Chantiers des grandes réformes: Zineb El Adaoui expose la situation au Parlement

La Cour des comptes a poursuivi ses efforts en matière de suivi de la mise en œuvre des chantiers des grandes réformes initiés par le Royaume, tout en identifiant les risques pouvant entraver l’atteinte des objectifs assignés à ces chantiers, a affirmé le Premier Président de la Cour des Comptes, Mme Zineb El Adaoui.

S’exprimant lors d’une séance commune des deux Chambres du Parlement consacrée à la présentation d’un exposé sur les activités de la Cour au titre de 2023-2024, Mme El Adaoui a indiqué que dans le cadre du suivi de la mise en œuvre des chantiers des grandes réformes, la Cour des comptes a procédé, au titre de l’exercice 2023-2024, et à l’instar des deux dernières années, à une appréciation de l’état des actions réalisées et celles en cours, et a identifié les risques potentiels et ce en matière de réalisation des chantiers de la protection sociale, l’investissement, les établissements et entreprises publics, ainsi que de la réforme fiscale.

Aussi, et dans le cadre de ses travaux de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des grands chantiers, la Cour a accordé une attention particulière à deux problématiques, en l’occurrence l’eau et la régionalisation avancée en y consacrant des recommandations dans le présent rapport, a ajouté Mme El Adaoui.

S’agissant du secteur de l’eau, le Royaume a adopté des politiques hydriques proactives depuis les années 1960, en commençant par la politique de construction de barrages, afin d’améliorer la durabilité des ressources en eau et de renforcer la capacité à faire face aux défis environnementaux et économiques, jusqu’au lancement du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI), avec pour objectif de sécuriser l’approvisionnement en eau potable et satisfaire les besoins des secteurs productifs, et dont le budget a été porté à 143 milliards de dirhams (MMDH), a-t-elle rappelé.

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A cet égard, la capacité totale de stockage des barrages est passée de 18,7 milliards de m³ en 2020 à 20,7 milliards de m³ en 2023 grâce à la mise en service d’un ensemble de barrages, dont la construction a commencé avant le lancement du programme, notamment les barrages Todgha, Tiddas, Agdz et Fask, a-t-elle relevé, notant qu’en raison principalement aux résiliations des marchés de travaux les concernant, certains projets de grands barrages ont enregistré du retard par rapport aux prévisions, notamment les barrages de M’dez et Targa Ou Madi.

Compte tenu de la retenue actuelle des barrages, qui ne dépasse pas 29% à fin décembre 2024, Mme El Adaoui a souligné l’impératif d’orienter les projets de construction des barrages vers les régions bénéficiant de fortes précipitations, afin d’éviter toute perte des apports hydriques et d’en maximiser l’exploitation, notamment aux niveaux des bassins hydrauliques de Sebou, Loukkos, Bouregreg et Oum Er-Rbia.

De surcroît, il est nécessaire d’accélérer le rythme de réalisation des projets d’interconnexion des bassins hydrauliques, en tant que solution innovante pour atténuer la pénurie d’eau dans les zones souffrant d’une diminution de leurs ressources hydriques, et pour réduire les disparités territoriales dans la répartition de ces ressources, a-t-elle ajouté.

Il s’agit également de parachever les projets d’interconnexion entre les bassins hydrauliques de Loukkos, Sebou, Bouregreg et Oum Er-Rbia, ainsi que l’accélération des projets de mobilisation des ressources non conventionnelles, tels que le traitement des eaux usées et le dessalement de l’eau, dont les stations de dessalement des eaux à Casablanca, Dakhla, Rabat et l’Oriental, de sorte, a-t-elle expliqué, à renforcer la gestion intégrée des ressources en eau tout en veillant à la préservation des réserves stratégiques en eaux souterraines.

Toutefois, les efforts déployés, pour moderniser les réseaux d’irrigation collective et promouvoir l’irrigation localisée n’ont pas permis de stabiliser la demande en eau d’irrigation, a fait remarquer Mme El Adaoui, précisant que la superficie équipée en systèmes d’irrigation localisée a représenté près de 50% de la superficie irriguée à l’échelle nationale à fin 2023 et ce, « compte tenu de la lenteur de la dynamique d’équipement interne des domaines agricoles dans le cadre des projets collectifs de conversion à ce système d’irrigation ».

Le secteur agricole ne tire pas profit pleinement du potentiel des eaux usées traitées, sachant que leur volume a atteint environ 37 millions de m³ en 2023, a-t-elle noté, expliquant cette situation par plusieurs facteurs dont l’absence de normes fixant les caractéristiques de qualité des eaux usées traitées, destinées à être utilisées dans le secteur.

La gestion efficace de l’eau passe également par la poursuite de la réduction des quantités importantes de fuites dans les réseaux en augmentant leur efficacité de 77%, comme moyenne nationale actuelle, à 80% comme objectif d’ici 2030, a-t-elle enchainé.

Bien que le Maroc ait œuvré à adapter l’arsenal juridique lié à l’eau, « l’approche juridique reste insuffisante à moins qu’elle ne soit conjuguée à une approche multidimensionnelle garantissant la réalisation de l’intégration et de la convergence entre les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie et la compatibilité de leurs stratégies au niveau territorial ».

Tenant compte des expériences réussies à l’échelle mondiale, Mme Al Adaoui a appelé à renforcer le recours aux énergies renouvelables pour mobiliser les ressources en eau, à promouvoir la recherche scientifique dans le domaine de l’eau et à encourager la collaboration avec les universités et les laboratoires de recherche, en vue de contribuer à l’élaboration de solutions locales aux problématiques environnementales, en l’occurrence celles liées à l’eau et au sol.

