Vieillissement et exode rural : Menaces pour l’avenir des campagnes marocaines
Le Maroc se trouve à un tournant décisif de son histoire démographique. Les campagnes, qui ont longtemps été le cœur battant de la nation, sont aujourd’hui confrontées à deux défis majeurs : le vieillissement de la population et l’exode rural. Ces phénomènes conjugués dressent un tableau préoccupant pour l’avenir des zones rurales marocaines.
Selon les projections établies par le Centre d’études et de recherches démographiques (CERED), le Maroc fera face à un déséquilibre démographique notable à l’horizon 2050. On estime qu’il y aura alors 74 personnes inactives pour 100 personnes actives, une situation alarmante qui pourrait paralyser le développement socio-économique des régions rurales. Ce bouleversement est le fruit de plusieurs facteurs convergents, parmi lesquels figurent la sécheresse persistante, le chômage endémique et la migration massive vers les centres urbains.
La migration des jeunes vers les villes s’explique essentiellement par la recherche de meilleures opportunités économiques et de conditions de vie plus favorables. Entre 2016 et 2023, les campagnes marocaines ont perdu plus d’un million d’emplois, notamment dans le secteur agricole qui demeure pourtant un pilier de l’économie rurale. Cette perte d’emploi a poussé les jeunes à abandonner leurs villages natals pour s’installer en milieu urbain, creusant ainsi l’écart entre les populations rurales et urbaines.
En 2014, le Maroc comptait 7 millions de citadins de plus que de ruraux. À l’horizon 2024, cet écart pourrait atteindre 12 millions, et 21 millions d’ici 2050. Cette tendance va de pair avec une flambée du taux d’urbanisation, qui passerait de 60,4 % en 2014 à 73,6 % en 2050.
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Le vieillissement de la population est une autre réalité préoccupante pour les zones rurales marocaines. En 2004, les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 8 % de la population. Cette proportion a considérablement augmenté pour atteindre 12 % en 2020, et elle devrait continuer de croître pour qu’en 2050, un Marocain sur quatre soit âgé de plus de 60 ans.
Ce vieillissement pose des défis majeurs en termes de protection sociale et de services de santé. En dépit des solides traditions de solidarité familiale, la vie des personnes âgées, en particulier celle des femmes et celles vivant en milieu rural, reste marquée par une vulnérabilité accrue. L’absence d’une couverture adéquate en termes de régimes de retraite et d’assurance-maladie amplifie ces difficultés, rendant impérative une refonte complète du système de protection sociale.
Dynamiques urbaines et conséquences économiques
Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) prévoit que la population urbaine du Maroc atteindra 26 millions en 2024 et 32,5 millions d’ici 2060. Cette urbanisation rapide, multipliant par dix la population urbaine en un siècle, s’accompagne de changements économiques et sociaux profonds. Une jeunesse active et bien formée pourrait devenir un moteur de la croissance économique. Cependant, une population vieillissante et inactive risque de devenir un fardeau économique, à défaut de systèmes de retraite et de santé robustes.
Face à ces enjeux, le Maroc élabore et mette en œuvre des politiques visant à revitaliser les zones rurales et à gérer efficacement le vieillissement de la population. L’amélioration des infrastructures rurales, le soutien à l’entrepreneuriat local, la formation et l’intégration des jeunes, ainsi que le renforcement des systèmes de santé et de retraite sont autant de mesures indispensables.
La notion de dividende démographique revêt ici une importance particulière. Le rapport entre la population active et inactive est déterminant pour la croissance économique. Dans les zones rurales marocaines, ce ratio est en déclin, passant de 61,8 % en 2029 à 73,7 % en 2050, ce qui signifie une perte significative du potentiel de dividende démographique si des actions urgentes ne sont pas entreprises.
Les campagnes marocaines se trouvent à un moment crucial de leur histoire. Pour éviter une détérioration continue et assurer un développement durable et inclusif, il est impératif de repenser et d’adapter les stratégies démographiques actuelles.
Dans une note publiée en janvier 2023, le HCP soulignait que 760 000 personnes avaient quitté les communes rurales pour s’installer en ville entre 2009 et 2014, représentant un flux moyen de 152 000 migrants par an. Si cet exode rural a contribué à l’essor démographique des villes, sa part a diminué au fil des années. Alors qu’elle représentait 43 % entre 1971 et 1982, cette contribution est tombée à 33 % sur la période 2004-2014.