Vingt Cinq ans de Règne
Par Rachid Boufous
Nous fêtons cette année et dans quelques jours le quart de siècle du règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste. Un événement majeur dans l’histoire contemporaine du Royaume du Maroc.
J’ai une histoire particulière avec ce règne. En juillet 1999 nous étions partis mon frère et moi au Canada pour prospecter la possibilité de migrer définitivement de l’autre côté de l’Atlantique avec femmes et enfants, car en tant qu’architectes qui travaillions depuis une dizaine d’années déjà, les perspectives étaient très restreintes au pays à l’époque. Nous sommes revenus faire nos bagages le jour du décès de Feu Hassan II. J’ai alors dit à mon frère qu’il valait mieux rester au pays, une nouvelle ère s’ouvrait et qu’il fallait y être.
La suite des événements ne m’a pas donné tort, puisque le nouveau Souverain avait fixé les objectifs dès son discours d’investiture et qu’il disait en substance qu’il ne possédait pas de baguette magique et que tout le monde devait se mettre au travail si on voulait changer les choses.
Cette phrase m’est restée en mémoire et elle résume, à elle seule, la volonté du Roi de faire tout ce dont il était capable pour développer le pays et tourner la page d’années difficiles et improbables.
Le changement en Marche
Très tôt, dès août 1999, j’ai vu ce changement s’opérer un peu partout. Le nouveau règne voulait rompre avec toutes les pratiques qui portaient préjudice à l’image du pays, y compris avec les hommes qui en étaient les porte-drapeaux et qui furent vite remerciés ou congédiés.
Le nouveau Roi était sur tous les fronts, visitant le Maroc de long en large, lançant des centaines de projets, inaugurant des centres et des équipements par dizaines. Une « Movida » marocaine était en marche, portée par une nouvelle génération de décideurs jeunes, hyper diplômés et intègres.
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Cela a bousculé beaucoup de personnes habituées à une lente léthargie et à une fainéantise chronique. Cela dérangeait aussi une certaine presse dont les patrons ambitieux, aux dents longues, qui voulaient avoir leur place au soleil et se faire de l’argent en vendant de la critique acerbe à longueur de pages et de semaines, alors qu’un nouveau règne venait à peine de s’installer et qu’il lui fallait du temps pour montrer ses preuves.
Tout cela n’a pas refroidi la volonté du jeune Roi d’aller de l’avant. Ni les attentats terroristes de mai 2003, ni le séisme meurtrier et dévastateur d’Al-Hoceima en 2004, ni les centaines de milliers de ménages pauvres et bidonvillois, ni les moyens limités d’une économie de rente exsangue, héritée de dizaines d’années de stagnation économique.
Par petites touches, le jeune Roi s’imposera aux uns et aux autres, au Maroc comme à l’international par un travail acharné, accompagné d’un mutisme médiatique voulu et assumé.
Il y eut d’abord l’installation de la commission de justice transitionnelle Équité et Réconciliation. Un grand moment de vérité où tous les anciens détenus politiques ainsi que les populations qui ont subi des mesures de rétorsions pour avoir porté aide et assistance aux desperados qui rêvaient du grand soir révolutionnaire, furent écoutées.
Ils ont raconté leurs tortures dans les bagnes de l’ancien régime. Ils furent tous indemnisés par l’État, qui voulait tourner la page et instaurer une démocratie décomplexée sous l’égide du nouveau Roi.
Un engagement social important
Ce fut aussi la réforme de la Moudawana ou statut personnel, qui a donné des droits certains aux femmes en matière de divorce et libertés.
Ce furent les incitations fiscales qui permirent aux promoteurs immobiliers de venir grandement à l’État en construisant plus de 850.000 logements sociaux en quinze ans.
En matière de lutte contre l’habitat insalubre et les bidonvilles, un énorme effort a été consenti par l’État pour sortir les gens de la pauvreté et de la précarité. En tant qu’architecte-urbaniste, j’ai eu la chance et l’honneur de prendre part à ces programmes et je peux donc témoigner de la sollicitude Royale envers les ménages pauvres.
La situation était vraiment dramatique et je peux en témoigner. Quand je vois le Maroc d’aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard, je peux dire que nous revenons vraiment de très loin.
Une vision éclairée
Mais s’il y a un projet qui a vraiment changé le climat général et a induit une forte dynamique économique au pays, il aura été la construction du port Tanger Med sur le détroit de Gibraltar.
C’était le dernier port construit sur la « Mare nostrum » par un pays africain, très peu industrialisé, c’était assez pour que les gens aient pensé qu’il allait pouvoir concurrencer, un jour, les autres ports de la Méditerranée, bien installés depuis des décennies sur les routes maritimes mondiales, sans véritable concurrence.
Le jeune Roi y a cru pourtant, sentant que c’était là sur la Mer d’Alboran, à l’entrée du détroit de Gibraltar, que les choses allaient vraiment bien pour le Maroc. Il y eut tout de suite l’installation de l’immense usine de Renault, qui fut suivie par d’autres constructeurs et équipementiers automobiles, plaçant le Maroc parmi les premiers pays producteurs et exportateurs de voitures dans le monde.
