« Dérégulation » de l’économie en Argentine : la résistance s’organise
Les opposants les plus farouches aux mesures décrétées par le nouveau président argentin Javier Milei, pour « déréguler » l’économie, ont commencé à s’organiser sur les plans politique et judiciaire pour faire tomber les projets du gouvernement.
Un recours en annulation du « méga-décret » de Milei a été introduit auprès de la justice, moins de deux jours après sa publication dans le bulletin officiel.
C’est un ancien directeur de la banque publique « Nacion » et député Claudio Lozano, qui a introduit le recours, demandant à la justice de suspendre la mise en œuvre des 300 mesures drastiques contenues dans le décret présidentiel. Les initiateurs de ce recours qui appuient Lozano estiment que le décret est « inconstitutionnel » dans le sens qu’il porte atteinte à la séparation des pouvoirs.
La justice argentine a jugé recevable le recours en annulation, ouvrant la voie à une bataille rangée sur le front judiciaire entre le gouvernement et ses détracteurs, qui estiment que le document de 300 pages constitue « un détournement de pouvoir et un abus de droit public, pour avoir violé le principe républicain, la division des pouvoirs, la démocratie et le droit collectif des citoyens argentins de participer à la gestion des affaires publiques directement ou par l’intermédiaire de leurs représentants ».
Après la décision de recevabilité, une avalanche de recours similaires a été introduite pour demander à la justice administrative de suspendre l’application du décret présidentiel.
Dans la rue, une dizaine de syndicats ont organisé, le jour même de l’annonce des nouvelles mesures, une marche de protestation vers le palais présidentiel, accompagnée d’un concert de casseroles à travers la ville de Buenos Aires en guise de rejet.
Les manifestants ont exigé le retrait des mesures économiques qui affectent le pouvoir d’achat des travailleurs.
Devant le silence du gouvernement, les syndicats menacent d’observer une grève générale à partir de la semaine prochaine pour amener l’exécutif à revenir sur ses décisions relatives aux coupes sévères dans le budget, à l’arrêt des recrutements dans la fonction publique et à la fin des projets d’infrastructure, entre autres.
Du côté de l’opposition parlementaire, un premier conclave a réuni vendredi autour de l’adversaire malheureux de Javier Milei au deuxième tour de l’élection présidentiel, Sergio Massa, les principaux leaders de l’ancienne majorité pour définir « la stratégie » à suivre afin de freiner les initiatives du nouveau président.
Des députés, des maires et des leaders syndicaux issus de l’ancienne majorité du centre-gauche se sont associés à cette démarche pour contrecarrer les projets du gouvernement au Congrès et dans les régions.
Axel Kicillof, hôte de la réunion et gouverneur de la province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays, a déploré que les mesures annoncées se traduiront par la perte de milliers d’emplois dans les projets d’infrastructure arrêtés par le gouvernement.
Maximo Kirchner, député de l’opposition et fils de l’ancienne présidente Cristina Kirchner, a estimé que le décret « anticonstitutionnel » du président Milei « vise à déréguler non pas l’économie, mais toute la vie de notre peuple, et il est soutenu en cela par les grandes entreprises et le marché ».
Malgré cette opposition qui s’organise contre le décret inédit du président, le gouvernement s’est montré ferme et compte aller de l’avant. Il a convoqué une session extraordinaire du Congrès la semaine prochaine pour avoir l’aval des législateurs avant la mise en œuvre des mesures annoncées, dès le 29 décembre courant.
Avec MAP