Taxer les GAFAM, le gouvernement entre nécessité et calcul

A l’ère des géants du numérique et de la Tech, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont monopolisé le marché mondial de la publicité en ligne. Se pose ainsi la problématique de la taxation des GAFAM par les pays où sont implantés ces multinationales, en termes d’équité fiscale. Le Maroc n’échappe pas à cet enjeu politico-économique où un arbitrage devrait permettre aux autorités de décider la marche à suivre.

GAFAM est un acronyme désignant un ensemble d’entreprises dominantes de l’économie du numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Les GAFAM concentrent autant la puissance financière et les excès du capitalisme qu’elles suscitent les inquiétudes. Elles symbolisent à la fois les entrepreneurs à succès, la domination des firmes multinationales sur les Etats, l’évasion fiscale, et la rente monopolistique.

Les GAFAM incarnent le capitalisme rentier et de nature oligopolistique où quelques acteurs dominent le marché et font tout pour se mettre à l’abri de la concurrence. Ces grandes firmes créent des barrières à l’entrée et rachètent constamment leurs concurrents. On se souvient du rachat d’Instagram par Facebook deux ans après sa création. La stratégie des GAFAM est de racheter les start-ups innovantes pour maintenir leur domination. Dans ce cas-là, on parle d’acquisition tueuse, l’objectif étant d’acquérir l’entreprise au début de son développement pour empêcher la concurrence. Les GAFAM ont acheté plus de 700 entreprises depuis l’an 2000. Ce sont des marchés oligopolistiques. D’ailleurs, le 30 novembre 2021, l’Autorité de la concurrence britannique obligeait Facebook à revendre la plateforme Giphy, l’un des plus gros distributeurs dans le domaine des GIF.

Les GAFAM sont aussi le symbole de l’optimisation fiscale. Tout le monde fut surpris de découvrir qu’Apple payait un impôt sur les sociétés de 0,005% en Europe. Apple profite donc du premier marché mondial (500 millions de consommateurs plutôt riches) mais arrive par divers mécanismes (et grâce à la concurrence fiscale des pays européens entre eux) à payer moins d’impôts que n’importe quelle PME.

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Enfin, les GAFAM sont aussi un enjeu démocratique car ces géants du numérique ont accès à des quantités jamais vues dans l’histoire des données personnelles. En 2009, Facebook pas moins de 267 millions de compte avaient été hackés, ont alerté l’opinion publique. La protection des données est désormais devenue un enjeu central de nos société contemporaines.

Les GAFAM ont transformé notre vie. Leur apport est indéniable. Mais les grandes failles de la mondialisation contemporaine révèlent combien ces entreprises profitent de la part sombre de ce phénomène et en accentuent les traits les plus critiquables.

Taxe GAFAM

La taxe GAFAM contrairement à l’impôt classique qui est appliqué sur le bénéfice réalisé, la taxe GAFAM est assise sur le chiffre d’affaires comme base d’assiette, un choix justifié par la complexité de détermination du bénéfice de ces activités numériques, vu que les entreprises ont recours à transférer leurs bénéfices vers leurs filiales dans des paradis fiscaux pour échapper au fisc. La taxe cible trois activités parmi les plus attractives : les recettes publicitaires en ligne, la vente des données à des fins commerciales et publicitaires, et les commissions sur les services d’intermédiation au niveau des transactions sur les plateformes numériques, dite l’activité « marketplace ». La taxe GAFAM est inspirée de la TVA, elle est assise sur le chiffre d’affaires.

