Santé : un glissement vers la privatisation
Boosté par de nouveaux fonds d’investissement et renforcé par la généralisation de la couverture sociale, le marché sanitaire, en grande partie détenu par les cliniques privées, est en pleine expansion. Ces dernières, qui ne cessent de se développer, représentent désormais plus du tiers des lits d’hospitalisation du pays.
Depuis quelques années, le marché de la sous-traitance connaît une expansion significative. Malgré un bilan plutôt mitigé qui a marqué les premières années de la privatisation des fonctions de sécurité, de restauration et de nettoyage, le ministère de la Santé a continué à privatiser d’autres fonctions au sein des hôpitaux publics, telles que le brancardage et le traitement des déchets médicaux.
En effet, la loi 13-131 relative à l’exercice de la médecine a ouvert la voie à la libéralisation des capitaux des cliniques. Loin d’être un simple projet de privatisation, cela a été une opération de financiarisation du système de santé, une réforme qui a ouvert la voie aux fonds d’investissement détenus par les assureurs, les laboratoires pharmaceutiques ou des multinationales de la santé.
Le royaume consacre 6 % de son PIB aux dépenses de santé, dont 25 % sont financées par les recettes fiscales. Plus de 59,9 % des coûts liés à la santé sont à la charge des ménages. D’ici 2035, l’État souhaite réduire cette part, qui pèse lourd dans le budget des Marocains, à 30 %.
Il suffit de voir la multiplication du nombre de cliniques privées, passées de moins de 100 en 1990 à plus de 400 actuellement, représentant près de 90 % des structures de soins primaires du pays. Au total, près de 15 000 lits, soit plus du tiers de la capacité d’accueil nationale en hospitalisation, se trouvent majoritairement dans des établissements à but lucratif.
De même, 90 % des moyens financiers mobilisés par l’AMO sont alloués au secteur privé. Les Marocains préfèrent s’endetter, voire s’appauvrir, pour accéder aux soins privés plutôt que de se faire soigner dans le secteur public.
Les déserts médicaux, les pénuries de personnel médical et paramédical, le manque d’infrastructures, la mauvaise gouvernance et les problèmes de financement sont des carences fréquentes de l’hôpital public marocain, tout comme les chantiers de réforme.
Pour contrer ces phénomènes, le gouvernement envisage une refonte totale du secteur de la santé, articulée autour de trois axes : la mise à niveau des infrastructures, l’amélioration de la gouvernance et le renforcement des ressources humaines.
Toutefois, pour que le système de santé soit efficace et que cette réforme soit fructueuse, des spécialistes recommandent de poursuivre les partenariats public-privé, qui permettent théoriquement d’améliorer et d’optimiser les performances des systèmes de santé, tout en se substituant à l’effort budgétaire des pouvoirs publics, en échange d’une rente.