Catalogne: la présidente indépendantiste du parlement devant la justice
La présidente du Parlement de Catalogne, l’indépendantiste Carme Forcadell, est arrivée jeudi matin à la Cour suprême de Madrid où un juge décidera si elle doit être incarcérée dans une enquête pour « rébellion« , alors que plusieurs membres du noyau dur séparatiste sont déjà derrière les barreaux. Au lendemain d’une grève en Catalogne pour dénoncer l’incarcération de dirigeants séparatistes, Carme Forcadell et cinq autres élus doivent être entendus par le juge de la Cour suprême de Madrid, Pablo Llarena, à partir de 9h30 (08h30 GMT). La présidente du Parlement catalan est arrivée vers 9h00, accueillie par les cris de manifestants pour et contre l’indépendance.
« Vous n’êtes pas seuls!« , criaient les uns, « Puigdemont (président indépendantiste destitué) en prison« , hurlaient les autres. La Cour est compétente s’agissant de parlementaires et elle a déclaré recevable la demande d’enquête du parquet sur de possibles faits de rébellion ou sédition, voire de malversations de fonds, délits commis en vue de déclarer l’indépendance. Mme Forcadell et les cinq autres parlementaires, sont soupçonnés d’avoir suivi « une stratégie concertée en vue de déclarer l’indépendance« .
Cette stratégie a démarré selon le parquet bien avant la déclaration officielle d’indépendance du Parlement catalan le 27 octobre, déclaration annulée mercredi par la Cour constitutionnelle, dans la plus grave crise qu’ait connue l’Espagne en 40 ans de démocratie. Le magistrat Pablo Llarena, en poste en Catalogne pendant plus de 20 ans et fin connaisseur des affaires catalanes, pourrait décider de les placer en détention provisoire, comme une grande partie des dirigeants indépendantistes catalans qui ont organisé le 1er octobre ce référendum d’autodétermination interdit par la justice.
Le président de la région destitué par Madrid, Carles Puigdemont, poursuivi par la justice espagnole pour rébellion et sédition, a lui quitté le pays depuis une dizaine de jours pour la Belgique où la justice examine un mandat d’arrêt européen à la demande de l’Espagne. Quatre membres de son gouvernement destitué l’ont accompagné dans son exil belge. Les indépendantistes estiment avoir remporté le referendum du 1er octobre, interdit par Madrid, avec 90% des voix et un taux de participation de 43%. Ces chiffres, invérifiables, justifient selon eux la déclaration d’indépendance qui a suivi.
Carme Forcadell et les cinq autres élus avaient obtenu le 2 novembre une semaine supplémentaire pour préparer leur défense. C’est Carme Forcadell qui avait compté, un à un, les bulletins des élus qui avaient voté pour la sécession, 70 sur 135, un fait sans précédent en Espagne. Le délit de rébellion est passible en Espagne de 15 à 30 ans de prison, et celui de sédition d’un maximum de 15 ans. Cette judiciarisation de la crise catalane a entraîné de nombreuses manifestations des indépendantistes catalans, qui estiment que leurs chefs de file sont désormais des « prisonniers politiques », au moment où ils doivent préparer les élections régionales convoquées par le gouvernement central pour le 21 décembre.
Mercredi, des dizaines de milliers de passagers et des centaines de camions, en particulier en partance vers la France, ont été bloqués en Catalogne par des indépendantistes protestant contre ces incarcérations aux cris de « Liberté! Liberté!« . Au total, 150.000 passagers, dont 10.000 de trains à grande vitesse, en particulier entre la France et l’Espagne, ont été affectés par des annulations ou retards. Mais à la différence de la grève générale du 3 octobre, la majorité des commerces et entreprises de Barcelone et sa région ont fonctionné normalement.
Les deux principaux syndicats espagnols, CCOO et UGT, n’avaient cette fois pas appelé à la grève. Le ministère de l’Intérieur a qualifié la participation de « minimale« , sauf dans l’enseignement où elle était suivie par environ 30% des enseignants. En Belgique, le sort de Carles Puigdemont a aussi suscité des débats et l’embarras du gouvernement de Charles Michel, qui compte des nationalistes flamands sensibles aux arguments des indépendantistes catalans. « Il y a une crise politique en Espagne et pas en Belgique« , a répondu le Premier ministre aux députés.
Il a cependant réaffirmé que le gouvernement espagnol était son seul interlocuteur. Lors des dernières élections régionales en 2015, les partis indépendantistes avaient obtenu 47,8% des suffrages et 72 sièges sur 135 au Parlement régional. Les sondages prédisent pour l’instant un résultat très serré pour le scrutin de décembre.
afp