Nappes phréatiques, Zagora suspend temporairement la culture des pastèques
Cette année, la culture des pastèques et des melons sera temporairement suspendue dans la province de Zagora, qui fait partie de la région de Draâ-Tafilalet. Cette décision, émise par le ministère de l’Intérieur, a pour but de lutter contre la surexploitation des ressources en eau et de protéger les nappes phréatiques de cette région, particulièrement affectée par la sécheresse actuelle. Dans une interview accordée à Maroc Diplomatique, M. Jamal Akechbab, président de l’Association des Amis de l’Environnement de Zagora, discute des motivations de cette suspension, des enjeux liés à la gestion de l’eau, ainsi que de l’importance de promouvoir des pratiques agricoles durables pour préserver les ressources hydriques essentielles à la communauté locale.
Face à l’aggravation de la crise hydrique, les autorités ont jugé indispensable d’instaurer cette suspension temporaire. Les mesures antérieures, bien que utiles, n’ont pas suffi à limiter l’expansion des cultures, ce qui justifie la nécessité d’une action plus radicale pour protéger les ressources hydriques cruciales pour l’agriculture et la population locale.
La suspension, qui s’étendra sur une durée d’un an, fait partie d’un ensemble plus large de mesures récentes visant à réduire la surface consacrée à la culture des pastèques et des melons. En effet, les services du ministère ont recommandé de réduire la superficie allouée à la pastèque rouge, passant de 5 000 hectares à environ 2 000 hectares.
L’article premier de la décision stipule que « la réglementation concernant la culture de la pastèque, sous ses deux variétés (rouge et jaune), vise à optimiser l’utilisation de l’eau et à garantir l’approvisionnement en eau potable ainsi que l’irrigation ». Cette préoccupation est d’une grande importance, étant donné la nécessité d’assurer un accès durable à l’eau dans la région.
Pour renforcer cette réglementation, l’article trois interdit explicitement la culture de la pastèque dans les zones de protection, situées à proximité des points de pompage d’eau potable. Ces zones, soigneusement définies par le comité local, se trouvent près des points critiques pour l’approvisionnement en eau potable et le long des rives de la vallée du Drâa. Par ailleurs, dans un souci de transparence et de suivi, l’article quatre impose que chaque puits ou forage soit équipé d’un compteur d’eau, permettant ainsi de mesurer précisément le volume d’eau extrait pour l’irrigation. Cette initiative est essentielle pour surveiller l’état de la nappe phréatique et garantir une gestion responsable des ressources en eau.
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Selon l’article cinq, le comité local sera chargé de superviser cette gestion. Il devra procéder à des relevés réguliers des compteurs des puits et forages, tant au début qu’à la fin de l’exploitation, afin d’évaluer la quantité d’eau utilisée pour l’irrigation et son impact sur les réserves d’eau souterraine.
L’article six précise que toute violation des normes établies, que ce soit concernant la superficie cultivée ou l’installation des compteurs, entraînera des sanctions administratives et juridiques. Ainsi, le comité local sera habilité à se réunir pour examiner chaque cas avec rigueur.
Concernant la composition des comités locaux, l’article sept mentionne qu’ils incluront des représentants de l’autorité locale, de la commune concernée, de la gendarmerie royale, des forces auxiliaires, ainsi que des agences compétentes, comme le bureau régional d’investissement agricole de Ouarzazate et les agences des bassins hydrauliques de Drâa, Guelmim et Guir-Ziz-Rhéris à Errachidia. Un représentant des agriculteurs, qu’il soit membre d’une association coopérative ou un individu, fera également partie de ce comité.
Zagora face à la sécheresse : Le nouvel arrêté sur la pastèque mis à l’épreuve
Lors de son interview avec Maroc Diplomatique, M. Jamal Akechbab a indiqué que « cet arrêté comprend un nouvel article sur l’installation de compteurs pour chaque puits ou forage ». Bien que les décisions antérieures n’aient pas limité la culture de la pastèque rouge, il a précisé que « la province a connu une large expansion de cette culture au cours des deux dernières saisons, accompagnée d’une augmentation significative de la production, qui a été exportée vers plusieurs pays européens et africains, témoignant d’une forte demande ».
Cependant, ce nouvel arrêté pourrait faire face à des obstacles. M. Jamal a par exemple noté que « le texte permet à chaque famille de cultiver un hectare, ce qui signifie qu’une seule famille pourrait exploiter jusqu’à 10 hectares. Cela risque de ne pas produire les résultats souhaités en termes de régulation de la culture. » Il a également souligné que « la nouveauté de cet arrêté réside dans l’installation de compteurs, mais si un agriculteur réussit à utiliser une nouvelle pompe pour contourner ce système, l’objectif de régulation ne sera pas atteint. »
Il est regrettable que d’autres provinces, comme celle de Tinghir, aient pris des décisions strictes interdisant la culture de la pastèque rouge à cause de son impact sur les ressources en eau. À Zagora, en revanche, le nouvel arrêté semble ne pas restreindre cette culture.
Concernant la supervision par le comité local, le président de l’association souligne que « le comité de surveillance ne comprend pas une représentation suffisante de la société civile, ce qui soulève des questions sur sa transparence et son efficacité ». De plus, il affirme que « cet arrêté contredit les discours royaux appelant à une rationalisation de la consommation d’eau et à la préservation du domaine public hydraulique ».
La poursuite de cette culture pose un risque non seulement pour la sécurité hydrique et les cultures stratégiques, mais aussi pour la stabilité démographique de la région. Il est crucial de mettre un terme à l’exploitation excessive de la nappe phréatique et de lutter contre l’expansion des forages illégaux.
Concernant les impacts de la réglementation sur les agriculteurs, il souligne que la majorité d’entre eux dans la région de Zagora, représentant 85 % de la population locale, ne se consacrent pas à cette culture, mais privilégient les cultures stratégiques telles que la palmeraie et les cultures vivrières. Selon lui, ce sont des grands agriculteurs venus de l’extérieur de la région qui s’occupent de cette culture, en collaboration avec certains agriculteurs aisés de Zagora. « Certains agriculteurs locaux mettent à disposition leurs terres, tandis que les grands agriculteurs extérieurs apportent des ressources financières. Ainsi, cette culture et sa réglementation ne profitent pas aux agriculteurs de la province de Zagora », déclare-t-il.
Concernant les ressources en eau, il est important de noter que le village de Zagora se trouve dans une région frappée par la sécheresse depuis plus de 10 ans, entraînant un déclin significatif des ressources en eau potables et souterraines. Pour préserver la rareté de l’eau et garantir sa durabilité, le président de l’association insiste sur la nécessité d’« une stratégie unifiée. Il est essentiel de diriger la rareté et la pénurie d’eau vers l’atteinte de la sécurité hydrique et de garantir un accès à l’eau potable pour toute la population de Zagora, tant en milieu urbain que rural ».
Ainsi, il est crucial que l’ensemble de la population de Zagora, tant urbaine que rurale, soit prise en compte. « De plus, cette rareté doit être orientée vers les cultures stratégiques et vivrières de la région. Les cultures vivrières et de base doivent satisfaire les besoins fondamentaux quotidiens de la population, notamment pour certains légumes et fruits », conclut-il.