Boualem Sansal, l’Algérie et les droits humains

Par Hubert Seillan*

Boualem Sansal l’écrivain franco-algérien, lauréat du grand prix du roman de l’Académie française en 2015, a été arrêté à l’aéroport d’Alger le samedi 16 novembre. Depuis, le silence règne…

Un autre écrivain franco-algérien, Kamel Daoud, prix Goncourt 2024 pour « Houris », a réagi immédiatement dans Le Figaro. « J’espère vivement que mon ami Boualem reviendra parmi nous très bientôt », a-t-il écrit, tout en confiant son incompréhension face à l’« imprudence » dont il aurait fait preuve, en se rendant en Algérie. Ce qui en dit long sur l’État de droit dans ce pays.

Le président Macron a ensuite dit que cette arrestation « déshonore » l’Algérie. Mais dans un très long entretien au journal L’Opinion du 3 février 2025, le président Tebboune a opposé un mur de béton à cette critique. « Boualem Sansal n’est pas un problème algérien. C’est un problème pour ceux qui l’ont créé. Jusqu’à présent, il n’a pas livré tous ses secrets. C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie. » Il a ajouté que « Sansal n’est français que depuis cinq mois (…et) est d’abord algérien depuis soixante-quatorze ans ». La nationalité ne se découpe cependant pas en tranches car son état est indifférent au temps. L’essentiel de cette affaire n’est toutefois pas là car ce sont les droits humains qui sont en cause.

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De quoi s’agit-il ? Que disent les textes ?

L’écrivain est accusé d’avoir commis un acte «terroriste ou subversif» défini par l’art. 87 bis du Code pénal. « Est considéré comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de :

– semer l’effroi au sein de la population et créer un climat d’insécurité, en portant atteinte moralement (…) aux personnes … ». La généralité de ce deuxième alinéa fait frémir. Il permet de poursuivre tout propos critique en le qualifiant d’acte terroriste ou subversif. Il s’agit d’un crime, ce qui conduit à prononcer les peines les plus lourdes.

Ainsi, c’est avec le même flou que l’ art. 87 bis 1 aggrave les peines encourues, la peine de mort étant dans ses prévisions. L’OIT s’en était émue lorsqu’il fut publié : « Lorsque la législation antiterroriste est libellée en termes vagues et généraux, elle peut avoir une incidence sur les libertés d’expression, de réunion et d’association ».

Seul à avoir parlé, le président a simplement relevé que l’écrivain « est allé dîner chez Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ à Alger ».

Il ne s’agit pas d’ un coup d’essai pour le pays

Le 9 janvier 2009, Ahmed El Khalil fut arrêté à Alger. Ex-dirigeant du Polisario, il était devenu très critique à l’égard du régime en invoquant des malversations financières à l’égard de la communauté marocaine vivant à Tindouf, dans le sud algérien. Il n’a toujours pas été jugé, sa famille n’est pas autorisée à lui rendre visite et m’a confié la défense de ses intérêts.

Mais aucun de mes courriers aux pouvoirs publics et judiciaires du pays et aucune de mes déclarations devant la 4ème Commission et le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, n’ont reçu de réponse. Pourtant, dans une décision du 27 juillet 2020, ce dernier avait enjoint à l’Algérie de « libérer immédiatement Ahmed El Khalil, s’il est toujours détenu au secret ».

Ce précédent n’est pas de bon augure pour Boualem Sansal.

*Avocat au barreau de Paris

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