France: »Bien mal acquis », trois ans avec sursis pour Teodorin Obiang

Trois ans de prison avec sursis et confiscation de biens pour s’être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable : la justice française a rendu vendredi un premier jugement très attendu dans l’affaire des « biens mal acquis« , à l’encontre du vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang.

La 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris a condamné Teodorin Obiang à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende avec sursis, une peine inférieure à celle requise par le parquet national financier qui avait demandé trois ans de prison ferme et une amende ferme de 30 millions d’euros. Le tribunal a également ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis, dont un somptueux hôtel particulier avenue Foch à Paris, comme requis par le parquet. Teodorin Obiang, qui ne s’était pas présenté lors de son procès, a été reconnu coupable de blanchiment d’abus de biens sociaux, blanchiment de détournement de fonds publics, blanchiment d’abus de confiance et blanchiment de corruption.

Le tribunal a rappelé qu’il était compétent pour juger Teodorin Obiang car il se prononçait uniquement sur « l’infraction de blanchiment commise en France » par le dignitaire pour son usage « personnel« , et non « des faits commis en Guinée équatoriale » par Teodorin Obiang « dans l’exercice de ses fonctions ». Le vice-président, âgé de 48 ans, n’a eu de cesse, comme le pouvoir équato-guinéen, de contester la tenue de ce procès en France et la légitimité de la justice française. Le procès du fils du président Teodoro Obiang Nguema, ancien ministre de l’Agriculture et des forêts promu vice-président par son père, s’était déroulé du 19 juin au 6 juillet.

L’enquête, ouverte après des plaintes des associations Sherpa et Transparency International, avait mis au jour le patrimoine considérable de Teodorin Obiang. Objets d’art, voitures de luxe et de sport, et cet hôtel particulier de l’avenue Foch: 101 pièces, hammam et discothèque, marbre et robinets recouverts d’or… A Paris, Teodorin Obiang, célibataire au look savamment étudié, dépense des mallettes entières de liquide chez les couturiers de l’avenue Montaigne. Un train de vie très éloigné du quotidien de son pays du golfe de Guinée, dont plus de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Au terme de l’instruction, les juges avaient estimé que son patrimoine ne pouvait avoir été financé par ses seuls revenus officiels mais était issu « des détournements de fonds publics« , de la corruption.

La défense de Teodorin Obiang avait dénoncé une « ingérence dans les affaires d’un État souverain » et estimait que la justice française s’arrogeait dans ce dossier « une compétence universelle ». Malabo ferraillait en outre autour de l’hôtel particulier de l’avenue Foch en le présentant comme des locaux diplomatiques, inviolables. La confiscation décidée vendredi devra cependant attendre l’issue d’une procédure en cours devant la Cour internationale de justice. Saisie par Malabo, qui conteste les poursuites françaises contre Teodorin Obiang, la CIJ a rendu en décembre dernier une ordonnance selon laquelle la France doit assurer, jusqu’à l’issue de cette procédure à la Haye (Pays-Bas), l’inviolabilité de l’immeuble.

Teodorin Obiang est le premier dignitaire à être jugé dans le cadre des procédures dites de « biens mal acquis » lancées en 2010 en France. La justice française, qui cherche à savoir si les fortunes des familles de plusieurs dirigeants africains ont pu être bâties en France grâce à des fonds publics détournés de leurs pays, enquête également sur les patrimoines bâtis par les proches de Denis Sassou Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon) ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé. La justice suisse s’intéresse également de près à Teodorin Obiang. Onze véhicules de luxe lui appartenant ont été saisis à Genève en novembre.

AFP

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