Transport maritime, l’autre vecteur d’inflation au Maroc

Entre 2012 et 2022, le Maroc a connu une inflation notablement impactée par les fluctuations des coûts du transport maritime, selon une analyse approfondie de Bank Al-Maghrib (BAM). Cette étude, réalisée par les économistes Saïda Hajjaji et Kamal Lahlou, met en exergue la relation directe entre l’augmentation des tarifs de fret et la progression de l’indice des prix à la consommation (IPC). En particulier, les biens échangeables, tels que les produits alimentaires et énergétiques, ont été durement touchés par cette dynamique.

Les déséquilibres dans le secteur du transport maritime, exacerbés par des crises internationales, ont été amplifiés depuis la pandémie de COVID-19. L’indice Harpex, qui suit l’évolution des coûts du transport des porte-conteneurs, a montré des hausses récurrentes sur de longues périodes. Parallèlement, l’indice Baltic, mesurant les tarifs pour les matières premières sèches, a souligné des fluctuations à court terme. Ces indicateurs illustrent comment chaque augmentation des tarifs de fret a entraîné une hausse de l’IPC marocain allant jusqu’à 0,3 % sur une durée de 8 à 12 mois.

La hausse des coûts logistiques n’est pas un phénomène isolé. Les tensions géopolitiques et les bouleversements mondiaux ont joué un rôle déterminant. En 2022, le conflit russo-ukrainien a perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, contribuant à maintenir les prix du fret maritime à des niveaux historiquement élevés. À cela s’ajoute la consolidation des alliances entre grands armateurs, qui a renforcé leur pouvoir de fixation des prix, et la volatilité des coûts énergétiques, un élément essentiel pour le transport maritime.

En 2024, de nouvelles perturbations se sont manifestées, notamment avec les attaques en mer Rouge qui ont poussé plusieurs compagnies maritimes à éviter le canal de Suez. Ce détour forcé a engendré des coûts supplémentaires, notamment pour les échanges commerciaux entre l’Europe et l’Asie, dont dépendent fortement les économies de la région MENA, y compris le Maroc.

Un impact direct sur les produits alimentaires et énergétiques

Dans un pays où l’économie repose largement sur les importations, en particulier pour les denrées alimentaires et les énergies fossiles, la hausse des coûts de transport se répercute immédiatement sur les prix des produits à la consommation. Les familles marocaines ressentent directement cette pression financière dans leur quotidien. Le panier moyen des ménages, composé à plus de 30 % de produits importés, reflète une inflation accrue, rendant la vie quotidienne plus coûteuse.

Les économistes de BAM ont également identifié une vulnérabilité structurelle de l’économie marocaine face à ces fluctuations. En l’absence de diversification suffisante des sources d’approvisionnement et d’une capacité de production nationale accrue, le Maroc reste tributaire des coûts logistiques mondiaux, ce qui affaiblit sa résilience économique.

Face à ces défis, le gouvernement marocain est appelé à adopter des mesures ambitieuses pour amortir l’impact des coûts du transport maritime sur l’inflation. L’investissement dans les infrastructures portuaires et logistiques, notamment pour renforcer les capacités locales de stockage et de production, est un levier essentiel pour limiter la dépendance aux importations. Par ailleurs, la diversification des partenaires commerciaux et l’exploration de nouvelles routes maritimes moins coûteuses peuvent contribuer à réduire les effets des hausses de tarifs.

La mise en place de politiques fiscales adaptées, telles que la réduction des taxes sur les produits de première nécessité, pourrait également aider à protéger le pouvoir d’achat des ménages. En parallèle, des incitations à l’économie verte, telles que le développement d’énergies renouvelables pour réduire la facture énergétique, offriraient une opportunité de développement durable.

Alors que les tensions internationales et les incertitudes économiques persistent, le Maroc doit réaffirmer son engagement à trouver des solutions structurelles à long terme. Les conclusions de Bank Al-Maghrib soulignent la nécessité d’un dialogue constructif entre les secteurs public et privé pour faire face aux bouleversements dans le transport maritime et prévenir les chocs inflationnistes futurs. En définitive, une stratégie économique résiliente et inclusive est essentielle pour protéger l’économie marocaine des aléas du commerce mondial.

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