Celeste, César et Jonathan: des récits de Vénézuéliens ayant fui l’enfer
De Caracas à Cúcuta, en passant par Bogotá, Quito, et Lima, et de là vers les frontières entre le Chili et l’Argentine avant d’arriver à Buenos Aires. Il ne s’agit pas d’escales d’une compétition sportive ni d’un voyage touristique, mais du chemin emprunté par des milliers de Vénézuéliens exilés par la force des choses et contraints de quitter un pays où la vie est devenue tout simplement impossible à cause de la crise.
A l’instar de plusieurs de ses compatriotes, Celeste raconte qu’elle a quitté depuis deux mois sa localité à l’Île de Margarita à destination de Caracas, où elle va entamer le voyage de l’enfer à bord d’un autobus qui va la mener à Buenos Aires.
Le trajet qui, en principe, devait s’effectuer en quelques jours, a duré près de deux semaines en raison de l’état mécanique déplorable du véhicule qui tombait constamment en panne.
Dans un entretien à la MAP, Celeste se souvient, les larmes aux yeux, dans le menu détail, de l’enfer qu’elle a enduré pour effectuer le voyage jusqu’à Buenos Aires, précisant qu’ils ont dû vendre, elle et son époux, tous leurs biens pour se procurer le billet de voyage par autocar, faute de pouvoir se déplacer en avion, un rêve hors de portée en ces temps difficiles.
L’arrivée de la quinquagénaire à Buenos Aires est une chance inouïe pour elle. Elle a réussi à quitter un pays où son salaire ne suffisait même pas pour couvrir ses besoins essentiels, alors que les produits alimentaires étaient tellement devenus rares qu’ils étaient rationnés à la cuillère dans certaines localités.
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Celeste, productrice et réalisatrice de nombreux programmes de radio et de télévision, n’a jamais imaginé qu’un jour elle sera dans l’obligation d’accepter des petits boulots comme aide-vendeuse dans le quartier chinois de Buenos Aires lors du week-end, ou de s’occuper d’un couple de 3ème âge au cours de la semaine tout en travaillant les soirs comme femme de ménage.
Malgré ses conditions difficiles, Céleste garde toujours espoir de pouvoir « sauver » son fils, qui est toujours coincé au Venezuela où il poursuit ses études en dernière année de master audio-visuel. Tout son souci se résume en l’achat d’un billet d’avion pour son fils afin qu’il vienne la rejoindre en Argentine pour commencer une nouvelle vie.
Celeste espère que sa nouvelle vie à Buenos Aires lui fera oublier les souffrances qu’elle a endurées dans son pays avant de prendre le chemin de l’exil à la recherche d’un avenir meilleur. Néanmoins, elle sait pertinemment que la vie à Buenos Aires ne sera pas parsemée de roses et qu’elle devra travailler dur pour gagner sa vie. Ses principaux défis c’est de trouver un logement à Buenos Aires pour y vivre avec son époux et obtenir un emploi qui correspond à ses compétences.
Pour sa part, le jeune César, la trentaine, a dû débourser toutes les économies qu’il a accumulées pendant des années alors qu’il travaillait en tant ingénieur dans une entreprise de télécommunications, pour fuir Caracas. Il se considère chanceux car il a pu se procurer, il y a deux ans, le billet d’avion à temps, soit avant la décision de la plupart des compagnies aériennes de quitter Caracas et de suspendre leurs vols à destination et en provenance du Venezuela, pays plongé dans une grave crise économique, malgré les immenses réserves d’hydrocarbures dont il regorge.
César raconte qu’il a pu trouver un emploi dans son domaine de formation et qu’il travaille aussi plusieurs heures chaque nuit et au cours du week-end en tant que chauffeur de taxi pour faire face aux difficultés de sa nouvelle vie. Selon lui, les conditions que connaît son pays sont inédites: l’insécurité, la pénurie de nourriture et de médicaments, outre un taux d’inflation record, poussent des milliers de Vénézuéliens à fuir vers les pays de la région, à savoir la Colombie et le Brésil, mais aussi vers l’Argentine qui connaît l’affluence de plus de 70 Vénézuéliens par jour. Environ 30.000 migrants vénézuéliens sont entrés en Argentine l’année dernière.
César ne compte pas rentrer au Venezuela, du moins pas pour le moment, d’autant plus que Caracas, Maturín et Valencia sont classées par des ONG sur la liste des villes les plus dangereuses au monde en raison de l’insécurité qui a hissé le taux de criminalité à des niveaux sans précédent, et où la faim est telle que les gens mangent dans les poubelles et chassent les chats et les chiens. De l’avis de César, la vie est devenue réellement insupportable au Venezuela, à tel point que ses amis et sa famille le conseillent de ne pas revenir advienne que pourra.
Titulaire d’un Master en Sciences d’éducation, Jonathan a choisi une voie différente dans sa nouvelle vie en Argentine. Il monte à bord du train depuis la gare « Retiro » au centre de la capitale Buenos Aires pour s’installer dans le dernier wagon muni de sa guitare, qui ne le quitte d’ailleurs, et commence à jouer des belles mélodies qu’il agrémente de sa voix suave, transportant les voyageurs vers des mondes lointains.
C’est avec beaucoup de soin qu’il choisit ses mélodies qui expriment la paix, l’amour et l’espoir d’un avenir plus radieux malgré l’adversité.
Lorsqu’il termine sa prestation musicale, toujours avant l’arrivée du train à la station suivante, c’est sous les applaudissements qu’il prend congé de son public en mouvement, heureux d’avoir transmis son message.
Pour Jonathan, cet échange vaut bien plus que les quelques pesos qu’il reçoit et qu’il accepte à contrecœur faute de moyens. « Je vous remercie. Vos applaudissements me suffisent », lance-t-il avant de s’en aller.
Celeste, César et Jonathan ne sont que quelques exemples du vécu de milliers de Vénézuéliens contraints de quitter leur pays natal pour l’Argentine, qui peut désormais rendre la pareille aux Vénézuéliens. Pour la petite histoire, ces derniers avaient accueilli beaucoup d’Argentins dans les années 80 lorsque l’Argentine était sous dictature militaire.
C’est comme si l’histoire se répétait à nouveau mais dans le sens contraire.