmes et 15% des hommes en Afrique subsaharienne partagent cette opinion. Près de 90% des hommes interrogés en Afrique du Nord ont déclaré que les femmes devraient aller à l’école pour être éduquées et respectées, plutôt que dans le but de devenir financièrement indépendantes. « Pour moi, le meilleur rôle qu’une femme peut avoir c’est d’être une mère », déclare une participante marocaine à l’enquête.

L’enjeu est aujourd’hui de taille et le BCG estime que pour permettre aux femmes de parvenir à une autonomisation économique, le discours doit dépasser l’accent mis sur la maternité. Les femmes doivent être valorisées en tant qu’individus éduqués qui contribuent économiquement au foyer et au pays dans son ensemble. Bien qu’il s’agisse, selon la même source, d’un changement radical dans le discours, c’est pourtant essentiel pour combler l’écart entre les genres et ouvrir la voie à la prospérité.

Défis

Si les défis auxquels les femmes sont confrontées varient selon les différentes parties de l’Afrique, la violence domestique et le manque de sécurité dans les lieux publics existent partout, affectant les femmes de tous âges, revenus et niveaux d’éducation.

En Afrique subsaharienne, c’est la violence domestique qui entrave l’émancipation des femmes. L’Afrique du Sud se positionne en tête du classement avec 84% des femmes affirmant que c’est le principal obstacle auquel elles sont confrontées, suivie par l’Éthiopie (70%), le Kenya (64%) et le Nigéria (61%).

En Afrique du Nord, la sécurité dans les espaces publics constitue le plus grand défi. En effet, 36% des femmes au Maroc et 33% en Égypte affirment que la sécurité publique fait partie des trois principaux défis auxquels elles sont confrontées.

Face à cette situation précaire, la réduction de l’écart entre les genres ne sera possible que si les normes sociales et le discours sur le rôle des femmes dans la société évoluent. Ainsi, le BCG appelle les pays africains à veiller à ce que des mesures légales, sociales et éducatives soient mises en place pour aborder cette question fondamentale.

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