La vérité sur le lynchage et le meurtre de Boumia
Quand la tragique nouvelle sur le lynchage de deux hommes, accusés de vol, au souk de bétail de Boumia, est tombée, l’opinion publique s’est enflammée autour d’une vidéo qui a été diffusée en illustration à l’article consacré à ce meurtre collectif. En fait, un tout premier sentiment a surgi : la vidéo en question ne correspondait pas à proprement parler à la scène. Elle nous a rappelé une autre scène similaire diffusée dans le passé. Jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas d’images décrivant, en détails, le meurtre de Boumia à l’exception d’une vidéo floue, imperceptible et sans son qui a été rendue publique ce vendredi 17 juillet. Il convient de signaler que des scènes de vol sont fréquentes tout au long de l’année dans ce souk célèbre pour la vente de bétail, les gens y viennent de toute la région du Moyen Atlas, de Khénifra, de Beni Mellal, de Tounfit, etc… et parmi eux les spécialistes du larcin qui faussent la vigilance des commerçants…
Boumia, est un petit patelin de la province de Midelt , et le drame ne s’est pas produit à Midelt comme ont cru l’annoncer plusieurs sites . « Les habitants de ce petit carré de la terre n’ont d’autres ressources que l’agriculture et le petit élevage de bétail. Et comme s’y tient, chaque jeudi, le plus grand souk de la région, ce dernier attise la convoitise des voleurs des alentours. Nous sommes habitués à ce que des malfaiteurs, venus d’ailleurs, soient battus et remis entre les mains des gendarmes » nous a déclaré Z.H, une originaire de Boumia. Les autorités de la province ont lancé une enquête aussitôt pour arrêter les responsables de ce meurtre, ainsi que leurs complices et promettent de sévir au nom de la loi.
La rue est-elle en train d’opérer une mainmise sur le Maroc ?
Impossible de nier l’évidence : un vent de folie a soufflé sur le monde et le Maroc n’en est pas épargné. De mémoire de Marocain, le mois du Ramadan n’a été aussi houleux sur le plan sociétal. C’est dire que des gènes tribaux qui sommeillaient se sont révélés à certains s’improvisant purificateurs du monde. La barbarie, devenue virale, a envahi les espaces jusqu’à atteindre plusieurs villes et même la campagne du Royaume. D’insultes et de harcèlement, on passe désormais aux attaques verbales vénéneuses qui ne tardent pas à devenir lynchage sanguinaire et se transforment carrément et impunément en … crime d’une cruauté rare.
Boumia, cette commune rurale n’a pas dérogé à la règle et fait parler d’elle, avec indignation depuis hier. Mieux encore, certains de ses habitants se croient au royaume de Babylone et ne sont toujours pas sortis du Code de Hammourabi. Sauf que là, « œil pour œil et dent pour dent » ne suffit plus ! « Deux voleurs sont pris la main dans le sac, dans un souk, autant « nettoyer » la terre de ces parasites qui portent préjudice à l’humanité par leurs délits! » Toute la rue s’ameute et jette sa foudre sur les malheureux criminels. Or, et c’est le cas de le dire, le crime est à des degrés divers et les châtiments doivent être conséquents. Si Jean Valjean, pressé par la disette et volant un pain à Isabeau, est condamné à cinq ans de bagne, les voleurs de Boumia, eux, ont payé cher : l’un a payé de sa vie et l’autre est dans un état critique, à l’hôpital de Midelt.
Qu’en est-il alors de cette foule vandale et barbare qui les a rués de coups, à mort ?
Qu’est-ce qui a fait qu’on en arrive là ? Notre quotidien sue, suinte même l’aberration. Si la rue se substitue à l’Etat et aux autorités, si ces dernières sont prises au dépourvu et s’en trouvent dépassées, c’est qu’il y a une vraie menace dans l’air. La loi du Talion est-elle en train de renaître de ses cendres pour légitimer la vendetta qui nous projette chez les Balkans ou dans les maquis corses ?
Après Inezgane, Fès, Tanger, Safi, Boumia signe le coup de disgrâce avec un crime odieux commis par toute une population assassine à l’égard d’une ou deux personnes désarmées. Ce petit patelin dédie sa nouvelle version de « Crimes et Châtiments » où on glorifie le Salut de la souffrance mais … celle de l’autre.
Dans ce chaos, on est bien en droit de se demander si ce ne sont pas là les préliminaires affichées d’un islamisme à tendance extrémiste qui est en train de répandre, insensiblement ses tentacules, sous la passivité criarde d’un Etat conciliant, à la limite insouciant et qui préfère ignorer ces faits qu’il qualifie de cas isolés ? L’heure est grave et nous nous leurrons à continuer à affirmer que le danger pointe du nez ! On y est, en plein dedans. Se prenant pour des « surhommes », cette catégorie de personnes mutées en un Apollon, dieu de la purification, s’estiment et se croient être les garants des bonnes législations en se donnant le droit de semer la terreur jusqu’à faire couler le sang pour « nettoyer » –prétendent-ils- le monde de mécréants et de fauteurs pour des considérations théoriques et idéologiques qu’ils inventent. « Nous acceptons d’être criminels pour que la terre se couvre enfin d’innocents », écrira Albert Camus
Ce qui arrive dans notre pays est scandaleux ! La sécurité est un droit fondamental et l’Etat de droit commence à perdre de son vrai sens. Si les autorités ne reprennent pas les choses en main, si l’impunité continue à régner, c’est l’anarchie et la pagaille qui nous engloutiront. Nous ne voulons pas de cette loi farouche, inexorable, la loi du plus fort. La loi doit avoir « autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi » comme dirait Pausanias.