Emprunts bancaires : La montée de l’épargne face à l’endettement
Depuis plus d’une décennie, l’incertitude économique est devenue la norme, les ménages marocains semblent avoir adopté une stratégie financière privilégiant la prudence et la prévoyance. L’analyse des données du Haut-Commissariat au Plan (HCP) révèle une tendance à l’épargne plutôt qu’à l’endettement, un choix reflétant potentiellement une réaction aux conditions économiques actuelles, tant au niveau national qu’international.
Les chiffres publiés par Bank Al-Maghrib sont révélateurs : au premier trimestre de l’année en cours, les dépôts à vue des ménages ont connu une croissance de 6,3%, surpassant l’augmentation de 5,5% enregistrée durant la même période l’année précédente. Cette hausse des dépôts à vue, associée à une augmentation de 2,7% des soldes d’épargne, suggère une préférence marquée pour la liquidité et une réticence à s’engager dans des achats de biens durables dans un contexte économique incertain.
Parallèlement, les prêts bancaires aux ménages ont considérablement ralenti, passant de 3,7% au 1er mars 2023 à 1% à la fin du mois de mars 2024. Cette décroissance des emprunts est corroborée par un ralentissement du crédit à la consommation, qui n’a augmenté que de 0,3% au cours des trois premiers mois de 2024. Ces données pourraient indiquer une méfiance croissante envers l’endettement, peut-être due à une anticipation de conditions économiques plus difficiles ou à une prise de conscience des risques liés à l’endettement excessif.
L’enquête économique permanente auprès des ménages, menée par le HCP renforce cette hypothèse. En effet, 80,7% des ménages estiment que le moment n’est pas propice à l’achat de biens durables, ce qui pourrait être interprété comme une réaction à une inflation élevée, à des taux d’intérêt en hausse, ou à une instabilité économique perçue.
La dette des ménages, qui a atteint 34,1 milliards de dollars en février 2024, semble suivre une trajectoire descendante par rapport au sommet historique de plus 408 milliards de dirhams en juillet 2021. Cette évolution de la dette, mise en lumière par la CEIC, pourrait refléter une stratégie délibérée d’allégement du fardeau financier des ménages.
Les indicateurs macroéconomiques et leur signification
La masse monétaire M2, ayant augmenté de 145,2 milliards USD sur un an en février 2024, et les réserves de change, évaluées à 32,0 milliards de dollars, sont des indicateurs de la robustesse de l’économie marocaine. Les réserves de change, représentant 5,5 mois d’importations, offrent une marge de manœuvre considérable pour faire face aux chocs externes.
Le crédit intérieur, qui a atteint 163,3 milliards USD en février 2024, montre une augmentation de 3,5 % sur un an. Cependant, la valeur totale des prêts non performants, s’élevant à 94,6 milliards de dirhams, traduit une légère baisse mensuelle de 0,6%, suggérant une gestion prudente du crédit par les institutions financières.
Les économies mondiales, à l’exception notable des États-Unis, montrent des signes de ralentissement. Le Maroc, dans ce contexte, semble naviguer avec prudence, évitant les écueils de l’endettement excessif et se préparant à affronter les défis économiques avec une stratégie financière solide.
Mesures pour faire face à la situation
Le gouvernement a mis en place un programme d’aides sociales directes bénéficiant à 60% des familles marocaines. Ces familles, qui ne bénéficient pas des allocations familiales et répondent aux critères de ciblage, recevront une aide mensuelle de 500 ou 600 dirhams. Le financement de ce programme provient de diverses sources, y compris les ressources propres de l’État, la contribution sociale de solidarité, l’excédent de la caisse de l’Entraide nationale et la réforme progressive de la Caisse de compensation.
Concernant l’endettement public, le gouvernement prévoit d’emprunter plus de 123 milliards de DH en 2024 pour le financement du Trésor. Cette dette sera répartie entre les emprunts internes (plus de 53 milliards) et les emprunts externes (70 milliards). Cette inversion de tendance dans le choix des sources d’endettement vise à boucler le budget de l’État, mais soulève des questions sur l’équilibre entre les recettes et les dépenses ordinaires.
La gestion de la dette indique que le poids de la dette intérieure du Trésor devrait diminuer par rapport à la dette extérieure. Cependant, le ratio global de la dette publique devrait augmenter à près de 83,2% du PIB en 2023. Le gouvernement mobilisera également plus de 100,62 milliards de dirhams au titre des dépenses de la dette publique du Budget général.