Le sommet Europe Afrique prend des mesures d’urgence sur l’ésclavage en Libye
Le 5e sommet Europe-Afrique a débouché mercredi soir sur une série de mesures d’urgence pour mettre un terme à l’esclavage de migrants en Libye, devenu un des thèmes centraux des débats.
Evacuation d’urgence des Africains désirant quitter la Libye, « task force » policière et de renseignement, commission d’enquête mais aussi une communication pour dissuader les jeunes de tenter l’exode sont prévus, a annoncé le président français Emmanuel Macron à l’issue d’une réunion d’urgence de neuf pays sur le sujet.
Après le scandale international né de la diffusion d’images de marché aux esclaves en Libye, l’immigration s’est imposée comme le thème majeur du sommet qui réunit environ 80 chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que 5.000 délégués à Abidjan mercredi et jeudi.
Les dirigeants se sont mis d’accord pour mener des « opérations d’évacuation d’urgence dans les prochains jours ou semaines », a dit M. Macron.
« Il a été décidé de mettre en place une coopération renforcée sur le plan sécurité et intelligence pour démanteler les réseaux de trafiquants (…) une coopération étroite sera mise en place avec une task force opérationnelle associant les services de police et d’intelligence(…) pour démanteler les réseaux et leur financement », a-t-il précisé rappelant que les « trafiquants d’être humains » étaient « profondément liés » aux trafiquants d’armes, de drogue et aux mouvements terroristes qui opèrent dans toute la bande sahélo-sahelienne ».
Une commission d’enquête de l’Union africaine va être mise en place sur le sujet, a révélé M. Macron, soulignant qu’une « communication volontariste à destination de la jeunesse » était nécessaire pour « décourager ceux qui ont cédé aux sirènes des passeurs ».
Il a aussi estimé « qu’in fine, il est indispensable de reconstituer un Etat pérenne » en Libye.
Auparavant, lors de l’ouverture du sommet, le président ivoirien Alassane Ouattara avait appelé les jeunes « à ne pas (se) lancer à l’aventure au péril de (leurs) vies ».
60% de la population africaine a moins de 25 ans, et des centaines de milliers de jeunes désespérés par le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives dans leurs pays – en dépit de taux de croissance enviables pour certains d’entre eux – tentent d’émigrer vers l’Europe chaque année.
« Ce sommet doit être le point de départ d’une action résolue contre cette tragédie » de l’immigration et de ses conséquences, a lancé le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a relevé que la « croissance économique impressionnante » en Afrique durant la dernière décennie était « insuffisamment inclusive », autrement dit que les inégalités de revenus restent trop importantes, ce qui pousse les jeunes à continuer d’émigrer.
Mardi, le président du Parlement européen, Antonio Tajani, avait déclaré vouloir proposer un « plan Marshall » pour le développement de l’Afrique, notamment pour investir massivement dans ses infrastructures.
« Cela fait des années que nous dénonçons comment les migrants en Libye sont victimes de détention arbitraire, de torture, de viol, d’exploitation », a rappelé Amnesty International appelant les dirigeants africains à « se réveiller ».
« Ce ne sont pas des promesses vides qui créeront les 22 millions de nouveaux emplois annuels dont l’Afrique a besoin », a fustigé la directrice Afrique de l’ONG ONE (fondée par le chanteur Bono), Rudo Kwaramba-Kayombo. « Les dirigeants de l’UA et de l’UE doivent investir dans le développement à long terme et comprendre qu’en donnant la priorité à l’éducation, l’emploi et l’émancipation des jeunes ».
La question de la sécurité a aussi être abordée, au moment où l’Afrique de l’Ouest en particulier connaît une montée en puissance de groupes jihadistes, en partie liée à la désespérance de la jeunesse africaine.
L’UE affiche son soutien au G5 Sahel, (Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad) qui s’efforce de mettre en place une force antijihadiste dans cette région, mais le financement de cette force est encore largement insuffisant. Seule la moitié de son budget a été réuni, bien qu’il ait été divisé par deux, à 240 millions d’euros.
« Le G5 Sahel a besoin d’une force africaine capable d’imposer la paix, dotée d’un mandat à la hauteur des menaces et d’un financement pérenne », a plaidé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres.