Post Mortem : Réda Dalil, un « Prince du journalisme »…

Par Hassan Alaoui

Nous le savions certes souffrant, et aussi avec quel courage et force, il luttait contre la maudite maladie, nous le savions tenace à l’adversité, tenant bon, luttant contre lui-même, mais nous n’imaginions nullement qu’il allait nous quitter aussitôt et si vite. Réda Dalil est décédé ! Ainsi d’une phrase lapidaire, comme un soliloque chacun de nous s’est subitement fait à cette réalité brutale, tombée sur nos têtes comme un infaillible couperet, violent et choquant…

Où sont désormais cette allure à l’élégance inouïe, le port vestimentaire distingué, la stylistique recherchée qui transpire dans les beaux textes qu’il n’a eu de cesse de nous livrer, à tous moments et en toutes circonstances, prenant avec délicatesse parti sans vraiment le prendre, ouvrant pour nous des sentiers inédits d’un journalisme que sa plume, à peine acérée parfois, mais vive et séduisante nous offrait.

Où est cette nature douce d’un homme que j’ai connu et suivi et dont la voix – même coléreuse – ne franchissait jamais la moitié du mètre alentour, si pudique, si discret et jamais arrogant pour un sou, voluptueux propos dont la constance est une conviction chevillée au corps chez lui, que la vérité n’est jamais unilatérale et le monde est fait de nuances. Notamment dans ce domaine si périlleux qui est le nôtre, celui de la presse.

Où est encore et que nous resterait-il de ce personnage balzacien si brillant qui incarnait la vertu de notre métier et à l’inverse, l’opposé d’un journalisme couché. Ne cédant qu’à ses convictions chevillées au corps et à sa propre conscience jetée sur les pavés de l’impossible et inaccessible vérité. A la fois éclaireur et acteur, dans la mêlée certes, mais sur les hauteurs d’un théâtre avec parfois un ostentatoire esprit critique, tout en douce vigilance. Réda – je le lui ai dit d’ailleurs – me rappelle Albert Londres, ce monument du journalisme qui avait inventé cette formule si célèbre que nous placions volontiers sur les fonts baptismaux de notre exercice quotidien : « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie en mettant dans la balance son crédit, son honneur, sa vie » ! Comme l’apophtegme final, cette phrase ne laissera jamais de nous surprendre, de nous réveiller et Réda Dalil l’a faite sienne en vérité. Le directeur de publication de « Tel Quel » en a probablement usé, mais jamais avec le penchant abusé du destructeur ou du contempteur en quête de nombrilisme. Il était par trop consciencieux des enjeux, quand bien même la tentation de l’audace voire de la provocation le chatouillait un tant soit peu.

Les jeunes journalistes tentés par l’expérience de ce « fichu » métier en prendraient de la graine et d’abord la discipline quotidienne, l’implacable rigueur, la redoutable déontologie qui , comme l’épée de Damoclès, nous pend au nez, pour nous rappeler que le journalisme qui est la vie – comme disait un certain Jacques Fauvet – c’est le respect des autres, l’impératif de penser contre soi, l’irrépressible règle de l’humilité et l’objectivité n’existe pas, mais seulement un effort vers l’honnêteté .

La présence de Réda Dalil à « Tel Quel » aura été néanmoins marquante, tant et si bien que cette revue en restera quelque peu orpheline, mais son ombre y demeurera comme un phare, une sorte de sémaphore.

L’équipe de « Maroc diplomatique » présente ses condoléances attristées à Si Abdelkader Dalil, son père ainsi qu’à toute la famille.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page