5ème Sommet UE/UA – La capture du dividende démographique comme solution à l’immigration
Par Radouan Bachiri – Bruxelles
Le 5ème Sommet Union Européenne-Afrique qui s’est tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire les 29 et 30 novembre 2017, a accordé, dans ses débats une large part à la question de la vente de migrants en Libye, révélée par la chaîne de télévision CNN.
Les images diffusées par cette télé sur le commerce humain pratiqué par des Libyens a plus que rendu nécessaire et évident le thème de la 5ème réunion UE-Afrique : « Investir dans la jeunesse pour un développement durable ». L’Afrique présentée comme le continent de l’avenir avec une croissance annuelle de 5% depuis 2009, est aussi le continent où la pauvreté est accentuée. Elle frappe surtout les jeunes qui, pour échapper à la misère ont recours à tous les moyens dont celui du chemin tortueux libyen pour gagner l’Europe. La vague d’immigrants découverte, venant pour la plupart de l’Afrique Subsaharienne et réduite à l’esclavage a choqué le monde entier. De nombreuses déclarations de condamnation ont été faites lors du sommet. La vente de migrants a été qualifiée de crime contre l’humanité. CNN par son reportage est venue alerter sur le sort de milliers d’individus traités de façon inhumaine par des passeurs libyens et leurs complices venant, parfois, de l’Afrique subsaharienne. En alertant ainsi l’opinion publique, CNN a permis de les sauver.
Le Sommet, axé sur l’avenir de la jeunesse africaine a davantage abordé la question en annexe. Ainsi, le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), en marge de la rencontre d’Abidjan, a organisé un panel sur le dividende démographique. Le directeur régional du FNUAP, Mabingué Ngom s’est exprimé sur la question de la capture du dividende démographique : « Je crois qu’aujourd’hui, il y a beaucoup d’expériences assez positives qui permettent d’aller vers la capture du dividende démographique. Je pense qu’une approche intégrée, une approche très progressiste qui a été dirigée par les pays d’Asie qu’on appelle les dragons asiatiques est un peu à l’origine du taux de croissance élevé ». Selon Monsieur Mabingue Ngom, c’est la capture du dividende démographique qui a permis à ce pays d’accélérer la cadence. L’Afrique s’inscrit dans cette direction et il existe une très forte volonté politique.
Par ailleurs, le directeur régional du FNUAP a félicité l’Union africaine, et mentionne que la volonté politique n’est pas suffisante. « Je pense qu’il faut l’accompagner d’investissements d’envergure dans la santé, l’éducation, la formation et la bonne gouvernance afin que l’Afrique puisse accélérer sa marge de capture du dividende démographique ». Autre inquiétude qui a été rappelée par le directeur régional du FNUAP : la question fondamentale de la jeunesse. « Il y a eu beaucoup de lamentations sur la situation de la jeunesse mais il est à noter qu’elles ne sont pratiquement rendues perceptibles que grâce aux symptômes les plus visibles. Malheureusement, la question fondamentale de la croissance démographique qui fait en sorte aujourd’hui la demande sociale est très forte, elle, est très rapide et visiblement, les pays ne sont pas capables d’en suivre le rythme. Il faut donc agir sur cette évolution démographique mais il faut également travailler sur les conséquences de ce poids démographique qui a, aujourd’hui créé de multiples difficultés ici, en Afrique, au Sud du Sahara ».
La maîtrise du poids démographique selon des panélistes, doit être basée sur un effort fiscal additionnel de la part des pays. Celui-ci devrait servir de levier pour favoriser un engagement significatif de la communauté internationale afin que l’Afrique puisse atteindre une capture du dividende démographique efficiente. Parce que, soutiennent-ils, les efforts en cours ne sont pas suffisants. Or, sans cette capture, on ne peut parler d’une Afrique émergente indiquent les panélistes. « L’Afrique que nous voulons, passera absolument par la capture du dividende démographique. Et dans cette capture, il y a deux éléments essentiels qui sont la baisse de la fécondité et de la mortalité maternelle situées encore à un niveau tout simplement inacceptable.
