Immigration : Le Royaume-Uni s’éloigne des normes internationales
Le Royaume-Uni bascule vers l’extrême droite, avec le gouvernement cherchant à se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) afin d’imposer une politique migratoire plus stricte. Dans ce contexte, le ministre britannique de l’Immigration, Robert Jenrick, a démissionné après la publication d’une nouvelle législation sur le transfert des demandeurs d’asile vers le Rwanda, estimant que cette loi proposée n’allait pas assez loin.
Depuis son annonce en avril 2022, ce projet controversé du gouvernement visant à envoyer certains demandeurs d’asile vers le Rwanda a été confronté à de nombreuses contestations judiciaires. Malgré la déclaration de la Cour suprême du Royaume-Uni en novembre précisant que le projet était illégal, les efforts pour le mettre en œuvre ont persisté.
La démission de Jenrick, travaillant au ministère de l’Intérieur, est un nouvel obstacle pour ce projet. Il affirme que le projet de loi ne garantit pas suffisamment le succès de cette politique et que les enjeux sont trop importants pour le pays afin d’éviter les contestations judiciaires qui pourraient paralyser le système et annuler son effet dissuasif.
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Jenrick avait précédemment promis publiquement de faire « tout ce qui est nécessaire » pour réprimer l’immigration illégale vers le Royaume-Uni, même si cela impliquait de se retirer de la CEDH.
Un groupe de législateurs radicaux au sein du Parti conservateur, dont Suella Braverman, ancienne ministre de l’Intérieur, fait pression pour que le Royaume-Uni quitte le traité sur les droits de l’homme, arguant que cela entrave la politique rwandaise.
La législation récemment dévoilée ne retire pas formellement le Royaume-Uni du traité, mais contient une mise en garde essentielle. Le ministre britannique de l’Intérieur, James Cleverley, déclare dans le projet de loi lui-même qu’il ne peut garantir que la législation est compatible avec les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme.
De plus, le projet de loi supprime l’application de certains articles de la loi britannique sur les droits de l’homme, qui intégraient les droits de la CEDH dans le droit national britannique. Une autre clause précise que le projet de loi est souverain et que sa validité n’est pas affectée par les principaux instruments du droit international, y compris la CEDH et la Convention relative aux réfugiés.
Ce projet de loi a été vivement critiqué par le parti travailliste d’opposition en Grande-Bretagne, qui souligne qu’il s’agit du troisième projet de loi présenté par le gouvernement. Yvette Cooper, secrétaire d’État fantôme à l’Intérieur, affirme que le gouvernement est dans un « chaos total » et qu’il devrait plutôt se concentrer sur la lutte contre les gangs criminels qui facilitent l’entrée clandestine de personnes au Royaume-Uni.
Des experts juridiques, tels que Mark Elliot, professeur de droit public à l’Université de Cambridge, ont également critiqué ce projet de loi. Elliot le qualifie d’«hypocrite » dans un article de blog, affirmant qu’il suppose que le Rwanda respecte ses obligations envers les demandeurs d’asile en vertu du droit international, tout en autorisant le Royaume-Uni à « violer ses propres obligations » aux termes du droit international.
Le gouvernement rwandais a également lancé un avertissement au gouvernement britannique, menaçant de se retirer de l’accord si le Royaume-Uni ne respecte pas le droit international, selon les médias britanniques.
La prochaine étape de ce projet de loi sera le débat des législateurs britanniques sur ses mérites lors de la deuxième lecture au Parlement.