Elle a également souligné la nécessité d’exploiter tous les canaux de communication possibles afin de sensibiliser les entreprises, les ménages et les citoyens à la nécessité de rationaliser leur comportement en matière de consommation d’eau, en plus de renforcer les mécanismes de dissuasion contre les comportements irresponsables concernant la consommation d’eau.

D’autre part, Mme El Adaoui a confirmé que, concernant le chantier de réforme de la régionalisation avancée, la Cour des comptes a suivi cette réforme au cours de l’année 2024, poursuivant ainsi la mission thématique qu’elle avait accomplie à cet égard en novembre 2023.

Elle a affirmé que les autorités publiques ont initié l’accélération de ce chantier à travers une série de réformes juridiques et institutionnelles liées à la décentralisation et à la déconcentration administrative, en plus de l’allocation de mécanismes renouvelés et de ressources pour soutenir les régions dans l’exercice de leurs compétences et le renforcement de leurs capacités de gestion, faisant état de la poursuit de la tendance ascendante des ressources financières allouées par l’État en faveur des régions.

À cet égard, elle a précisé que les contributions du fonds spécial relatif au produit des parts d’impôts affectées aux régions sont passées de 3,79 MMDH en 2016 à 8,79 MMDH en 2023, soulignant que le total des ressources transférées par l’État s’élevait à environ 57,64 MMDH du 1er janvier 2018 à fin 2024, auxquelles s’ajoutent les ressources du fonds de solidarité interrégionale qui ont atteint 6,19 MMDH durant la même période.

Mme El Adaoui a noté que la mise en oeuvre de ce chantier structurel nécessite davantage d’efforts pour accélérer la mise en application de la Charte nationale de la déconcentration administrative sur le terrain. Cela implique l’application des mesures programmées et l’évaluation des résultats, confirmant que le taux d’avancement de la feuille de route relative à cette charte n’avait pas dépassé 36% jusqu’à mi-octobre 2024.

Elle a également ajouté que le rythme de transfert et de délégation des compétences prioritaires en matière d’investissement vers les services déconcentrés, reste insuffisant, avec un taux ne dépassant pas 38% à mi-octobre 2024.

Concernant le cadre juridique et institutionnel de la régionalisation avancée, Mme El Adoui a affirmé que la réalisation des objectifs escomptés, notamment permettre aux régions de remplir leurs rôles dans développement, est tributaire de la précision et de l’adaptation des textes législatifs et réglementaires qui régissent les domaines d’intervention des départements ministériels liés aux compétences des régions, y compris 18 domaines relevant des compétences propres des régions et trois domaines dans les compétences partagées, afin de délimiter les champs d’intervention des différents acteurs institutionnels et à atténuer le chevauchement de leurs attributions avec celles des régions.

Il est également important de définir les compétences et l’organisation des représentations administratives régionales communes et sectorielles approuvées par la Commission interministérielle de la déconcentration administrative, et la délégation des compétences décisionnelles à celles-ci, afin d’assurer l’unité d’action des services de l’État au niveau régional et de garantir une bonne coordination entre eux, a ajouté Mme El Adaoui, indiquant qu’il a été procédé à l’approbation de trois représentations communes, ainsi que deux représentations sectorielles.

En ce qui concerne les mécanismes d’activation de la régionalisation avancée, Mme El Adaoui a indiqué que la Cour a noté une utilisation limitée du mécanisme de contractualisation entre l’État et les régions pour l’exécution des projets prioritaires inclus dans la première génération des programmes de développement régional.

Elle a fait remarquer que, durant la période 2020-2022, seules quatre régions ont finalisé la procédure de signature des contrats-programmes avec l’État, englobant 197 projets de développement pour un coût total de 23,56 MMDH. Toutefois, le taux de projets complètement achevés dans le cadre de ces quatre contrats-programmes n’a pas dépassé 9%, tandis que 80% des projets étaient encore en cours de réalisation jusqu’à fin avril 2024.

Elle a insisté sur le fait que la réussite de la contractualisation entre l’État, les régions et les autres parties prenantes dépend de l’adoption d’un cadre réglementaire qui définit clairement les obligations des différentes parties durant les phases de préparation et de mise en œuvre, ainsi que de la rationalisation et du contrôle des délais des procédures relatives à la conclusion du contrat, dans le but de combler les lacunes observées dans l’implémentation de la première génération des programmes de développement régional.

Cette situation nécessite une grande précision dans la définition des projets prioritaires à réaliser dans le cadre d’un contrat entre l’État, la région et les autres intervenants, intégrant les mécanismes susceptibles de garantir leur succès, notamment par la définition des formalités et des conditions de signature et de mise en œuvre de ce contrat, a-t-elle fait valoir.

Et de poursuivre qu’il est également nécessaire d’accompagner les régions dans la réalisation des programmes de développement régional qui ont été approuvés afin de remédier aux lacunes précédemment enregistrées, en tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières engagées.

Mme El Adaoui a conclu en indiquant que, concernant la feuille de route pour la prochaine étape, la Cour des comptes a pris note des recommandations issues des travaux de la deuxième édition des Assises nationales de la régionalisation avancée, tenus en décembre dernier, qui sont en phase avec les conclusions du rapport d’évaluation institutionnelle de la régionalisation avancée de la Cour de novembre 2023.

Avec MAP

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