En 2021, 136 pays réunis sous l’égide de l’OCDE s’étaient accordés sur les détails techniques de la réforme fiscale internationale concernant les grandes entreprises technologiques. L’accord instaurant un taux d’imposition minimum de 15% aux multinationales technologiques qui réalisent un chiffre d’affaires dépassant 750 millions d’euros. Au Maroc, la taxation des GAFAM, a fait beaucoup parler jusqu’à février 2024, la DGI a expliqué que la taxation de ces prestations (GAFAM) est désormais actée, à la suite d’une modification des règles de territorialité de la TVA. Quant aux mesures de la loi de finances 2024, la Direction générale des impôts entend taxer les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), ce sont des géants mondiaux de la technologie, ayant des services de streaming et de gaming (Youtube, Spotify…). Par ailleurs, les règles de territorialité de la TVA, comportant un service dématérialisé où on consomme de manière dématérialisée les biens incorporels et les autres biens immatériels. Au niveau des taxes et impôts, des bénéfices colossaux ont été réalisés mais aussi une bonne part des recettes publicitaires dans leurs lieux de « diffusion ». En effet, 17% du budget marketing des entreprises, les achats publicitaires se font directement sur les réseaux sociaux.

Le géant de la technologie demeure l’ultime gagnant aux dépends de certains acteurs marocains qui sont en droit de bénéficier de cette manne financière importante. Les mastodontes de la Tech Google et Facebook ne paient pas d’impôt au Maroc. Il faudrait prendre l’exemple du Canada, qui a décidé de ne plus acheter d’espaces publicitaires sur Facebook et sur Instagram. Justin Trudeau, premier ministre du Canada, a déclaré que « Les Canadiens ne vont pas se laisser intimider par des milliardaires américains qui veulent nuire à notre démocratie ». C’est une dictature numérique des géants de la technologie.

Par ailleurs, le différend opposant le gouvernement canadien au groupe Meta, porte sur la question épineuse du partage des gains publicitaires. Ottawa a promulgué une loi C-18, décidant de ne plus acheter d’espaces publicitaires sur Facebook et Instagram. La loi stipule que les géants du numérique doivent compenser financièrement les médias canadiens pour leurs contenus partagés sur leurs plateformes, c’est un arbitrage contraignant. En réponse à cette loi, Meta avait bloqué l’accès aux médias canadiens pour les utilisateurs de Facebook ou Instagram. Après une baisse des revenus en 2022 pour la première fois de l’histoire de Facebook, eMarketer estime que les revenus publicitaires du Groupe vont de nouveau être en hausse avec 75 milliards de dollars en 2024.

L’un des enjeux serait de proposer aux annonceurs marocains des plateformes technologiques performantes et également des services qui peuvent concurrencer ceux des GAFAM.

Evasion fiscale

L’évasion fiscale, ou plutôt l’optimisation fiscale, est tout un système faisant intervenir banques, avocats, Etats, qui mettent tous une immense ingéniosité au service des plus riches pour qu’ils ne paient pas d’impôts. Prenons l’exemple d’une compagnie pétrolière produisant du pétrole dans un pays en voie de développement. Le pays pauvre a besoin de rentrées fiscales pour financer des infrastructures de transport, d’éducation et de santé, il fixe donc un taux d’imposition conséquent. Si la compagnie juge que la fiscalité est trop lourde, elle va vendre le pétrole qu’elle extrait à des sociétés sœurs en utilisant des prix de transfert généralement très faibles. L’objectif étant d’appauvrir la filiale qui extrait le pétrole (et qui devrait payer des impôts aux pays producteurs) pour enrichir la société sœur, immatriculée dans une zone à faible fiscalité. Finalement, la société qui produit du pétrole le revend à un prix bon marché et fait un bénéfice quasiment nul ou des pertes, lui évitant ainsi de payer des impôts dans le pays hôte. A l’inverse, le société sœur, logée dans un paradis fiscal, achète du pétrole à un prix faible qu’elle revendra ensuite à une autre société à un prix plus élevé, réalisant ainsi un fort bénéfice dans un lieu où la fiscalité est faible. Ce jeu ambivalent a été pratiqué pendant de longues années par Total en République du Congo. Il est également pratiqué par Apple en Europe, l’entreprise payait ses impôts sur les bénéfices européens en Irlande aux taux d’imposition de 0,005%. Ainsi, Apple subit une pression fiscale plus faible que n’importe quelle boulangerie en Europe.

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