Malgré les progrès qui ont été enregistrés aujourd’hui nous avons toujours une probabilité qu’une femme en Afrique ait cent fois plus de chances de mourir en donnant la vie. Nous pensons que ce n’est pas acceptable », souligne la ministre ivoirienne de la Santé et de l’hygiène publique, Raymobde Goudou Koffi. En 2017, la Côte d’Ivoire a consacré quatre cent millions de FCFA à l’achat de contraceptifs avec un accès facilité pour les femmes. En 2018, ce montant de quatre cents millions sera reconduit ; de plus, un avant-projet de loi sur la reproduction sexuelle va être présenté, début 2018, à l’Assemblée Nationale. Mabingue Ngom qui a pris part au panel sur la capture du dividende démographique aux côtés des ministres ivoiriens de la Santé, de l’Emploi ainsi que de l’ambassadeur Fréderic Bontems, plaide en ces termes : « nous pensons que nos femmes ne doivent plus mourir en donnant la vie ainsi que nos enfants. C’est à notre portée, et je crois que dans ce pays (ndlr : la Côte d’Ivoire) des efforts ont été faits. Cependant les pays peuvent faire encore plus ainsi que les partenaires pour que nous puissions aller vers l’émergence ».
Monsieur Mabingue Ngom a saisi l’occasion de ce panel organisé en marge du Sommet pour saluer le partenariat avec les agents des Nations Unies qui apportent leurs pierres à l’édifice dans la construction de cette Afrique de demain. « Je crois qu’il y a trois ou quatre situations majeures que nous devons faire évoluer. La première est qu’il faut cesser de marier nos filles à 13 ou 14 ans. La deuxième réside dans l’amélioration de l’accès aux services de planification familiale afin que toute femme qui désire passer à l’espacement des naissances puisse avoir accès à l’information et aux produits nécessaires. Il est également important que les adolescentes aient la possibilité d’accéder à une éducation sexuelle complète afin d’apprendre à maîtriser leur corps, d’être informées de l’utilisation de certains produits et enfin de connaître les lieux d’accueil et d’informations.
Ce sont trois mesures importantes qui permettront de résoudre la question de la croissance démographique et de baisser de plus de 1/3 les cas de mortalité maternelle. Ces mesures doivent aussi permettre de faire diminuer de façon significative les grossesses et mariages précoces ainsi que les avortements liés à ces situations. Je pense donc que ce sont des mesures très simples. Dès que la femme a accès aux services de planification familiale, vous réduisez de 1/3 les cas de mortalité maternelle. 400 femmes sur 100.900 vivantes. Et je pense que ce n’est pas négligeable lorsqu’il s’agit de sauver des vies humaines.
En 2017, nous avons fait beaucoup d’efforts en matière de mobilisation. Nous avons impliqué les chercheurs, les parlementaires et même créé des organisations de jeunes pour que celles-ci jouent un rôle capital dans ces évolutions sociétales. Nous avons également travaillé avec les leaders. Je pense qu’aujourd’hui, il y a une masse critique qui est là. Nous avons également développé des prototypes dans la région du Sahel à travers le programme Swedd. Et j’en profite pour rendre un hommage à nos partenaires de la Banque mondiale. Les 6 pays que sont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Mali, le Tchad et la Mauritanie avec qui nous travaillons. Ce projet nous a permis de montrer comment nous allons agir pour aller vers la capture du dividende démographique et avons profilé certains pays. De plus, des observatoires pour le dividende démographique sont en train d’être installés.
Donc 2018 sera une année de passage à l’opérationnalisation et à l’échelle des initiatives exposées tout à l’heure. Mais pour y arriver, nous avons besoin de ressources additionnelles. Et je voudrais vraiment insister pour lancer un appel à la communauté internationale pour que nous puissions accompagner ces pays. Et que ces pays, eux-mêmes, puissent faire un effort fiscal additionnel à la hauteur des problèmes auxquels ils doivent faire face aujourd’hui. Comme vous le savez, l’Unfpa respecte les lois de chaque pays. Nous respectons les dispositions de chaque état, ce qui ne change en rien la teneur des débats que nous avons eus au niveau politique avec ces différents pays pour régler la question des droits fondamentaux et de la santé inhérents à la fille, à la mère et à l’enfant. L’objectif de ces discussions étant que ces droits soient vraiment respectés ».