Peut-on raisonnablement transposer un modèle entrepreneurial à un pays ?
Considérons un modèle de bonne gouvernance et de gestion optimale d’une entreprise multinationale.
Généralement, un Conseil d’Administration ou un Directoire sont nommés par les actionnaires afin de veiller à la bonne marche des activités de l’entreprise et pour évaluer la pertinence de ses orientations stratégiques. Un Conseil de Surveillance est adjoint au Directoire, et cet organe non exécutif a, principalement, pour fonction de se pencher sur les activités des structures précédemment citées pour mieux en rendre compte aux actionnaires. A ces fonctions s’ajoute un Comité d’Audit, émanation du Conseil d’Administration, en charge, principalement, du contrôle des informations financières et comptables, mais aussi de la déclinaison et du suivi d’un plan d’audit interne.
L’organisation d’une société n’étant pas parfaitement transposable à celle d’un pays, notamment parce que les visées (purement lucratives dans un cas, davantage inclusives dans l’autre) ne concordent pas tout à fait, il est toutefois possible d’y trouver certaines analogies.
Ainsi, le peuple (les actionnaires) élit des parlementaires (Conseil de Surveillance) chargés, entre autres prérogatives, de contrôler les réalisations du Gouvernement et des différents offices, directions et sociétés étatiques (Conseil d’Administration). La Cour des Comptes (Comité d’Audit) intervient par la suite, pour contrôler la régularité des comptes publics de l’Etat, entre diverses prérogatives prévues par notre Constitution. Et c’est dans une configuration tout à fait similaire que le dernier rapport énoncé par M. Driss Jettou devant Sa Majesté, mettant en exergue un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion du projet « Manarat El Moutawassit » prend tout son sens.
Si nous ne pouvons qu’applaudir et nous féliciter, sincèrement, que des anomalies de gestion soient ainsi mises en évidence et affichées au grand jour, nous ne pouvons toutefois nous empêcher de soulever une certaine réserve.
De fait, et pour filer encore davantage la métaphore du Comité d’Audit, dont l’une des principales prérogatives demeure le suivi des missions d’audit interne, il convient de signaler que ces dernières se subdivisent généralement comme suit : 80% de ces missions sont planifiées et prévues anticipativement en début d’exercice, tandis qu’une enveloppe budgétaire de l’ordre de 10 à 15% demeure dévolue à des projets spécifiques, urgents, imprévus.
C’est ainsi qu’au cours des dernières années, la Cour des Comptes a souvent émis des rapports, parfois quasi-pamphlétaires contre des structures étatiques, telles la SMIT (Société Marocaine d’Ingénierie Touristique), le Ministère de la Santé, la Caisse de Compensation ou encore le système des retraites. Malheureusement, l’exploitation des conclusions de ces missions ‘récurrentes’ n’a pas toujours été à la hauteur de celle dévolue aux missions ‘ponctuelles’, urgentes. Certes, il était question en l’espèce d’un sujet d’une actualité brûlante, aux ramifications excédant nettement le champ économique, mais que le Gouvernement ne produise pas des mesures concrètes, en réaction aux différents rapports de la Cour des Comptes (surtout les plus explicites d’entre eux), peut conduire à une certaine forme de frustration, voire d’incompréhension.