Chiffres du tourisme : querelle de chiffres entre gouvernement et l’opposition
Le tourisme est-il réellement en plein essor ou bénéficie-t-il d’une lecture biaisée des statistiques ? C’est la question qui agite la scène politique nationale, alors que l’opposition fustige la manière dont le gouvernement présente les performances du secteur. Lors du dernier Conseil des ministres, des voix discordantes se sont élevées, dénonçant une manipulation des données qui masquerait les véritables faiblesses structurelles du secteur.
Le gouvernement se félicite d’une année record pour le tourisme, avec 17,4 millions de visiteurs enregistrés en 2024. Mais cette annonce suscite la défiance des partis d’opposition, qui dénoncent une interprétation trop accommodante des statistiques. Selon eux, l’inclusion des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans le décompte global fausse la perception des performances réelles du secteur.
Hamid Deraq, député de l’Union socialiste, a vivement critiqué cette approche, rappelant que près de 47 % des visiteurs recensés en 2024 sont des MRE. « Il est absurde d’assimiler ces Marocains, qui reviennent dans leur pays d’origine pour des séjours familiaux, aux touristes internationaux que nous devons attirer pour dynamiser notre économie », a-t-il asséné. Si la diaspora participe incontestablement à l’économie nationale à travers ses transferts financiers et ses dépenses sur place, elle ne saurait être considérée comme un indicateur de l’attractivité touristique du pays au sens strict.
Au-delà des querelles statistiques, l’opposition dénonce une réalité bien plus préoccupante : l’incapacité du gouvernement à répondre aux défis structurels du secteur. Parmi les griefs soulevés figurent le manque d’infrastructures adaptées, l’insuffisance de l’offre hôtelière et la faiblesse des investissements dans certaines régions. Les élus ont notamment mis en lumière les retards persistants dans des zones comme Drâa-Tafilalet, qui, malgré son fort potentiel touristique, peine à capter une clientèle étrangère en raison de l’absence d’infrastructures modernes et d’une promotion insuffisante.
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Autre motif d’inquiétude : la flambée des prix dans les stations balnéaires et les villes touristiques. De plus en plus de familles marocaines choisissent aujourd’hui de passer leurs vacances à l’étranger, notamment en Turquie ou en Espagne, plutôt que de séjourner dans leur propre pays, jugé trop onéreux. Un phénomène qui vient contredire les ambitions du gouvernement de faire du Maroc une destination de choix pour les nationaux et les étrangers.
Si le gouvernement met en avant les bons chiffres de fréquentation, l’opposition rappelle que le Maroc perd du terrain sur la scène internationale. Le pays a ainsi reculé de douze places dans l’Indice de développement des voyages et du tourisme, un signal d’alarme selon certains experts du secteur. Ce déclassement serait le symptôme d’une politique insuffisamment ambitieuse, où la charge fiscale élevée sur les hôtels et les entreprises de transport pèse sur la compétitivité.
Cependant, les parlementaires critiques estiment que l’embellie constatée en 2024 ne repose pas sur une stratégie gouvernementale efficace, mais plutôt sur des facteurs externes. La Coupe du monde 2022, qui a suscité un engouement international pour le Maroc après la performance historique des Lions de l’Atlas, ainsi que la reprise globale du secteur post-COVID, auraient artificiellement dopé les arrivées touristiques.
« Si nous voulons réellement atteindre l’objectif affiché de 26 millions de touristes d’ici 2030, il faudra cesser de se reposer sur des conjonctures favorables et adopter une politique ambitieuse et structurée », martèle un député de l’opposition. Pour cela, il appelle à une refonte du modèle touristique, avec une offre plus diversifiée, des incitations fiscales mieux adaptées et un effort accru en matière de promotion à l’international.
Face à ces critiques, le gouvernement campe sur ses positions et défend le bien-fondé de son approche. Pour lui, les chiffres de fréquentation traduisent une tendance positive et confirment l’attractivité croissante du pays. Reste que la querelle de chiffres continue d’alimenter le débat, mettant en lumière les profondes divergences sur la trajectoire à adopter pour consolider durablement le tourisme.