Le marché des vêtements d’occasion au Maroc se réorganise

Le marché des vêtements d’occasion au Maroc connaît une forte croissance, notamment en ligne, malgré les défis réglementaires. La fermeture des frontières, l’introduction de licences officielles et des tensions internationales autour des exportations pourraient redéfinir le secteur, impactant fortement les petits commerçants et les travailleurs de l’économie informelle.

Le commerce des vêtements d’occasion continue de croître au Maroc, mais les évolutions législatives pourraient menacer cet essor. Historiquement, ce secteur était principalement concentré dans le nord du pays, notamment autour des villes de Ceuta et Melilla. Toutefois, il a progressivement migré vers d’autres régions, notamment le centre du pays.

Aujourd’hui, les grandes villes comme Casablanca et Rabat concentrent une part importante du marché des vêtements d’occasion, remplaçant Fnideq, qui était autrefois un carrefour clé pour cette activité. La fermeture des frontières avec Ceuta et Melilla en 2020 a en effet bouleversé l’équilibre de ce commerce transfrontalier, entraînant une redistribution géographique de l’activité.

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Jusqu’à une période récente, la gestion de ce marché se faisait majoritairement par des circuits informels, dans un cadre réglementaire flou, ce qui permettait à de nombreux petits commerçants de se lancer dans cette activité avec une certaine liberté. Toutefois, le Covid-19 a poussé l’exécutif à formaliser ce secteur, notamment à travers l’introduction de licences délivrées par le ministère de l’Industrie et du Commerce. Ces licences visent à encadrer l’activité et à garantir une traçabilité des opérations. Cependant, leur obtention est soumise à des conditions strictes. Par exemple, une règle majeure impose que seulement 20 % des textiles triés puissent être revendus sur le marché local, contre 30 % avant l’instauration de ces licences. Le reste doit être recyclé ou exporté.

Certaines entreprises spécialisées dans ce domaine, comme celles situées à Tétouan et à Nador, ont su s’adapter et se positionner sur ce marché réglementé. Cependant, ces sociétés sont confrontées à des restrictions sévères. Chaque unité de tri doit respecter des quotas de vente, qui sont déterminés en fonction du nombre d’employés enregistrés à la CNSS. Or, un problème majeur réside dans les écarts entre les effectifs déclarés et réels au sein de ces entreprises, privant ainsi de nombreux travailleurs de leurs droits sociaux et de la couverture de sécurité sociale.

L’importation de vêtements usagés reste, pour beaucoup, une activité extrêmement rentable. En effet, chaque tonne de vêtements d’occasion, achetée à environ 5 dirhams le kilo, peut être revendue localement pour 25 dirhams le kilo, offrant ainsi une marge bénéficiaire importante. Toutefois, cette richesse générée par l’importation et la vente de ces articles est loin d’être équitablement répartie. Les petits commerçants du nord, qui étaient historiquement au cœur de ce commerce, voient leur place marginalisée par quelques grands acteurs économiques, qui, grâce à leurs licences, contrôlent désormais une grande partie du marché.

Le système réglementaire actuel présente aussi de graves dérives. Bien que certaines marques de luxe soient normalement interdites dans le cadre de ce commerce de vêtements usagés, il n’est pas rare de retrouver des produits de ces grandes marques dans les cargaisons destinées au recyclage.

Cette réorganisation et cette formalisation du secteur ont également un impact social significatif. En effet, elle prive de nombreuses familles des revenus issus de l’économie informelle, laquelle était jusqu’alors une source essentielle de subsistance pour de nombreux travailleurs. Selon les médias, un acteur associatif a rapporté que le gouvernement a retiré la contrebande à 40.000 personnes pour la confier à une poignée d’individus, ce qui génère une inégalité considérable dans le partage des bénéfices de ce secteur. Selon les médias toujours, des rumeurs circulent, alimentées par les industriels du textile, concernant une possible interdiction des friperies. Une telle décision, si elle venait à se concrétiser, risquerait d’entraîner des pertes massives d’emplois et de mettre en difficulté des milliers de petits commerçants.

À l’international, les incertitudes se multiplient. La Commission européenne examine la possibilité de limiter l’exportation de vêtements invendus vers les pays non membres de l’OCDE, ce qui pourrait avoir des impacts considérables sur le secteur marocain des friperies. En effet, cette mesure risquerait de perturber une partie importante de l’approvisionnement et des exportations vers le Maroc, réduisant ainsi la disponibilité des vêtements invendus.

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