Portefeuilles électroniques : un potentiel sous-exploité au Maroc
Au cours de l’année écoulée, la demande croissante des marocains pour les espèces, tant en billets qu’en pièces, a exacerbé les défis économiques auxquels le pays fait face. Cette tendance met en lumière les difficultés liées à l’inclusion financière et souligne le faible recours aux solutions de paiement électroniques. Pour remédier à cette situation, une transformation numérique efficace et des initiatives visant à promouvoir l’utilisation des moyens de paiement numériques sont essentielles.
La demande des Marocains pour les espèces, que ce soit en billets ou en pièces, a continué d’augmenter au cours de l’année écoulée, exacerbant ainsi les pertes de l’économie nationale face à la croissance des transactions en espèces.
Selon les statistiques fournies dans le rapport annuel sur les infrastructures des marchés financiers, les moyens de paiement et leur régulation, ainsi que sur l’inclusion financière, publié par Bank Al-Maghrib, la valeur de ces transactions a atteint 412,8 milliards de dirhams, affichant une hausse annuelle de 11 %. Ce montant devrait atteindre un niveau record d’ici la fin de l’année, malgré les mises en garde continues d’Abdelatif Jouahri, le wali de Bank Al-Maghrib, concernant les risques et les impacts de ce phénomène monétaire, ainsi que la nécessité de trouver des solutions urgentes pour le contenir.
En principe, bien que les opérations de paiement en espèces effectuées par les Marocains soient gratuites, leur passage en dehors des circuits bancaires coûte aux banques environ 10 milliards de dirhams par an. Cela soulève la question de la contribution des moyens de paiement électroniques, qui ont connu une diversification au cours des dernières années, pour limiter la croissance des transactions en espèces, notamment les paiements par téléphone mobile ou via le portefeuille électronique « M-Wallet ». À cet égard, le nouveau rapport de Bank Al-Maghrib indique que les transactions effectuées par ce canal ne représentent que 2 % du volume total des différents moyens de paiement (chèques, lettres de change, virements, prélèvements, etc.). En termes de valeur, ce moyen reste également peu significatif, tout comme les transferts instantanés, malgré la montée en puissance des technologies financières pour faciliter les solutions de paiement.
Alors que près de la moitié des adultes résidant au Maroc ne possèdent toujours pas de compte bancaire, selon le rapport sur la structure des marchés financiers, le taux de détention de comptes bancaires s’élevait à 54 % à la fin de l’année dernière, contre 53 % en 2022, ce qui signifie que 46 % des Marocains demeurent en dehors du système bancaire.
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Le document souligne également que le rythme de croissance des paiements par téléphone mobile reste lent, les opérations d’achat via ce moyen étant encore limitées, malgré l’augmentation significative du nombre d’offres de portefeuilles électroniques sur le marché, qui a atteint 20 portefeuilles, dont 12 émanant d’institutions de paiement.
Selon les données présentées dans le rapport annuel sur les infrastructures des marchés financiers, les moyens de paiement et leur régulation, ainsi que sur l’inclusion financière, le nombre total de transactions non monétaires a atteint 492 millions d’opérations au cours de l’année, enregistrant une augmentation de 18 % par rapport à 2022. Les transactions par chèque et les virements bancaires continuent de dominer le paysage financier. En revanche, l’utilisation des « portefeuilles électroniques » demeure limitée, comme le montrent les comportements des clients des banques et des institutions de paiement, la plupart d’entre eux préférant utiliser ce moyen pour régler des factures plutôt que pour effectuer des achats.
Les experts soulignent qu’en dépit de la disponibilité de solutions technologiques et de l’essor des portefeuilles électroniques, le faible niveau de sensibilisation numérique et la forte dépendance aux espèces dans la vie quotidienne représentent des obstacles majeurs à une transformation numérique complète. Il est crucial d’accroître la sensibilisation aux avantages des paiements par téléphone mobile et de renforcer la confiance dans le système numérique, afin de changer les habitudes de consommation financière des Marocains. L’intégration des populations non bancarisées dans les transactions financières numériques nécessite une politique d’incitation robuste, incluant des offres promotionnelles pour élargir la base d’utilisateurs.
De plus, les experts estiment qu’un des principaux freins à l’accélération des paiements par téléphone mobile est le taux élevé de non-bancarisation des adultes, qui s’élève à 46 %. Bien que le taux de détention de comptes bancaires ait légèrement augmenté à 54 % l’année dernière, contre 53 % en 2022, cela n’a pas suffi à générer une croissance adéquate pour renforcer l’inclusion financière nécessaire à l’adoption des moyens de paiement numériques.
Développer la confiance pour l’adoption des paiements numériques
Dans ce même contexte, il est expliqué qu’une grande partie de la population demeure en dehors du système bancaire, ce qui empêche de bénéficier des solutions de paiement par téléphone, nécessitant des solutions flexibles pour les portefeuilles électroniques qui ne dépendent pas d’un compte bancaire.
Les nouvelles statistiques ont également révélé des disparités dans l’utilisation de « M-Wallet » parmi les utilisateurs, les clients des banques préférant les virements bancaires à 56 %, suivis par les retraits aux distributeurs automatiques à 28 %, tandis que les paiements de factures représentent 15 %. En revanche, les clients des institutions de paiement se concentrent sur les factures à 70 %, tandis que les transferts représentent 27 %. Ce contraste reflète des stratégies différentes, les groupes bancaires visant à fournir des services financiers complets, tandis que les institutions de paiement s’orientent vers la facilitation des paiements routiniers.
Les groupes bancaires et les institutions de paiement adoptent des stratégies différentes qui orientent les clients vers les paiements routiniers, comme le règlement des factures, au lieu de les inciter à acheter via le téléphone. Il est observé que les banques et les institutions de paiement disposent d’avantages considérables pour promouvoir l’utilisation des portefeuilles électroniques dans les achats quotidiens ; néanmoins, l’accent reste mis sur les services de transfert et de retrait en espèces, face aux défis technologiques et à la culture des utilisateurs.
Les experts observent également que le fait de se concentrer uniquement sur le paiement des factures illustre un manque d’incitations pour les achats via mobile, ce qui nécessite des interventions stratégiques pour remédier à cette situation. L’accroissement de l’utilisation des portefeuilles électroniques pour les achats aidera à diminuer la dépendance aux espèces et à accélérer la transformation numérique. Cependant, cela requiert que les institutions financières et de crédit mettent en place des offres attractives, telles que des réductions pour les achats réalisés par téléphone, tout en développant des services adaptés aux différents besoins de leurs clients.
Il est enfin souligné l’importance de créer un environnement propice et une confiance financière pour renforcer l’inclusion financière, en précisant que le partenariat entre le secteur public et le secteur privé constitue une solution idéale pour accroître l’adoption des portefeuilles électroniques, tout en lançant des campagnes de sensibilisation qui mettent en avant la facilité et la sécurité des paiements par téléphone mobile.