Concomitamment à cela des centaines de kilomètres d’autoroutes étaient lancés modifiant grandement la géographie du pays et mettant des villes lointaines à quelques heures de la capitale du Royaume. En fin, un train à grande vitesse, le fameux TGV, le premier chemin de fer du genre en Afrique, était installé entre Tanger et Casablanca, mettant ces deux villes à moyenne distance l’une de l’autre. La future extension, en cours de lancement ira jusqu’à Agadir, située à plus de 600 kilomètres de la ville du détroit.
Un vaste plan de mises à niveau urbaines fut lancé aussi, modifiant grandement la physionomie de nos villes, jadis très peu avenantes.
Au niveau de l’attractivité touristique, le plan Azur est venu à point nommé, permettant au Maroc d’accueillir plus de 14 millions de touristes, hissant certaines destinations comme Marrakech, au niveau international.
La défense des diverses identités affirmée
L’identité amazighe du pays fut aussi reconnue par le jeune Souverain au cours du discours qu’il tint à Ajdir, avec l’instauration du Tifinagh comme langue officielle avec un institut, l’IRCAM, qui portera l’insertion académique de cette langue séculaire.
Cela mettait ainsi fin à des dizaines d’années de revendications des divers mouvements amazighs, dont certains chefs furent emprisonnés dans l’ancien régime pour avoir défendu la culture de leurs ancêtres.
L’initiative de développement humain, INDH, fut aussi lancée par le Souverain et permit à des milliers d’associations d’avoir des locaux pour accompagner les populations précaires, dans les quatre coins du pays. L’État, prenait enfin ses responsabilités avec sérieux et abnégation, afin que tous les Marocains puissent bénéficier des retombées du développement en marche.
Sur le plan social, le Roi décrètera plusieurs initiatives majeures, comme la généralisation de l’AMO, assurance-maladie universelle à tous les Marocains, salariés ou non, en plus de diverses aides directes aux populations pauvres et précaires.
Une ouverture politique remarquée
Sur le plan politique, une grande ouverture s’opéra en 2011, avec l’instauration d’une nouvelle constitution, permettant aux partis arrivés en tête d’exercer pleinement leurs prérogatives au niveau national que local.
Alors que beaucoup de pays arabes ont eu peur de s’ouvrir politiquement vers les forces d’opposition, principalement d’obédience islamistes, le Maroc, lui, tente cette expérience démocratique permettant au PJD, parti islamiste d’exercer le pouvoir durant deux mandats législatifs.
Au niveau international, après trois décennies d’absence du cénacle africain, le Souverain décide de faire revenir le Maroc au sein de l’Union Africaine, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives au pays vers le continent, mais aussi d’accompagner plusieurs pays africains dans leur développement en incitant les groupes marocains à investir massivement en Afrique.
Cela a été aussi l’occasion d’ouvrir plusieurs consulats africains à Laâyoune et à Dakhla au Sahara marocain.
En signant les accords d’Abraham, le Maroc bénéficie de l’appui des États-Unis pour son intégrité territoriale, tout en renforçant son aide indéfectible au peuple palestinien dont il demeure un grand contributeur financier à travers le Comité Al Qods, que le Souverain préside.
Certes ce quart de siècle ne fut pas facile, ni à gérer ni à administrer au Maroc, tant les attentes sociales étaient immenses en 1999 avec la soif de liberté et de démocratie. Beaucoup de revendications sociales, culturelles, politiques ou économiques virent le jour, avec plus ou moins d’intensité, comme ce fut le cas pour le Hirak dans le Rif, en 2017, et ailleurs.
La réaction des autorités fut toujours mesurée, évitant avec tact, toute extension des conflits ou leur embrasement. Cela fut surtout possible grâce au nouveau concept de l’autorité, édicté par le Souverain dès le début de son règne, favorisant le dialogue serein entre administrateurs et administrés et surtout un respect des droits de chaque citoyen par les forces de l’ordre.
Des défis incessants relevés
Oui, pendant ces vingt-cinq ans de Règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a fait des pas de géant, dans tous les domaines, triplant son produit intérieur brut, mettant le pays dans les radars internationaux, renforçant grandement la démocratie et les libertés publiques à travers le pays, ce qui permet aujourd’hui au Maroc d’être pris au sérieux par toutes les puissances qui comptent à travers le globe et lui permet d’organiser de grands évènements internationaux comme la future Coupe du Monde du centenaire qui se tiendra concomitamment au Maroc, en Espagne et au Portugal en 2030.
Pour arriver à ce résultat, ce ne fut pas facile. Le Maroc a fait d’énormes sacrifices pour cela et même si tout n’est pas encore parfait, il faut toutefois relever qu’à travers son histoire proche ou lointaine, le Maroc et les Marocains n’ont jamais été aussi libres, éduqués, riches que maintenant. Sa Majesté le Roi n’avait certes pas de baguette magique au début de son règne, mais il a réussi à nous donner une chose précieuse et inestimable : la confiance en nous-mêmes.
Pour avoir vécu de très près ces changements durant les vingt-cinq dernières années, je constate aujourd’hui que j’ai bien fait de ne pas émigrer en 1999, loin de mon pays, le Maroc, ayant repris confiance en moi-même et dans mon pays, comme l’ont fait tous les Marocains de ma génération depuis l’accession au Trône de Sa Majesté le Roi.
Merci Majesté.