Feux de forêt au Canada, une urgence climatique qui dépasse les frontières
Par Bouchra AZOUR
Air pollué, des difficultés à respirer, une visibilité quasi-nulle et des particules de fumée qui ont rendu le ciel orange. Tel était le quotidien des New-Yorkais il y a quelques semaines, après qu’un immense nuage de fumée en provenance du Canada ait recouvert la ville, à la suite des feux de forêt qui font rage au voisin du nord. Une situation qui ne s’améliorera pas de sitôt avec la poursuite des incendies.
L’impact des feux de forêt au Canada a atteint de nombreuses villes de la côte est américaine, qui ont émis des avertissements sur la mauvaise qualité de l’air. Et à cause des vents, le nuage de fumée s’est déplacé à travers l’océan Atlantique, affectant la qualité de l’air dans de nombreuses villes européennes.
Cette situation d’urgence climatique transfrontalière vient réaffirmer le besoin de coordonner les efforts dans l’objectif de faire face aux répercussions de ces incendies sur la santé des citoyens, l’économie et l’environnement.
À de nombreuses reprises, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a souligné la nécessité de lutter contre le changement climatique, qui augmente le risque d’incendies. À son tour, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a souligné que les feux de forêt qui font rage dans son pays sont le résultat du changement climatique.
« Nous voyons de plus en plus de ces feux à cause du changement climatique« , a tweeté Trudeau, notant que ces incendies affectent la vie quotidienne et la qualité de l’air.
Selon le Centre inter-agences des feux de forêt du Canada, 490 feux de forêt sont toujours actifs au pays, dont plusieurs sont hors de contrôle, ce qui a exacerbé les inquiétudes sanitaires.
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La saison des feux de forêt au Canada s’étend de mai à octobre, avec un pic en juillet. Bien que le déclenchement d’incendies soit courant dans les provinces de l’ouest de ce vaste pays, cette année, les incendies se sont propagés très rapidement dans l’est, et plus tôt que d’habitude, ce qui en fait l’un des pires débuts de la saison des incendies.
À l’exception de seulement deux provinces : le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard – et d’un territoire : le Nunavut, presque toutes les 10 provinces et les trois territoires du Canada ont connu des incendies qui ont jusqu’à présent brûlé plus de huit millions d’hectares, soit 17 fois la moyenne lors des 20 dernières années.
Les incendies ont également forcé plus de 100.000 personnes à évacuer leurs maisons.
Le 26 juin, le programme européen de surveillance intégrée de l’environnement Copernicus a indiqué que les feux de forêt qui font rage au Canada ont émis la quantité record de 160 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère cette année.
Selon la même source, les émissions de carbone de ces feux de forêt depuis le début de l’année sont les plus élevées au Canada depuis le début de la surveillance par satellite en 2003, dépassant les 140 millions de tonnes accumulées en 2014.
L’impact de ces incendies, qui s’est étendu aux États-Unis, a grandement contribué à la détérioration de la qualité de l’air il y a quelques semaines, avec un épais nuage qui a réduit la visibilité et affecté le quotidien de millions de personnes.
Plus de 100 millions d’Américains étaient concernés par des avertissements sur la qualité de l’air, selon l’Agence américaine de protection de l’environnement.
Cette situation risque de perdurer, et donc d’affecter les déplacements des Américains durant l’été, avec des avertissements continus sur la qualité de l’air dans de nombreuses villes.
Régulièrement, les autorités locales de nombreuses villes américaines émettent des avertissements sur la qualité de l’air, tout en conseillant aux populations locales de ne pas rester trop longtemps à l’extérieur, d’éviter les exercices physiques en plein air et de garder les fenêtres fermées, avec un risque accru pour les personnes souffrant de maladies cardiaques ou pulmonaires, les enfants et les personnes de plus de 65 ans.
En vue de faire face à ce défi climatique, le Canada a reçu un important soutien logistique et humain international de la part des États-Unis et d’autres pays pour maîtriser les incendies.
Des centaines de pompiers venus des Etats-Unis et d’autres pays ont été mobilisés pour venir à bout des flammes.
Le Canada a également reçu un important soutien logistique des États-Unis, dont des données en temps réel fournies par des drones et des informations précises sur les incendies avant qu’ils ne deviennent incontrôlables
Cela a été rendu possible grâce au programme intelligent de détection précoce des feux de forêt « FireGuard », qui s’appuie sur un système de haute technologie développé par le département américain de la Défense.
L’impact des incendies au Canada ne s’est pas limité à l’aspect sanitaire, mais a également affecté la production d’énergie solaire aux États-Unis, car des nuages de fumée ont provoqué une baisse de la production de cette énergie de plus de 50% dans certaines parties de l’Est des États-Unis.
De nombreuses études montrent que les changements climatiques causés par les activités humaines sont la principale raison de l’augmentation du risque des feux de forêt.
Ce phénomène n’est pas limité à une zone géographique spécifique. En 2019 et 2020, l’Australie, de l’autre côté du globe, a été le théâtre d’une catastrophe climatique massive causée par des feux de forêt.
Ces incendies dévastateurs ont même amorcé un profond changement politique en Australie, matérialisé par l’élection en 2022 d’un parlement qui prône des politiques vertes.
Bien que la fumée des incendies qui font rage se soit quelque peu estompée au Canada, la pollution de l’air reste bien au-dessus des niveaux habituels dans une grande partie du sud et du nord de l’Ontario et dans de nombreuses villes de l’ouest de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ainsi que dans plusieurs parties du territoire américain.
Dans une déclaration au site d’information américain « Axios« , Mike Flannigan, un spécialiste des feux de forêt à l’Université Thompson Rivers, souligne que cette année marque la pire saison des incendies au Canada depuis le début de la tenue des registres en 1959.
« Si vous viviez dans le centre-ville de New York, Toronto ou Washington, votre maison ne brûlerait pas dans un incendie de forêt. Mais la fumée des incendies à des milliers de kilomètres risque grandement d’affecter votre vie« , souligne Flannigan.
Ces incendies s’apparentent à un nouveau test de la capacité de l’homme à faire face à la colère de la nature.
Avec MAP