La Cour des comptes relève les failles des partis politiques
Le rapport annuel 2023 de la Cour des comptes, publié au Bulletin Officiel, soulève des préoccupations majeures concernant la gestion des fonds publics alloués aux partis politiques. Alors que des montants importants ont été restitués au Trésor public, des lacunes persistent dans la transparence et l’utilisation des financements, notamment en ce qui concerne les campagnes électorales et le soutien annuel des partis.
Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a mis en lumière les résultats de l’audit des comptes des partis politiques marocains. Ce rapport détaillé, également transmis au ministère de l’Intérieur, couvre l’analyse des dépenses des partis au titre du soutien public de l’année 2022, et apporte des recommandations cruciales pour améliorer la gestion financière de ces formations politiques.
L’un des points majeurs du rapport concerne les montants restitués au Trésor public par les partis politiques et les organisations syndicales, au titre du soutien financier annuel ou de la participation de l’État au financement des campagnes électorales. En effet, jusqu’au 13 novembre 2024, un total de 38,40 millions de dirhams (MDH) a été restitué par 24 partis politiques et une organisation syndicale, au titre des fonds non justifiés ou non utilisés.
Malgré cette restitution significative, il reste encore un montant de 22 MDH à récupérer, dû par 13 partis et deux organisations syndicales. La Cour des comptes recommande vivement au ministère de l’Intérieur ainsi qu’aux partis concernés de redoubler d’efforts pour régulariser cette situation en restituant les montants dus. Elle suggère également que des formations périodiques soient organisées pour les cadres des partis en charge de la gestion financière, afin de renforcer leurs compétences en matière de gestion comptable et administrative. Cette démarche vise à éviter des erreurs similaires à l’avenir et à garantir la transparence des finances publiques.
Nécessité de réformer les textes réglementaires
Le rapport aborde également la question du soutien annuel supplémentaire accordé aux partis politiques pour couvrir leurs dépenses liées aux missions, études et recherches. Entre septembre et novembre 2022, 7 partis ont bénéficié d’une aide d’un montant total de 20,10 MDH. Cependant, la Cour a souligné que le délai entre l’octroi de ce soutien et la date limite de dépôt des comptes (fin décembre 2022) était trop court pour permettre aux partis de respecter les exigences de transparence.
Deux partis ont ainsi été contraints de restituer la totalité du soutien reçu, soit 2,76 MDH, faute d’avoir utilisé ces fonds. La Cour des comptes a mis en évidence la nécessité de réformer les textes réglementaires afin d’harmoniser le décret relatif à l’octroi de ce soutien avec les lois organiques sur les partis politiques et le code des juridictions financières. En effet, certaines dispositions du décret actuel sont inadaptées, notamment celles qui imposent une « déclaration préalable » de conformité à l’emploi des fonds. La Cour recommande au Chef du Gouvernement et au ministère de l’Intérieur de revoir ces textes pour éviter des incohérences juridiques et assurer une meilleure gestion des fonds publics.
Comptes de campagnes électorales : La Cour des comptes resserre l’étau sur les partis politiques
Un autre aspect important du rapport porte sur l’examen des comptes des campagnes électorales des candidats aux élections de 2021. En vertu de la loi organique sur les élections des membres des conseils des collectivités territoriales, elle a constaté que 21 élus n’avaient pas déposé leurs comptes de campagne, malgré l’obligation légale. Ces élus sont désormais sous le coup de sanctions, la Cour ayant saisi les tribunaux administratifs compétents pour demander l’annulation de leurs élections.
Par ailleurs, la Cour a envoyé au ministère de l’Intérieur une liste de 474 candidats qui n’ont pas soumis leurs comptes de campagne. Ces candidats sont désormais inéligibles pour les élections législatives générales et partielles, ainsi que pour les élections des conseils des collectivités territoriales et des chambres professionnelles, pour deux mandats successifs. Cette mesure est prévue par les articles 96, 97 et 158 des lois organiques relatives aux élections, et vise à assurer la transparence des campagnes électorales en matière de financement.
Dans l’ensemble, le rapport de la Cour des comptes met en lumière des lacunes importantes dans la gestion des finances des partis politiques et des candidats aux élections. Si des progrès ont été réalisés en matière de restitution des fonds non utilisés ou non justifiés, il reste des efforts à fournir pour garantir une transparence totale et une meilleure gestion des fonds publics.
Le soutien de l’État aux partis politiques, bien qu’indispensable, devrait être mieux encadré et les partis doivent être formés en matière de gestion financière pour éviter les erreurs de gestion et d’inefficacité. De plus, la nécessité d’une réforme des textes réglementaires est clairement soulignée pour harmoniser les lois et garantir une application cohérente des règles de financement politique. La Cour des comptes continue donc de jouer un rôle de vigie dans la gestion des fonds publics, s’assurant que les ressources allouées aux partis et aux candidats sont utilisées conformément aux principes de transparence et de responsabilité.