Zoulikha Nasri : L’excellence dans la discrétion, la rigueur dans l’action

Dans l’histoire contemporaine du Maroc, rares sont les figures qui incarnent avec autant de force l’alliance entre engagement, rigueur et discrétion. Feue Zoulikha Nasri, première femme à occuper le poste de conseillère du Roi, demeure un modèle intemporel de dévouement et d’excellence, une pionnière qui a su imposer son autorité dans un monde dominé par les figures masculines, sans jamais chercher la lumière pour elle-même.
Native d’Oujda, son parcours est une ascension exemplaire, fruit d’un mérite incontestable et d’un engagement sans faille. Diplômée en droit à l’Université Mohammed V de Rabat et spécialisée en finances et assurances, elle s’impose rapidement comme une référence dans son domaine. Son doctorat d’État en droit privé à l’Institut des Assurances de Lyon lui confère une expertise rare, qu’elle mettra au service du Maroc avec une rigueur exemplaire.
Son ascension dans l’administration est fulgurante. Elle intègre le ministère des Finances et s’impose par sa maîtrise technique et son sens aigu de la gouvernance. Directrice des Assurances, elle assainit un secteur gangrené par les irrégularités, imposant des règles strictes et une gestion transparente. Cette réputation de fermeté et d’intégrité lui ouvre les portes du gouvernement en 1997, lorsqu’elle est nommée Secrétaire d’État aux Affaires sociales, en charge de l’Entraide nationale. Une fonction qui révèle sa fibre humaniste, elle qui ne considérait jamais la solidarité comme un simple concept, mais comme un engagement quotidien.
Sa carrière prend une tournure historique en 1998 lorsque Feu Hassan II la nomme conseillère royale, une fonction qu’elle conserve sous le règne de Sa Majesté Mohammed VI. Unique femme dans un cercle restreint, elle devient une interlocutrice privilégiée du Souverain, portant la voix des plus vulnérables et traduisant la volonté royale en actions concrètes. Son intelligence stratégique, alliée à une connaissance fine des rouages de l’administration, en fait une figure incontournable des grandes réformes sociales et économiques.
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L’œuvre qui lui survivra est sans doute son travail à la tête de la Fondation Mohammed V pour la solidarité. Visionnaire, elle structure l’action sociale du Royaume, met en place des mécanismes efficaces de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, et orchestre une mobilité sans précédent en faveur des démunis. Son engagement ne se limitait pas aux bureaux climatisés : sur le terrain, elle était une femme d’action, au contact direct des populations en détresse. Sa présence, en 2004, à Al Hoceïma après le séisme, en est une illustration poignante. Dormant à peine, organisant les secours, veillant à ce que l’aide ne soit ni détournée ni instrumentalisée, elle a été, une fois de plus, la cheville ouvrière d’une action humanitaire d’envergure.
D’une simplicité désarçonnante, d’une humilité déconcertante, elle a toujours été fidèle à sa sobriété. La jovialité et la chaleur d’une âme vouée à la tâche, l’humanisme porté non comme un colifichet mais comme un blason, elle traduisait la pensée royale sur le terrain et devançait les souhaits parce qu’intimement, colletée aux soucis et à l’écoute des citoyens. Autant dire que la solidarité n’était pas chez elle un vain mot mais plutôt le principe de son engagement.
D’une rigueur exemplaire, elle était redoutée par ceux qui manquaient à leur devoir, mais sa voix ferme s’adoucissait au contact des plus vulnérables. Femme de terrain, elle savait aussi contrôler la haute administration avec une maîtrise rare. Son style ? Une sobriété sans faille, un engagement total, une humilité déconcertante. Fidèle à elle-même, elle a refusé les honneurs et préféré la mission. Infatigable, exigeante avec elle-même et avec les autres, elle incarne cette génération de serviteurs de l’État pour qui l’intérêt général prime sur toute autre considération.
Son décès en 2015 a laissé un vide immense. Zoulikha Nasri ne fut pas seulement une femme d’influence, elle fut une femme d’impact, dont le legs perdure à travers les institutions et les réformes qu’elle a impulsées. Modèle de droiture, d’intelligence et d’engagement, elle reste une référence indélébile dans l’histoire du Maroc, un symbole à jamais ancré dans la mémoire collective du pays. Puissante dans sa discrétion, exceptionnelle dans sa nature, elle aura été la première femme avec qui le titre de conseiller du Roi a été conjugué au féminin. La fermeté et la détermination sont les caractéristiques de la première femme qui a fait partie de l’entourage très proche de deux Rois pendant plusieurs années.