Mohammed Kenbib : L’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire, une ouverture du Maroc sur sa mémoire et une clé pour le futur
Par Hassan Alaoui
Mohammed Kenbib est un éminent Professeur d’Histoire , un professeur émérite de l’Université Mohammed V, à Rabat. Docteur d’Etat de l’Université Paris I Panthéon – Sorbonne, il a été Professeur – Visiteur dans cette même Université et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris). Il a également enseigné à Oxford en qualité de Senior Associate Professor ainsi qu’aux Etats-Unis en tant que Fulbright Scholar in Residence, et donné des conférences dans d’autres grandes universités d’Europe et d’Amérique du Nord. Conseiller culturel à l’Ambassade du Maroc en Frances (1997-2001). Membre du conseil scientifique des Rendez –Vous de l’histoire du monde arabe (IMA, Paris). Spécialiste des relations judéo-musulmanes au Maroc.
Il a reçu les Distinctions honorifiques suivantes : Wissam de Chevalier de l’Ordre du Trône (2000) ; Wissam du Mérite National. Catégorie Exceptionnelle (1998) ; Médaille de la Ville de Paris (2008). Il nous parle aujourd’hui de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, que Sa Majesté Mohammed VI a décidé de créer, qui est une plate-forme pour la recherche et l’interdisciplinarité, en même temps le lieu de mémoire de notre passé.
– MAROC DIPLOMATIQUE : Monsieur Mohammed Kenbib, vous êtes historien connu, auteur de nombreux travaux et de livres qui constituent un riche patrimoine, un mot sur la création et l’objectif de cet institut?
Mohammed Kenbib : S’agissant de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, il faut rappeler qu’effectivement c’est à l’initiative de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qu’il a été créé. Il est rattaché à l’Académie du Royaume du Maroc, il œuvre en concertation avec son Secrétaire Perpétuel, et avec le concours du Directeur Exécutif. Il a pour vocation de promouvoir la recherche scientifique en histoire et s’attache à la diffusion du savoir historique, y compris pour ce qui a trait au Temps présent.
En sus de la recherche proprement dite, il s’agit de répondre ainsi à la demande sociale en matière d’histoire. Le fait est, à l’évidence, que quasiment tout le monde s’intéresse à l’histoire – d’une manière ou d’une autre. En effet à l’occasion d’un colloque international dédié à « l’histoire, culture et patrimoine« , organisé par le CNDH, l’accent a été mis sur le besoin accru d’histoire des peuples et des nations.
– Pourquoi cette nécessité est devenue de nos jours plus impérieuse que jamais ?
L’Histoire représente un socle du sentiment d’appartenance à un peuple, une nation et un territoire. De ce fait, la diffusion du savoir historique et sa mise à la portée de tous nous semblent être impératifs. Elle contribue à la cohésion nationale, à son renforcement au fil du temps. Elle permet à tout un chacun de découvrir ou d’affiner ses connaissances sur l’évolution du Royaume, faire la lumière sur le passé et nourrir un travail de mémoire. Elle éclaire le présent à la lumière du passé.
– Pourriez-vous esquisser un premier bilan des principales activités de l’IRRHM ?
Il n’est pas possible d’être exhaustif mais à titre d’exemple il est possible de citer un colloque organisé par CNDH en 2011 sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ses actes ont fait l’objet d’une publication par l’Académie du Royaume « Pour une Maison de l’Histoire du Maroc ». Etant à l’ère du digital, nous souhaitons faire aboutir ce projet par la création d’un musée ou même d’un musée virtuel à l’IRRHM pour mieux atteindre tous les publics au Maroc même et ailleurs.
De manière succincte, on peut indiquer qu’ont eu lieu une série de colloques internationaux et de conférences, dont les actes sont en cours de publication. Il s’agissait de rencontres scientifiques consacrées à « la recherche sur l’histoire du Maroc : « Etat des lieux et perspectives » , ou encore un autre sur « Les relations Maroc-Etats-Unis. Passé et Présent », « Le Maroc et l’Espagne. Un voisinage ancré dans l’histoire et ouvert au présent et à l’avenir. »
Ces colloques ont permis de mettre en lumière le rôle pluriséculaire du Maroc depuis au sein de la communauté internationale. Un cycle de conférences sur la recherche historique « Histoire du Maroc » a été entamé en partenariat avec le Centre Jacques Berque avec la participation de chercheurs marocains et étrangers.
De même et à l’occasion du 48ième anniversaire de la Marche Verte s’est tenue une conférence sur « La marocanité du Sahara à travers les archives marocaines et étrangères. ». Elle a rappelé et mis en lumière le processus de parachèvement de l’unité territoriale du Royaume
-Quels sont les projets de l’IRRHM pour répondre à la demande sociale d’histoire ?
Afin de répondre à la demande de ceux qui ont besoin de disposer d’ouvrages de référence, l’IRRHM s’attelle à la publication de recherches scientifiques effectuées par les spécialistes de l’histoire du Maroc. En l’occurrence deux publications sont en cours de finalisation dans le cadre de la collection « le Maroc dans le monde » : » Morocco and the United States: the past and the present » ; « Le Maroc et l’Espagne. Un voisinage ancré dans l’histoire, ouvert sur le présent et l’avenir. » A ce titre, deux colloques internationaux sont également prévus à la rentrée: Le Maroc & le Portugal : « Passé et Présent ». Et ce dans le cadre de la commémoration du 250e anniversaire des relations pacifiques entre les deux pays avec Institut Camoes et d’autres universités.
Le Maroc & le Royaume Uni. « Passé, Présent », avec la prestigieuse université d’Oxford et celle de Keele. « Le Maroc et l’Italie » sera prochainement programmé. L’IRRHM est également soucieux des productions nationales. Il a été convenu avec les différentes universités marocaines une collaboration régulière afin de sélectionner les meilleurs doctorants, les accompagner dans leurs travaux et publier les thèses validées par le comité scientifique. Un ouvrage collectif « Histoire du Maroc », dont la publication a été retardée du fait de la pandémie du COVID, sera publié prochainement par l’Académie du Royaume. Enfin, il est prévu de reprendre un projet passionnant qui est celui des » Rendez -vous de l’Histoire de l’Afrique » également reporté du fait du Covid. Il s’agit d’organiser plusieurs rencontres et débats entre spécialistes de l’histoire africaine.
– Voilà un programme bien chargé en perspective que vous avez cité de manière « succincte ». Pouvons-nous indiquer quelques exemples de projets avec des institutions nationales ?
D’autres projets sont à l’étude en plus de ceux prévus en partenariat avec différentes institutions. Entre autres avec le Ministère de l’Education Nationale un projet de manuel d’histoire pour les élèves, un projet de podcasts « Histoire pour Tous » suite à la rencontre avec les jeunes marocains, organisée en juillet 2023 en partenariat avec le Ministère de la Jeunesse et le CCME.
– Comment envisagez-vous de réaliser tous ces projets inspirants ?
Suite à la restructuration de l’Académie du Royaume celle -ci met désormais à la disposition de l’IRRHM les ressources humaines et matérielles nécessaires. Il sera procédé sous peu à la validation du comité scientifique et des groupes de recherche proposés par le Directeur. Les choses sont en train de se mettre en place pour exercer toutes les missions prévues dans les meilleures conditions et pour réaliser les objectifs souhaités.