L’ONU veut garder la main sur le dossier syrien après l’échec de Sotchi
Par Abdellah CHAHBOUN
Sept ans de conflit qui a tout d’une tragédie interminable n’ont pas dissuadé l’émissaire onusien pour la Syrie, de tout faire pour ne pas paraître en retrait par rapport aux tentatives russes de prendre en main le destin de ce pays déchiré.
En faisant part de sa volonté d’agir pour redonner vie au processus de Genève, le diplomate italo-suédois Staffan de Mistura ne cache pas son intention de rebondir sur les avancées arrachées à Astana à l’initiative de Moscou. Mais paradoxalement, l’échec de la conférence Sotchi convoquée il y a peu par les Russes semble être perçu du côté des Nations-unies et des occidentaux comme une bonne nouvelle pour remettre sur les rails les pourparlers parrainés par l’organisation internationale.
« Genève paraît aujourd’hui plus que jamais au centre du jeu, et reprend sa place comme le seul cadre légitime pour progresser sur le chemin d’un règlement« , a affirmé un diplomate occidental sous couvert d’anonymat. Déjà en début d’année, le président français, Emmanuel Macron, avait donné le tempo en critiquant la démarche de Moscou associant la Turquie et l’Iran en affirmant que « la crise syrienne ne pouvait être réglée par quelques puissances seulement« .
Sans aller jusqu’à remettre en question les « bons-offices » russes, le médiateur de l’ONU souhaite surtout montrer que le processus engagé en Suisse n’est pas mort « si tout le monde s’engage à souligner la complémentarité des deux démarches« . Le successeur de Kofi Annan et de Lakhdar Brahimi fait tout son possible pour redonner du souffle au mandat qui lui a été confiée il y a deux ans. Reste que dans la donne actuelle, c’est Moscou en tant qu’allié indéfectible du régime de Damas, qui paraît être l’acteur clé de la crise d’autant plus qu’il a lancé un processus parallèle marqué par des négociations directes avec certaines composantes de l’opposition.
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Pour la première fois, les Russes sont parvenus de concert avec Ankara et d’autres acteurs à fixer une série d’engagements censés ouvrir la voie plus tard à un règlement global du conflit. Le mémorandum ainsi conclu prévoit la consolidation des « zones de désescalade » à Idleb, Lattaquié, Alep et Hama, ainsi que dans la Goutha en banlieue de Damas et dans certaines zones du sud.
Signe de la complexité du dossier, le dialogue entre Syriens demeure toujours impossible en dépit de la succession des initiatives internationales de paix et des années de guerre avec tout ce qui en découle en termes d’instabilité dans la région entière. D’ailleurs, un rapprochement des positions des uns et des autres en vue d’une transition politique n’est pas pour demain.
Avec son désir de donner de l’élan aux négociations sous l’égide des Nations-unies au regard du fiasco subi en Russie, M. de Mistura nourrit désormais l’espoir de voir le gouvernement syrien et l’opposition modérée se rallier au principe d’une consolidation du cessez-le-feu durant la période du ramadan, dans le prolongement de l’accord arraché à Astana.
Le Kremlin affirme avoir comme seule finalité de relancer le processus de règlement parrainé par l’ONU avec des « résultats concrets« , particulièrement sur l’élaboration d’un projet de Constitution consensuel, resté depuis lettre morte. Soutenue par la Turquie et l’Iran, respectivement parrains de l’opposition et du régime, l’initiative de Moscou est conçue dans la continuité des discussions d’Astana qui avaient été axées sur le volet de la sécurité. Or pour l’opposition syrienne qui a largement boudé les négociations de Sotchi, le doute sur les intentions russes persiste.
« Lancer une sorte de comité constitutionnel, de comité de suivi, cela ressemble fort à un processus parallèle. Pour être acceptable, Sotchi doit rester un événement unique », a insisté le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. C’est face à un tel antagonisme que l’émissaire international a jugé nécessaire un retour des négociations sous le légitime parapluie des Nations-Unies. Et sans oublier l’inévitable et peut-être dangereux conflit d’intérêts entre Moscou et Washington d’autant que chacun tente de minimiser le rôle de l’autre dans tout règlement.